Album à part dans la période David Byron, High And Mighty a été principalement composé par Ken Hensley. Jusque-là, rien de bien nouveau, c'était déjà comme ça sur les autres albums. Sauf qu'ici, seuls Ken Hensley et John Wetton ont vraiment été impliqués dans l'élaboration du disque, Ken Hensley allant même jusqu'à jouer de la guitare (acoustique surtout) à la place de Mick Box. High And Mighty est à considérer comme un album solo de Ken Hensley, plus que comme un véritable album d'Uriah Heep, selon les dires mêmes de l'intéressé. Moins heavy et plus "humble" que d'habitude donc. Gerry Bron est soigneusement écarté cette fois-ci, le groupe préférant se produire lui-même. Mais vu la qualité déplorable de la production, ils ne commettront pas l'erreur une seconde fois. Même la version remasterisée ne permet pas de sauver les meubles à ce niveau.
L'album est divisé en deux catégories: le rock d'un côté et les mélodies de l'autre. "One Way Or Another", le premier morceau, démarre de façon inhabituelle puisqu'après un pauvre riff heavy qui n'en finit pas de s'étendre, c'est John Wetton qui passe au chant. Sa prestation n'est pas terrible, et ses quelques intonations dans les aiguës sont vraiment ridicules. Il était bien meilleur chez King Crimson, un groupe où le chant intervient rarement il est vrai, c'est pour ça ! Heureusement qu'il ne chante pas sur les autres titres. Les claviers sont très en retrait, et "One Way Or Another" a pour seul intérêt les choeurs à la fin, le "solo" et les rares moments où David Byron reprend le micro. Ça ne s'améliore guère sur le deuxième titre, "Weep In Silence", une ballade qui traîne en longueur et dont le principal arpège finit par gaver! Elle n'est pas mauvaise en soi, mais Uriah Heep a déjà proposé des ballades bien meilleures.
High And Mighty décolle enfin avec "Misty Eyes", et quel décollage ! D'après Ken Hensley, High And Mighty contient certaines de ses meilleures compos, et à l'écoute de "Misty Eyes", on ne pourra pas le contredire. Guitare acoustique subtilement mélangée à l'électrique, choeurs parmi les plus beaux qu'ils aient pondu, autant d'ingrédients qui rappellent pourquoi Uriah Heep a servi de référence aux premiers albums de Queen. "Midnight" continue dans la même lignée, encore du grand art. Tout de suite, on sent la prédominance des claviers. Si tout l'album avait été aussi grand, High and Mighty aurait pu devenir le meilleur album d'Uriah Heep, sans problème.
Mais là où le bât blesse, c'est pour les titres rock, d'une qualité alternant le moyen et le médiocre. "Can't Keep A Good Band Down" est atroce; les paroles sont assez révélatrices de l'ambiance qui régnait au sein du groupe à ce moment-là, et "Make A Little Love" est également d'une banalité à faire pâlir Deep Purple. Dans ce style rock, seul "Woman Of The World" tire son épingle du jeu, grâce à de belles mélodies. Quelques perles en fin d'album, "Footprints In The Snow", magnifique ballade acoustique qui s'anime sur le refrain électrique, construit un peu de la même façon que "Babe I'm Gonna Leave You" de Led Zeppelin. Deux morceaux exclusivement au piano ou presque: "Can't Stop Singing", et enfin la conclusion avec "Confession", une courte ballade comme Ken Hensley en a déjà composé cinquante mille.
Sur les bonus présents dans la nouvelle version remasterisée (celle de 2004, et non celle de 1996), la qualité est variable là aussi, du bon et du moins bon. L'inédit "Name Of The Gun" est fortement sympathique, "Sundown" un peu moins marquante. Et le plus intéressant, les versions démo au piano de "Woman Of The World" (intitulée ici "Does Anything Matter"), "Footprints In The Snow" (rebaptisée "Take Care") et "I Close My Eyes". Sur ces versions, on se rend compte de l'importance des claviers dans le processus de composition, pour ensuite donner lieu à un titre bien rock (sur "Woman Of The World"). On se serait bien passé de la présence de "Can't Keep A Good Band Down" et "Weep In Silence" (version longue, super!) dans les bonus ; ces versions n'apportant absolument rien de plus.
Bref, la question que l'on peut se poser est si les nouveaux remasters valent le coup? Réponse:
1) Vous avez déjà les premières éditions remasterisées de 1996, donc oubliez les nouvelles, ce n'est qu'un moyen facile de faire du fric de la part de Castle/Sanctuary, en faisant raquer les fans une nouvelle fois. Tout cela s'est fait sans l'accord de Mick Box, puisque c'est Sanctuary qui possède les droits d'exploitation du catalogue d'Uriah Heep.
2) Vous n'avez pas du tout l'album, donc dans ce cas, ces nouveaux remasters valent largement le coup, avec un livret plus conséquent que sur les premiers et davantage de titres bonus.