Les musiciens de My Dying Bride ne chôment pas. Si leur dernier album studio date de 2009, le groupe n'a jamais cessé de produire depuis cette date: Evinta, The Barghest O Whitby...Tous sont apparus comme autant de témoignages d'un groupe en pleine possession de ses moyens. Et ceci, excusez du peu, après 20 années de loyaux services rendus à la scène doom. C'est qu'en effet, du fameux "Peaceville Three" regroupant Paradise Lost, Anathema et My Dying Bride, ces derniers sont les seuls à n'avoir jamais dévié (ou presque, souvenons nous de l'album à l'araignée) de leur ambition initiale. L'ambition de servir LE doom. Classe et mélancolique. Et ce n'est certainement pas avec ce nouvel album que les choses risquent de changer.
Pour un doomster, la meilleure façon de prouver sa bonne volonté est de faire sonner le glas. My Dying Bride, vieux briscard, le sait bien. C'est bien un son de cloche, austère, qui ouvre "Kneel Till Doomsday", première piste de l'album. D'emblée, le son est froid, l'ambiance funéraire. Qu'il semble loin le temps poli de For Lies I Sire, dernier album en date. L'EP sorti l'an passé était quant à lui annoncé comme une mise en bouche pour la suite. Aurjourd'hui, force est de constater que la présente suite en reprend les ingrédients principaux. Le son, bien que clair, n'est plus plat. Les guitares sont moins rondes, plus tranchantes, et la production met -enfin !- en valeur ces lentes complaintes Anglaises. Les harmoniques, les notes tenues et sifflantes sont une nouvelle fois de la partie, conférant à l'ensemble un aspect sale, old school, seyant à merveille à My Dying Bride. Sans sonner comme Turn Loose The Swans , cet album possède à nouveau une aura qui semblait s'être perdue en chemin. Paradoxalement, c'est sous la crasse qu'on reconnaît le mieux notre mariée. Pour la première fois depuis longtemps, le ton est profond, grave. A Map of All Our Failures est enfin un album de Doom avec un "D" majuscule.
Tous les classiques du groupes sont effectivement présents sur ce nouvel album. Le chant, majoritairement clair (même si certaines poussées particulièrement virulentes seront appréciées sur "A Tapestry Scorned" ou "Kneel Till Doomsday", comme autant de sursauts du death d'antan) est toujours aussi touchant et désespéré. La frontière avec la plainte est ténue mais la classe naturelle d'Aaron permet encore une fois de faire la différence. Se servant des expériences récentes, celui-ci n'hésite plus à doubler sa piste pour un résultat saisissant ("Hail Odysseus"). L'audace est même poussée jusqu'à l'utilisation de choeurs, une première ("Abandonned As Christ"). Au risque de trop en faire, Aaron n'a jamais aussi bien chanté, multipliant les harmonies et mélodies distinguées avec autant de facilité qu'un boulanger pétri son pain. Egalement remarquable est cette batterie, si singulière, si vivante. Et remarquer la batterie sur un album aussi lent tient du miracle. Le violon, dont le retour annoncé en grande pompe avait majoritairement fait office de cache-misère sur l'album précédent, est ici parfaitement utilisé et intervient régulièrement et sur la plupart des pistes. A ce titre, le dernier morceau de l'album "My Faults Are Your Reward" contient certainement la meilleure piste jouée par cet instrument depuis "For My Fallen Angel". Ce titre, très mélancolique et proche des dernières productions de Funeral impose à lui seul l'achat de la version digibook de l'album.
Toutefois, si les idées foisonnent, ce sont bel et bien les guitares qui mènent un jeu ayant par ailleurs considérablement ralenti. De la charpente aux finitions, elles sont partout, se mouvant comme autant de fantômes. Enfin, le clavier, bien mieux intégré que par le passé et ne se prive pas de détruire tout espoir en se transformant épisodiquement en orgue imposant, à la manière d'un Skepticism des grands jours ("A Tapestry Scorned"). Lent, l'album l'est au point de voir certains passages côtoyer le funeral doom. "Like A Perpetual Funeral" est à ce titre un bon exemple. Par cette piste arrive la torpeur. Mais peut-être serez vous plus sensible à la lente et calme progression du titre éponyme, se terminant sur l’enchaînement de deux des meilleurs plans de l'album : un riff percutant suivi d'une mélodie en twin guitars des plus dramatique. Car oui, au milieu de ces riffs répétitifs, les mélodies parviennent à émerger sur chaque morceau. La patte de la mariée est inimitable. Lancinantes (sur "Abandonned As Christ", notamment), ces aérations particulièrement réussies s'intègrent parfaitement à des compositions pourtant touffues en raison de leurs durées (souvent au-delà des huit minutes, tout de même). L'étirement des pistes sera d'ailleurs le seul réel reproche à faire à cet album. Tout traîne en longueur, au risque de rebuter les auditeurs affamés de variations et de cassures. D'où, peut-être, une attention parfois déclinante.
Après autant d'années de bons et loyaux services, autant dire que My Dying Bride est un groupe à la discographie particulièrement vallonnée. Les hauts et les bas alternent et prennent sans cesse le fan à revers. Fort heureusement, A Map of all our Failures se classe sans mal parmi les meilleurs opus du groupe. Conservant un son inimitable, les Anglais, s'ils n'évoluent pas réellement, n'en oublient pas moins de mettre de la passion dans leur triste tambouille. A Map Of All Our Failures est peut-être un album de plus, un album qui ne changera pas les opinions de chacun, mais il s'avère être en définitive un très bon album. Chapeau messieurs, en espérant que vous continuiez sur cette lancée.