A peine remis du décès du bassiste Gary Thain, qui était à Uriah Heep ce que Cliff Burton était à Metallica, un bassiste dont le jeu très mélodique représentait un atout important dans le son d'Uriah Heep, l'arrivée du bassiste John Wetton, célèbre pour avoir joué dans King Crimson, UK et Asia, semble provoquer un léger bouleversement dans le style d'Uriah Heep. Return To Fantasy est en effet un album plus accessible, conçu pour faire face à des ventes en baisse à l'époque. Après la mort de Gary Thain, on aurait pu s'attendre à un album encore plus noir que Wonderworld, mais au contraire, Return To Fantasy contient beaucoup de titres joyeux, dans une lignée pop-rock très courante dans les années 70.
John Wetton à la basse n'apporte cependant pas grand chose au niveau de son jeu de basse et il est plus en retrait que son prédécesseur, mais peut-être que pour les compos, il est quelque part à l'origine de cette nouvelle orientation musicale, plus propre sur elle. On peut se poser la question en tout cas. L'identité d'Uriah Heep demeure toutefois intacte. Simplement, l'aspect progressif, épique et heavy des albums précédents est ici en retrait au profit d'une musique plus légère ce qui fait de Return To Fantasy un album un peu moins bon que d'habitude, faut bien l'avouer. Mais la qualité et l'inspiration sont quand même au rendez-vous, avec notamment des rock songs énergiques très appréciables, aux mélodies sucrées : "Shady Lady" et son intro de guitare sublime, extrêmement mélodique et qui annonce la couleur d'un titre rock plutôt simple à la base mais à la sauce Uriah Heep, c'est-à-dire avec des choeurs toujours grandioses et une rythmique sautillante qui met direct de bonne humeur.
Mick Box à la guitare n'a jamais été un grand technicien, surtout sur ses solos primaires mais d'une efficacité redoutable. Il est toujours là pour servir la musique soit d'arpèges en parfaite adéquation avec le chant, ou alors de riffs bien hard/heavy très simples et in your face, droit à l'essentiel. Rien à voir donc avec le jeu très technique (et parfois très chiant, surtout dans le Deep Purple des années 80) de Ritchie Blackmore. Même topo avec "Devil's Daughter" et son orgue Hammond de folie, "Prima Donna" et ses cuivres ou le bluesy "Your Turn To Remember", parfait lors d'une soirée entre potes autour d'un feu de bois ! A reprendre en coeur, en étant un peu torché quand même!
Le chant de David Byron reprend des couleurs pour l'occasion, alors qu'il semblait un peu à la ramasse sur Wonderworld, et il n'hésite pas à tirer dans les aigus. Le seul reproche que l'on peut faire à ce genre de chansons, c'est d'être parfois un peu pauvre musicalement comme c'est le cas de "Show Down" et ses guitares slidés qui donnent un peu l'impression d'avoir été composé à la va-vite ou de "Prima Donna" que l'on pourrait rapprocher sans peine à des morceaux rock dynamiques à la Elton John, la guitare en plus. Enfin quand je dis pauvre, il faut nuancer, c'est uniquement dans le cadre d'Uriah Heep, car pour un groupe banal de rock à l'époque comme il y en avait des milliers, ce genre de titres me parait très riche et créatif. Donc tous ces morceaux ne sont pas exceptionnels mais ils permettent de passer un (très) bon moment à l'auditeur et c'est déjà pas mal.
Heureusement, il reste aussi quelques moments sublimes où Uriah Heep prouve qu'il a conservé sa grandeur d'antan sur le classique Return To Fantasy (qui sera repris plus tard et brillamment par Gamma Ray avec Kai Hansen au chant, preuve si il en est de l'influence d'Uriah Heep dans le metal), un des plus beaux morceaux du répertoire d'Uriah Heep ni plus ni moins, avec un refrain sublime, des parties de basse bien plus intéressantes que celles des morceaux rock de l'album, une tonalité épique et des mélodies accrocheuses de bout en bout. En gros, tout le savoir faire d'Uriah Heep exposé en 5 minutes !
Autre grand moment, "Beautiful Dream" qui démarre avec des claviers ultra kitschs, on se croirait dans la BO d'un vieux feuilleton des années 70 sur les extra-terrestres, imaginez le tableau. Mais ce morceau dégage des émotions et une puissance incroyable, puissance qui est due justement à ces sons de claviers "modernes", à la guitare sèche qui intervient comme contraste tradition/modernisme et aux vocaux suraiguës. Tout ceci peut rebuter en tout cas, d'autant que les harmonies vocales sont assez sophistiquées. C'est l'une des facettes les plus "extrêmes" d'Uriah Heep, difficile d'en ressortir indemne.
Et pour terminer l'album, un morceau plus simple, "A Year or a Day", mais qui, comme "Beautiful Dream", prouve bien qu'Uriah Heep est le précurseur incontesté du metal progressif. Return to Fantasy repose surtout sur ces trois morceaux de bravoure, morceaux sur lesquels les claviers de Ken Hensley ont la part belle, alors que sur le reste de l'album, c'est plutôt la guitare qui prédomine. Même si il ne rivalise pas avec les albums légendaires du combo que sont Salisbury, Look at Yourself, Demons and Wizards et The Magician's Birthday, Return to Fantasy reste très bon malgré un répertoire un peu plus léger.