Voilà, c'est fini… Encore secoué par les attentats du 11 septembre 2001, Matthew Barlow quitte définitivement Iced Earth. Le talentueux chanteur n'agitera plus sa longue crinière rousse, qu'il sacrifiera peu après pour cause… d'entrée dans la police de l'état du Delaware ! Rapidement, les Cassandres prédiront rien de moins que la mort du groupe, surtout une fois rendu public le choix du nouveau frontman : Tim Owens, fraîchement évincé des rangs du Priest pour cause de retour au bercail du Metal God. Mais encore faudrait-il se souvenir qu'Iced Earth, c'est avant tout Jon Schaffer, et que celui-ci a encore bien des choses à dire.
Pour ce septième album de la carrière d'Iced Earth, Schaffer a choisi de traiter un sujet qui le passionne : l'Histoire, et notamment celle des Etats Unis. Vu son niveau d'implication personnelle, on comprend mieux pourquoi il a fini par se lasser des performances en demi-teinte d'un Barlow fortement démotivé. Traitant de la déclaration d'indépendance des Etats Unis en 1776, "Declaration Day" ouvre le bal de très belle façon. Son riff heavy reste relativement basique, mais il est d'une simplicité redoutable. Si on rajoute un refrain puissant bien soutenu par les chœurs, on tient là un morceau vraiment abouti. Malheureusement, avec "Attila" et sa rythmique furieuse, ce sera le seul de la première partie de l'album. Les morceaux les plus agressifs de l'album, "The Reckoning" et "Red Baron / Blue Max", ne sont pas impérissables : malgré de sérieux atouts, avec sa rythmique traditionnelle 100 % Schaffer et ses passages bien bourrins, le premier se retrouve plombé par une interprétation mitigée d'Owens et un refrain qui manque de pêche. Il faut dire que le mixage de la batterie ne met pas franchement Richard Christy en valeur. Quant au second, avec un riff qui rappelle "Spirit in Black" de… Slayer (!), il est tout simplement loin des standards auxquels Iced Earth nous avait habitué par le passé.
On compte même deux prodigieux ratés sur cet album. "When The Eagle Cries" est une ballade un peu pompeuse qui traite du 11 septembre de façon pas très fine. Si on rajoute son clip larmoyant, ce morceau sera pour beaucoup dans la polémique nationaliste un peu hâtive entourant l'album. Quant à "Hollow Man", on attendait beaucoup de cette ballade. Composée pendant les sessions de Horror Show, Schaffer avait d'abord songé à l'interpréter lui-même, avant de clamer finalement qu'il n'avait pas envie de confier une si belle chanson à son ancien label Century Media. Au vu du résultat final, il y a de quoi rester perplexe : cette ballade n'a rien d'extraordinaire, et elle est même nettement en deçà de "Ghost Of Freedom". Les deux derniers morceaux relèvent un peu la sauce. "Waterloo" et son feeling très Maiden vaut surtout par son texte étoffé sur le dernier fait d'armes napoléonien, tandis que "Valley Forge", malgré un message un peu réac' à l'attention de la jeunesse américaine (en gros, que penseraient les héros de la guerre de Sécession de l'ignorance et la paresse des jeunes), présente un feeling presque rock et un excellent solo teinté de touches néoclassiques. Quoiqu'il en soit, avant la trilogie Gettysburg, on s'achemine tout droit vers un album correct tout au plus.
Schaffer avait annoncé Gettysburg comme point d'orgue de l'album, et il s'agit bien du chef d'œuvre promis. Organisé en trois mouvements pour plus de 30 minutes de musique, cette longue pièce justifie à elle-seule le recrutement de Tim Owens. La collaboration avec l'orchestre philharmonique de Prague est époustouflante : les plages qui lui sont réservées sont loin de se limiter à de simples arrangements, comme en témoigne le long break de "The Devil To Pay". Cette trilogie s'écoute aussi avec les yeux : introduite par un texte de Schaffer himself, les paroles sont entrecoupées d'indications du maestro, expliquant en détail les symboles induits par certains passages musicaux. La trilogie est animée d'un souffle épique en adéquation avec son sujet, une bataille longue de 3 jours impliquant près de 150 000 hommes, dont un tiers restera sur le carreau. Avec "Hold at all Cost", qui relate la défense en dernier recours des positions nordistes à la baïonnette faute de munitions, rarement on aura vu un refrain traduire aussi bien la notion d'héroïsme dans un langage musical. Quant à "High Water Mark", malgré un passage un peu long symbolisant la charge et qui sera la seule faute de goût, il se termine par un passage poignant qui voit Owens se glisser dans la peau du Général Lee, que Schaffer imagine submergé par les macabres conséquences de ses choix stratégiques. La trilogie se clôt sur un dernier mouvement orchestral d'une noirceur absolue, en parfaite adéquation avec la dimension dramatique de l'événement.
Au final, The Glorious Burden dégage une drôle d'impression, assez semblable à The Dark Saga. Album lui aussi relativement moyen, il aura suffi de son extraordinaire dernier morceau, en l'occurrence "A Question Of Heaven", pour faire de cette œuvre un incontournable de la discographie du groupe. Cette fois, c'est Gettysburg qui vient magnifier un album qui ne partait pourtant pas sous les meilleurs auspices. Alors certes, The Glorious Burden fut loin de faire l'unanimité à sa sortie et certains ont aujourd'hui encore du mal avec le chant de Tim Owens, mais passer à côté de cet album, ce serait vraiment se priver d'un des plus grands moments de la carrière d'Iced Earth.