La notion de « saison » est un peu désuète non ? Je veux dire, de nos jours, alors que l'information circule à cent à l'heure, que le moindre événement affecte toute la planète, quel est le sens d'une « saison » ? Un peu trop lente, la saison. Un peu dépassée par les événements. Bon, ok, le concept astronomique persiste. La saison est et demeure d'abord un fait scientifique. Reste qu'à notre échelle, tout est chamboulé. La neige fond en hiver, il neige en avril, j'achète mon melon en février et mon orange en juillet. Pire, ce dérèglement général affecte tous les domaines, y compris la musique. Tenez, My Dying Bride sort un EP fin mai, alors que le soleil est à son maximum et que jupes et chapeaux de pailles sont à nouveau dans le paysage. Du doom en été... non vraiment, il n'y a plus de saisons !
Depuis le temps, tout le monde connait MDB et il est inutile de s'attarder sur les caractéristiques fondamentales de la musique des Anglais. Tout le monde sait quoi attendre de The Manuscript, EP qui suit de quelques mois le dernier album très réussi de la mariée. Sachant cela, une crainte existe forcément : celle que cet EP ne soit composé que de vilaines chutes de studios. Les vilains petits canards non retenus pour l'album officiel. Mais « ouf !» car ce n'est pas le cas. Pas que les morceaux soient pourtant très différents de la cuvée 2012 du groupe, au contraire. MDB s'enfonce une nouvelle fois dans le trip old-school suivi depuis The Barghest... Une nouvelle fois, les guitares vrombissent de méchants riffs et de larsens tandis que la production est volontairement sale, le violon chouine magnifiquement ("The Manuscript") et le growl s'impose (un peu) plus que de coutume sur "Var Gud Over Er".
Les standards sont tenus et ce n'est rien de le dire. MDB revisite à ce point son passé que certaines lignes de chant de "Var Gud Over Er" semblent toute droit sortie de "Fall With Me" . La référence n'est pas si vieille, il me faut l'admettre, mais quid de la seconde partie de cet "A Pale Shroud of Longing" qui pioche très, très clairement du coté de "She Is The Dark" ? On en frétille comme un poisson fraîchement pêché. Pourtant, c'est à cet instant que les avis peuvent diverger : soit le groupe tourne en rond, n'a plus rien à dire et s'auto-parodie, soit, au contraire, le groupe peaufine et persévère dans une formule qu'il a très largement contribué à créer et qui lui appartient. A titre personnel, je vote pour la seconde option, l'auto-parodie ayant été atteinte sur For Lies I Sire. The Manuscript, au contraire, ne déroute en rien. Et surtout pas en mal.
Pour le reste, cet opus qui cesse un peu en dessous de la demie-heure, est approuvé par la « Haute Commission du Doom Metal » (HCDM). Le rythme est lent et la misère palpable. Le romantisme est là, en filigrane, derrière le rideau gris. Aaron, désormais aux cheveux courts, continue de placer ses lignes en alternant chant clair plaintif, growl (de qualité bien que de plus en plus mature, ce qui montre que son absence relative des opus pré-A Map Of All Our Faillures est davantage due à un choix artistique qu'à un manque de fougue) et spoken words d'une classe toute anglaise. A ce titre, la dernière piste au titre évocateur ("Only Tears To Replace Her") montre la facette la plus posée du groupe. Celle, qui sublime le silence. Qui se souvient de "My Wine In Silence" ? Le ton est le même. Un peu de rage en moins. Cette courte piste clôt avec grâce le manuscrit.
Plus le temps passe et plus les sorties de la mariée évoquent le parfum porté jadis par une silhouette appartenant désormais au passé. Bien que tout ait changé depuis la première rencontre, ce seul parfum fait remonter à la surface les souvenirs les plus tendres. Les plus durs aussi. Trop facilement critiqué, My Dying Bride continue pourtant de prouver qu'à défaut d'évoluer (mais le souhaite t-on vraiment ? Hum, peut-être un peu...), il reste le groupe de doom à l'anglaise par excellence. Les maîtres du genre persistent et signent. Profitons-en, car lorsque cela cessera, nul doute que le vide se fera cruellement ressentir.