Un nouveau disque de Judas Priest avec Rob Halford, rien de bien excitant à première vue. Comme chacun sait, le Priest de l'âge d'or des années 80 est mort. Angel Of Retribution était correct malgré tout, c'était un album de reformation sans surprises, à peine meilleur que Demolition, fait pour se rassurer mais il ne pouvait rivaliser avec Painkiller ou Defenders Of The Faith. Si Judas Priest ne voulait pas se voir rangé pour de bon parmi les seconds couteaux du metal, il leur fallait sortir un nouvel album différent d'Angel Of Retribution.
Judas Priest n'est pas le genre de groupe à sortir deux fois le même album, ce n'est pas nouveau et ce n'est pas maintenant que ça va changer. À l'inverse de tous les fonctionnaires du metal, ressassant toujours les mêmes riffs, et à l'inverse d'un Iron Maiden, utilisant toujours les mêmes intros à rallonge, les mêmes arpèges, la même soupe « épique » depuis Virtual XI, Judas Priest revoit complètement sa façon de composer. Concept album, double album, arrangements orchestraux effectués par le Charlie Oleg des claviers, Don Airey himself, le groupe a vu les choses en grand. Conscient de ne plus pouvoir hurler en concert comme à la grande époque, Rob Halford calme le jeu et se montre impérial dans les graves comme par exemple sur l'épique "War", un des moments forts de ce Nostradamus. Même chose pour les ballades et les (très) nombreux interludes, Rob Halford livre une prestation remarquable, pleine de sensibilité, à mille lieues des versions live chaotiques de "Painkiller". Beaucoup de choses ont été dites à propos de Nostradamus : d'un côté, les die-hard fans crient déjà au chef-d'œuvre et à l'innovation, saluant le courage dont a fait preuve leur groupe préféré ; de l'autre, les puristes dénoncent une supercherie tout en condamnant des orchestrations « faciles », l'absence de vrais riffs qui tuent, des interludes interminables... qui croire ?
Mettons les choses au clair de suite : ce n'est pas parce que le Priest se renouvelle que l'album est forcément génial. Difficile de s'enfiler ce double album d'une traite tellement il est dense et tellement il contient... des longueurs, hé oui ! Bien souvent, le groupe joue la carte de l'émotion « bon marché » à grands coups d'arpèges aux p'tits oignons et d'interludes envahissants, cassant quelque peu le rythme à la longue. Le son aurait pu être meilleur également, moins étouffé et davantage à la hauteur du concept. La paire Tipton – Downing se la joue un peu trop démonstratif pour les solos, dommage. Et enfin, les orchestrations placées ne sont pas toujours des plus judicieuses, certaines sur "Prestilence and Plague" et "Future of Mankind" n'ont rien d'original et ressemblent étrangement à celles de l'album solo de Timo Tolkki, Hymn To Life... ou pas loin. Voilà pour les défauts.
Nostradamus démarre fort bien avec "Prophecy" et "Revelations" : des morceaux heavy, des orchestrations discrètes, un traitement de l'affaire assez simple, suffisamment efficace et un brin grandiloquent. Le Priest reste fidèle à son style de prédilection et ne s'est pas mis à faire du Rhapsody ou du Avantasia, nous voilà rassurés. Avec "War" et "Death", on passe à du gros calibre : ambitieux, massif, épique, tempos lourds, pour un peu le Priest retrouverait presque sa grandeur d'antan avec un son de guitares délicieusement « 80's » sur "Death", rappelant même "Monsters of Rock" présente sur Ram It Down, un régal ! Certains interludes sont vraiment magnifiques et peuvent se classer parmi les plus belles mélodies de la carrière du Priest ("Peace", "Shadows in the Flame", "Hope", "Calm Before the Storm"). Tout cela sert à introduire les réussites que sont "Conquest", "Visions", "New Beginnings", des morceaux vraiment atypiques et éloignés des clichés du heavy, une subtilité que l'on retrouvait plus facilement dans leur répertoire des années 70. Même Scott Travis a fait des efforts cette fois pour se placer davantage en retrait et se calmer avec la double pédale.
À ce titre, le second disque est plus osé, plus calme aussi et à vrai dire, je préfère le premier car plus rythmé et heavy. Les guitares acoustiques sur "New Beginnings" rappelleront même l'esprit mystique et aventureux de Sin After Sin et Sad Wings Of Destiny. Mais à force de vouloir jouer sur la fibre émotionnelle, de sacrées longueurs se font ressentir comme sur "Exiled" et "Alone" qui n'en finissent plus. En conclusion, "Nostradamus", le titre le plus speed, n'a rien d'exceptionnel et "Future of Mankind" traîne carrément en longueur. Même chose pour "Lost Love", un peu trop mielleux pour être honnête, et "Pestilence and Plague" (la mélodie rappelle étrangement celle de "Prisoner of your Eyes", l'inédit présent sur Screaming For Vengeance).
Difficile d'avoir un avis tranché sur Nostradamus, entre d'un côté l'impression de tenir quelque chose d'énorme et de l'autre quelques lourdeurs de composition qui nuisent au plaisir de l'écoute. On saluera la démarche courageuse après plus de 30 ans de carrière, la prise de risque est évidente et justement, le gros risque de Nostradamus est d'ennuyer sur la longueur. Si on retient l'aspect positif des choses, cela donne mine de rien l'album du Priest le plus ambitieux depuis Painkiller.