Faisons un bond en arrière, et remémorons-nous le bon vieux temps. Celui où la densité de groupes de metal était plus faible, et où les sous-genres ne pullulaient pas encore (oui, cette chronique vous est offerte par Vieux Con Magazine). Cette époque où avec une bonne démo, vous pouviez vous faire remarquer non seulement par les labels mais aussi par les amateurs les plus pointus. Ce fut le cas pour Iced Earth avec la remarquable démo 6 titres Enter The Realm, qui constitue l'ossature principale de ce premier album éponyme.
Pour lancer sa carrière discographique, Iced Earth n'a rien trouvé de mieux qu'intituler son premier morceau… "Iced Earth", sur l'album Iced Earth bien sûr ! Ca commence d'ailleurs assez doucement : un riff pas génial, et surtout un chanteur absolument horrible, digne des « Inoubliables » de la Nouvelle Star. Écoutez le fameux « What do I seeeeaarghhh », rigolade assurée ! Quand on sait que Jon Schaffer change plus souvent de musiciens que Djibril Cissé de coupe de cheveux, on se demande encore comment il a pu jeter son dévolu sur Gene Adam. Heureusement, le maestro remet très vite les choses au point, en seulement 3 minutes chrono : c'est très précisément le temps qu'il faut attendre pour le voir poser sa patte immédiatement reconnaissable et proposer la première rythmique ©Schaffer de l'histoire, point de départ d'un break endiablé qui laisse entrevoir le potentiel du groupe. Néanmoins, à l'instar d'un "Iron Maiden", voici une chanson qui doit plus son statut de classique à des raisons historiques qu'à sa valeur intrinsèque.
Peu importe ce début mitigé, puisque le groupe a indéniablement de la ressource. Le cocktail « Maiden meets Metallica », ce mélange entre rythmiques thrashy très incisives et leads mélodiques fonctionne à plein régime, d'autant plus qu'Iced Earth ne cherche absolument pas à canaliser sa fougue. Les structures classiques couplet/refrain sont quasiment absentes, et laissent la part belle à de longues cavalcades rythmiques qui mettent les guitaristes en valeur et nous font oublier la médiocrité du chanteur. Iced Earth va même jusqu'à proposer 2 instrumentaux consécutifs, le doux intermède acoustique "Solitude" qui, dans la démarche, rappelle "Orchid" de Black Sabbath, puis "Funeral". Cette dernière comprend un paquet de riffs qui auraient pu être un peu mieux exploités au sein de vraies chansons, mais elle a au moins le mérite de laisser Gene Adam au vestiaire ! Alors certes, cette fougue est un peu le moteur unique de compos qui finissent forcément par se ressembler, mais le groupe finit toujours par éviter la redite en glissant un break ou simplement un lead plus mélodique pour aérer le tout.
Musicalement, cela se concrétise par des compos assez longues, qui prennent souvent des allures de jam. Certes, la cohérence n'est pas toujours au rendez-vous, comme sur "When The Night Falls", mais le groupe s'en tire généralement à bon compte. Le meilleur exemple reste sans doute "Curse The Sky", une des rares compo bien heavy qui n'envoie pas la purée d'entrée. Et pourtant, bien vite, Iced Earth écrase l'accélérateur et se lance dans un break de folie. On connaissait déjà les duels de solistes rendus célèbres notamment par Maiden ou le Priest, mais ici on a l'impression de voir s'affronter le soliste et le rythmique, chacun excellant dans son domaine respectif. Autre aspect intéressant, ces claviers utilisés très judicieusement sur "Life And Death". Et pourtant, ce titre ne partait pas sur des bases particulièrement appétissantes, avec cette mélodie un peu mielleuse. Mais là où tout semblait indiquer une ballade, c'est au contraire une rythmique des plus furieuses qui déboule, avec justement cette légère touche de claviers qui donne au tout un côté plus sombre, plus dramatique.
Finalement, le seul petit regret, c'est qu'Iced Earth ne contient aucun vrai classique de la discographie du groupe (car on peut encore parler de groupe à l'époque, Shawver co-signant quasiment toutes les musiques). Ceci est sans doute dû à l'absence de refrains très marquants ainsi qu'à des compos manquant un peu de concision. Néanmoins, il s'agit là de l'album le plus débridé, le plus fou-fou de toute la carrière d'Iced Earth, ce qui lui confère un charme qui opère encore aujourd'hui.