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CHRONIQUE PAR ...

84
Nicopol
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note : 14/20

LINE UP

-Nick Cave
(chant+paroles+orgue Hammond+harmonica)

-Blixa Bargeld
(guitare+chant)

-Hugo Race
(guitare+chant)

-Barry Adamson
(basse+chant)

-Mick Harvey
(batterie+chant+piano +vibraphone)

-Anita Lane
(paroles)

TRACKLIST

1)Avalanche (Leonard Cohen)
2)Cabin Fever!
3)Well of Misery
4)From Her to Eternity
5)In the Ghetto (Mac Davis)
6)The Moon Is in the Gutter
7)Saint Huck
8)
Wings Off Flies
9)A Box for Black Paul
10)From Her to Eternity (version de 1987 sur la BO du film Les Ailes du désir)


DISCOGRAPHIE


Nick Cave And The Bad Seeds - From Her To Eternity
(1984) - post rock inclassable No Wave / Alternative Rock - Label : Mute



Nombreux sont sans doute ceux qui, comme votre serviteur, ont découvert Nick Cave dans cette scène des Ailes Du Désir (Himmel Über Berlin, Wim Wenders)… Dans les néons blafards du Berlin de l’avant-1989, l’Ange déchu Damiel déambule à la suite de la trapéziste Marion, pour l’amour de laquelle il est redevenu simple mortel. Pénétrant dans une sorte de cabaret baroque et décadent, il se mêle à un public underground dans la pénombre enfumée. Sur scène, un homme maigre, gilet noir sur chemise rouge sang, crinière de jet, traits émaciés de junky, croisement improbable d’Iggy Pop et de Lestat le Vampire. « I want to tell you about a girl »… Et là, la claque…

From Her to Eternity, paru en 1984, est le premier album de Nick Cave & The Bad Seeds, groupe né des cendres de l’éphémère et légendaire The Birthday Party, icône du post-punk européen du début des années 80 connu pour le niveau de sauvagerie extrême de ses concerts et finalement détruit par les abus d’alcool et de drogues de ses membres… Aux commandes de ces Mauvaises Graines, deux australiens rescapés des BP : Nick Cave, chanteur, auteur, compositeur et « performer » hors normes, et son ami d’enfance l’arrangeur et multi-instrumentiste Mick Harvey, qui se charge ici de la batterie. Les deux compères sont rejoints sur cet album par un combo de musiciens cosmopolites et quelque peu hétéroclites : le guitariste berlinois Blixa Bargeld, également membre du groupe no-wave Einstürzende Neubauten, et troisième pilier fondateur des Bad Seeds ; Barry Adamson, bassiste anglais du groupe post-punk Image ; leurs compatriotes australiens Hugo Race, guitariste passionné de Delta blues, et Anita Lane, alors compagne et muse de Nick Cave et parolière occasionnelle (comme pour la chanson-titre, sans doute largement autobiographique). L’album est produit par Flood dans un rendu « lo-fi » qui participe largement à son climat malsain et oppressant.

Cet album marque pour Nick Cave la première incursion en dehors des sentiers parcourus jusqu’à l’autodestruction avec The Birthday Party, et auparavant avec son premier groupe, The Boys Next Door. L’influence de la scène post-punk est certes encore prégnante, comme sur le chaos bruitiste et maladif de "Cabin Fever", dans lequel Nick Cave s’imagine en une sorte de Capitaine Achab alcoolique, tanguant dans une mer de fin des temps, ou le sardonique et distordu "Wings Off Flies", qui voit le chanteur effeuiller, en lieu et place des pétales d’une marguerite, les ailes d’une mouche (terminant immanquablement par… « She loves me not »). Mais on sent poindre l’ambition d’un songwriter dans l’âme, abreuvé de littérature, de William Faulkner à Nabokov en passant par Dostoïevski et la Bible, et qui se mesure désormais aux mythes vivants que sont Johnny Cash ou Leonard Cohen : la chanson d’ouverture de l’album, "Avalanche", reprise déstructurée de l’album Songs Of Love And Hate, constitue en la matière une forme de « manifeste artistique ». Porté par cette ambition aussi musicale que littéraire, Nick Cave laisse libre cours à son âme de crooner gothique sur "In the Ghetto", reprise assez fidèle d’Elvis Presley, et "The Moon Is in the Gutter", crépusculaire dérive urbaine d’un loser miteux et solitaire ; mais aussi d’écrivain et de conteur mettant en musique les histoires les plus abominables ("Saint Huck", "A Box for Black Paul"). L’album se clôt comme un symbole par une lente et funèbre mélopée accompagnée au piano, "A Box for Black Paul", dans lequel le caveman cloue le cercueil des Birthday Party (« BP », mêmes initiales que le « Black Paul » de la chanson) pour mieux renaître de ses cendres aux côtés des Bad Seeds.

Chacune des facettes musicales de Nick Cave s’y devine ainsi, de façon encore éclatée mais déjà affirmée, l’héroïnomane post-punk, le pianiste de cabaret, le bluesman prédicateur, le dandy rockabilly ; quelque part entre Leonard Cohen et Captain Beefheart, le Velvet Underground et Peter Hammill, son chant se fait tour à tour hurlement, harangue, incantation, imprécation, murmure de crooner… On trouve aussi dès ce premier album le corpus d’obsessions et de fascinations qui imprègneront ses futurs albums : le désir désespéré menant à la folie comme sur "From Her to Eternity", premier « hymne » du groupe avec ce martèlement répétitif et monocorde de piano percussif, ces déflagrations de batterie, ces décharges de guitare industrielle explosant en spasmes épileptiques sur une ligne de basse oppressante ; la mythologie sudiste des bayous et du Mississipi, comme dans la complainte biblique de "Wells of Misery" sur laquelle le chœur lugubre des Bad Seeds et le gémissement d’un harmonica évoquent une procession d’esclaves martelée par le claquement sinistre de la batterie, ou l’énorme et terrifiant "Saint Huck", revisitant Huckleberry Fin et William Faulkner pour dépeindre dans un style quasi expressionniste la déchéance et la tentation corruptrice des grandes villes. Et aussi Dieu, le Bien et le Mal, le Péché et la Damnation, la Souffrance et la possibilité (ou non) d’une Rédemption…


Album fondateur, viscéral, chaotique, brouillon, parfois fatigant et même désagréable musicalement, From Her To Eternity annonce pourtant la synthèse musicale que le groupe réalisera au tournant des années 90 avec les chefs-d’œuvre que seront Tender Prey, The Good Son et Henry’s Dream. Album de rupture et de tâtonnement, donc, pour un Nick Cave désormais émancipé de l’expérience nihiliste du post-punk pour s’engager dans un itinéraire musical incertain vers la lumière et la paix. L’ange Daniel s’était dépouillé de ses ailes divines pour plonger dans les ténèbres du monde terrestre, à la recherche de l’Amour, qu’il trouvera finalement à un concert de Nick Cave & The Bad Seeds ; Nick Cave, lui, dans le mouvement inverse, déploie ses ailes de corbeau pour s’élever de la damnation terrestre vers la rédemption du Divin...



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