Trinity sort en 1995 et regroupe trois EP antérieurs et difficilement trouvables : Symphonaire Infernus... (1992), The Thrash of Naked Limbs (1993), I Am the Bloody Earth (1994). Excellente initiative, qui permet à chacun de s'imprégner du My Dying Bride d'antan, et de saisir l'ampleur de l'évolution qu'a connu le groupe depuis cette période. Car en effet, il faut s'accrocher pour apprécier Trinity, dont le charme n'a d'égal que les défauts.
A la base, le doom / death n'est rien d'autre qu'un death plombé et hérétique (claviers ? violon !). Jouant moins vite - hormis lors des accélérations de rigueur comme il s'en trouve à foison sur ce Trinity - et incorporant des éléments nouveaux extra-death, le doom / death impose un cadre et une rigueur austère à un death par trop fulgurant. Telle est donc la catégorie dans laquelle s'inscrivaient la majeure partie des morceaux joués par la mariée à l'époque, dans la grandiose décennie nonante, dont cette sortie cumule tous les charmes (et l'on pense à ces productions, brutes mais pertinentes - au pluriel car Trinity n'a pas touché au son original de chaque EP, chaque fois différent). Donc quoi ? Donc un album de doom / death. Parfois tirant davantage vers la vélocité ("God Is Alone", "Catching Feathers", bûchages en règle), parfois vers le caveau ("The Thrash of Naked Limbs", "The Crown of Sympathy", froides et inquiétantes) et, parfois enfin, entre les deux ("Symphonaire...", "Gather Me Up Forever"...). C'est de ce tiraillement que naissent presque toutes les particularités du MDB d'antan. D'abord et avant tout, ce tiraillement se ressent en observant la construction des morceaux : incompréhensible la plupart du temps. My Dying Bride possède déjà son défaut / charme récurrent : celui de ne pas savoir enchaîner les plans les uns avec les autres. Et voilà que les riffs se suivent à la queue-leu-leu, un peu (totalement ?) n'importe comment. Et nous de suivre gaiement la danse !
Du reste, les choses vont plutôt bien. Le growl d'Aaron, bien que particulier, est bon et suffisamment puissant pour soutenir les rifss, qui sont efficaces eux aussi, ainsi que l'est le rythme ; en somme, du bon boulot au service d'un disque tout entier influencé par les années 1990. Restent bien quelques interrogations en dehors même de celles concernant l’enchaînement des plans (j'insiste, mais vraiment...). "Le Cerf Malade" est une piste d'ambient (qui préfigure par là même Evinta), pas désagréable mais dont l'on se demande un peu la justification. "Symphonaire..." est un véritable foutoir : est-ce là le produit fini ? Idem pour "Vast Choirs" ou "Catching Feathers"... Enfin - et heureusement ! - les points de charme ne manquent pas non plus. Le violon / growled-words (un spoken-word en agressif, quoi - innovant pour le moins) sur "The Thrash..." fonctionne très bien. "The Crown of Sympathy" annonce (à l'époque) un certain Turn Loose The Swans et le fait fort bien via l'apparition d'un premier chant clair déjà si particulier. Les breaks de "Gather Me Up Forever" sont soignés comme il faut, ainsi que l'ensemble lancinant formé par le duo guitare / violon sur "I Am the Bloody Earth" (idem pour "The Sexuality..." aux thèmes magnifiques), etc. Du bon, du moins bon, et du My Dying Bride par paquets, voilà ce que propose cette anthologie bienvenue.
Finalement, passées les erreurs de jeunesse d'un groupe qui se cherche de manière encore trop visible (les pistes 1, 2, 3 et 10), Trinity permet de mettre en avant un groupe dont le potentiel ne cherche alors qu'à s'épanouir. Le manque de cohérence de l'ensemble est repêché par l'indéniable charme de cette compilation. L'on regrettera même que des pistes comme "I Am The Bloody Earth" ou "Gather Me Up Forever" ne soient devenus extrêmement rares par la suite.
NB : L'artwork de Trinity étant décidément trop laid, j'ai préféré mettre en avant celui du second EP représenté ici, The Thrash of Naked Limbs. Nettement plus classe. Mea Culpa.