Étrange trajectoire que celle de Burnt Offerings. Succédant à un Night Of The Stormrider qui avait fait l'unanimité, il fut enfanté dans la douleur, alors que le groupe se débattait dans l'une de ses légendaires querelles avec son label. Et s'il est aujourd'hui régulièrement cité parmi les albums préférés des fans, il eut pourtant droit à un accueil franchement mitigé à l'époque, comme le reconnaît à demi-mots la longue bio dans Dark Genesis…
En même temps, la réaction des fans une fois cet album dans les mains n'avait rien de particulièrement surprenant non plus. Après un silence radio de 3 ans, laps de temps conséquent dans un début de carrière, voilà qu'Iced Earth revient avec une direction musicale complètement différente de celle qui avait fait le succès de Night Of The Stormrider. Car ici, hormis peut-être le furieux "Brainwashed" et dans une moindre mesure "Last December" (titre un peu plus mainstream qui annonce plutôt The Dark Saga), pas vraiment de morceaux heavy in your face façon "Angels Holocaust" ou "The Path I Choose". A l'image de cette intro menaçante, qui n'est pas sans rappeler le thème principal de L'Exorciste, agrémentée de vers tirés de Dracula, voici un album particulièrement sombre. A ce titre, l'illustration originale rouge sombre, tirée de l'œuvre de Gustave Doré, était bien plus en adéquation avec l'album que la pochette de la version remasterisée.
Plus surprenant en revanche, surtout avec le recul et au vu des réactions désespérées des fans au moment de son départ, la première prestation de Barlow avec Iced Earth fut loin de faire l'unanimité elle aussi. Son style théâtral encore un peu hésitant, comme sur le break calme de "Burning Oasis", tranche en effet assez nettement avec le style beaucoup plus classique de son prédécesseur John Greely, renvoyé pour cause d'antisémitisme aggravé. Pourtant, on sent déjà chez Barlow un potentiel intéressant, mis en valeur notamment sur l'interlude "The Pierced Spirit" sur lequel il n'est accompagné que par une guitare acoustique et un piano. De même, la polyvalence de sa voix est parfaitement adaptée aux différentes ambiances qui se succèdent dans des morceaux un peu plus longs et complexes. L'alternance couplets agressifs / refrain mélodique de "Burnt Offerings" est ainsi particulièrement réussie pour un morceau qui se hisse parmi les meilleurs moments de l'album. C'est également le cas de "Diary", avec son intro doomesque à laquelle succède une trame bien plus classique, basée sur un riff particulièrement incisif.
Malheureusement, en procédant ainsi, certains morceaux finissent par manquer de cohérence du fait de ces nombreux changements de plans. Ainsi, si "Burning Oasis" n'évolue qu'un léger cran en dessous du reste de l'album, il ne se passe carrément pas grand-chose d'intéressant dans "Creator's Failure". Il pourrait donc y avoir de quoi s'inquiéter avant de se plonger dans "Dante's Inferno", un pavé de plus de 16 minutes… mais il n'en est rien, bien au contraire ! Comme son titre l'indique, ce morceau est basé sur la première partie de la Divine Comédie, qui narre le voyage de Dante à travers les 9 cercles de l'Enfer en compagnie de son guide Virgile. Certains passages des paroles y sont même directement repris, comme cette inscription sur la porte de l'Enfer : «Vous qui entrez, abandonnez toute Espérance (Abandon all Hope who Enter Here)». Pour illustrer un voyage aussi épique, il fallait bien toute une palanquée de riffs de première main, et Schaffer se montre largement à la hauteur de ce point de vue. Les différents plans s'enchaînent avec une fluidité remarquable tout en gardant en permanence un côté extrêmement heavy, et l'ambiance se fait tour à tour mystérieuse, rageuse, paisible ou sombre. Bien sûr, certains pourront déplorer quelques longueurs, mais il s'agit indéniablement d'une des plus grandes œuvres d'Iced Earth à ce jour.
Au final, Burnt Offerings est un album très solide qui comporte son lot de pépites, comme tout album d'Iced Earth. Malheureusement, conséquence probable de souvenirs douloureux liés à sa réalisation, il fait également figure de parent pauvre de la discographie du groupe, puisqu'il est désormais totalement rayé des tablettes en live. Espérons que cet état de fait ne soit que provisoire, car il serait fort agréable de pouvoir se délecter à nouveau d'un "Diary" ou d'un "Last December" dans la fosse. Sans parler évidemment d'un chimérique "Dante's Inferno"…