Si vous êtes amateurs de sports US, vous n'êtes pas sans savoir que les Américains sont friands de statistiques plus invraisemblables les unes que les autres, mais aussi de récompenses individuelles loufoques y compris dans les sports collectifs. Ainsi, en NBA, un jury décerne chaque année le MIP Award (Most Improved Player) au joueur ayant le plus progressé au cours de la saison. Si cette distinction était transposée au metal, nul doute qu'Iced Earth l'aurait remportée haut la main en 1991.
Et pourtant, Iced Earth était loin d'être un mauvais album. Mais avec Night Of The Stormrider, on tape carrément dans l'exceptionnel ! A l'image de cette puissante intro, relecture metal d'un thème du célèbre Carmina Burana, cet album ne manque pas de moments mémorables. A partir du même terreau, Schaffer a su corriger les défauts du premier album pour en faire de véritables atouts. Une fois de plus, il s'affranchit presque complètement des structures classiques couplet-refrain, et s'entête à laisser filer sa musique comme bon lui semble. Simplement, à la différence de l'album éponyme parfois un peu bavard et hasardeux, le tout est cette fois plus punchy, plus percutant.
D'entrée, Iced Earth fait parler la poudre avec le superbe enchaînement "Angels Holocaust" – "Stormrider", qui met l'auditeur KO sans ménagement. Le premier est le morceau qui témoigne le mieux de cette liberté au niveau des structures : il ne contient même pas de refrain, mais s'appuie sur une de ces fameuses accélérations brutales dont Schaffer a le secret. Le second, qui verse quasiment dans le thrash avec notamment un riff très incisif, voit Schaffer s'emparer du micro et s'en tirer avec les honneurs, malgré un spectre vocal qu'on devine limité. Si on rajoute "The Path I Choose" et "Pure Evil", on tient là le carré d'as de cet album qui aura fourni un bon nombre de classiques de la discographie d'Iced Earth.
Au milieu de cette tempête de riffs, on compte 2 interludes acoustiques stratégiquement placés, "Before The Vision" et "Reaching The End". Ils sont là pour faire progresser le récit, puisque Night Of The Stormrider est un concept album. Il raconte l'histoire d'un homme qui se sent trahi par la religion et qui devient l'Élu des Forces du Mal pour mener à bien l'Armageddon. Bon, pour l'oscar du meilleur scénario, c'est carrément mal barré. En même temps, pour un concept album, la part allouée aux paroles est extrêmement faible, puisque toutes les chansons disposent d'une longue plage instrumentale balancée après un seul couplet. A croire que cette trame ne sert qu'à créer une unité de thème pour masquer une importante lacune au niveau des textes, déjà ressentie sur le premier album et que Schaffer comblera par la suite.
En revanche, ces longues plages instrumentales marquent une réelle progression par rapport au premier album. Malgré la présence de 25 riffs par morceau, on ne retrouve plus cette impression de copier/coller qui se dégageait sur pas mal de titres d'Iced Earth. Schaffer ne retombe dans ses travers que sur "Travel In Stygian", la compo la plus ambitieuse de cet album. On y retrouve quelques artifices destinés à établir une ambiance sombre, mais qui manquent singulièrement de naturel. Le résultat reste honnête, mais difficile d'y voir plus qu'un simple brouillon de "Dante's Inferno". Autre signe d'une maturité musicale en plein développement, la superbe intro de "Desert Rain", basée sur un thème utilisé plus tard mais avec des arrangements très différents.
Finalement, le seul point noir de Night of the Stormrider, c'est d'avoir marqué le point de départ d'une valse des musiciens qui n'en a toujours pas fini, plus de 15 ans après. Pour le coup, on se félicitera tout de même de la présence (éphémère) au chant de John Greely en remplacement de l'abominable Gene Adam. Reste qu'avec cet album exceptionnel, Iced Earth aura réussi là où pas mal de combos de heavy metal américains se seront cassé les dents : s'imposer durablement en Europe. Un véritable exploit, que le groupe mettra un certain temps à renouveler.