Moi, Président de la Répu... euh, moi, Droom, j'aime bien les logos. Car un logo de groupe, c'est un peu comme une fiche de présentation ou une carte d'identité. C'est un peu comme un code QR, sauf qu'au lieu d'utiliser son MalinPhone© pour jouir d'une réalité augmentée plus ou moins pertinente, on utilise juste ses Yeux©. Avec ses Yeux© placés devant le logo, on devine de suite à qui on a à faire. C'est pointu, tranchant, agressif ? Surement du thrash. Illisible ? Black, death ou grind. Jaune et mignon ? A n'en pas douter, voilà un poussin. Voyez le genre ? Eh bien ça marche pour tout. Et surtout pour Katatonia.
Si aujourd'hui Katatonia ne s'embête même plus à placer un logo sur ses productions, c'est surement parce que ce sont de gros fainéants. Mais tel ne fût pas toujours le cas. De Discouraged Ones à Viva Emptiness, nous avions encore le droit à quelque chose de ni trop sale pour être trve, ni trop lisse pour passer inaperçu. Pas mal. Mais encore avant ça, à une époque que les gens qui prennent leur pied en écoutant Dead End Kings ne veulent pas connaitre, c'était encore mieux. Ou pire. Car en voyant le logo qui figure sur Dance of December Souls, je sais d'emblée que je ne vais pas avoir à composer avec le Katatonia tout mignon tout propre sur lui des derniers jours (ça ferait un chouette nom de secte ça tiens). Ce que je vois, c'est un pentacle (brr), des queues du diable (brrr) et un logo qui sent bon le old-school (brrr). Du black ? Que nenni ! Ce logo serait donc trompeur ? Pas totalement, car si le propos n'est pas très black, de sonirités old school, il est bien question sur DoDS. 1993 : décidément une bonne année pour impressionner les minettes en jouant du doom death.
Le Peaceville Three (Anathema, My Dying Bride, Paradise Lost) aurait-il dû, alors, compter un quatrième loustic dans ses rangs? C'eut été une possibilité, oui. Mais l'absence de Katatonia au sein de la bande des doomsters anglais ne choque pas. Déjà parce qu'il ne sont pas anglais. Or les Anglais ont tendance à saupoudrer leur doom d'une dose conséquente de romantisme, ce dont se garde bien le groupe suédois. Mais garde! toute émotion n'est pas bannie de la musique Katatonique, loin de là ! L'ambiance est simplement moins au romantisme qu'à la misanthropie et au désespoir. Voilà qui est plutôt black dans l'esprit, finalement. Car les Suédois jouent du doom, mais jouent le leur, rien qu'à eux. Les morceaux y sont à tiroirs, renfermant une palanquée de riffs typiques du style et tous mieux brodés les uns que les autres, la voix est éraillée, à mi-chemin entre le black et le death, la batterie est d'une profondeur qui n'a d'égale que l'audace de ses pistes... Le tout est parcouru du souffle particulier de l'époque, introuvable de nos jours. Du grand art qui parvient à sonner comme rien d'autre en la matière malgré la reprise de nombreux codes du genre, lenteur en tête.
Avant de se lancer dans l'écoute de Dance of December Souls, il faut surtout oublier presque tout ce que l'on sait de Katatonia. Les riffs hypnotiques et dissonants de Brave Murder Day ? Pas encore là. Les hits de Last Fair Deal Gone Down ? Non plus. L'attitude frontale de The Great Cold Distance ? N'y pensez pas, malheureux ! Mais alors quoi ? Est-ce un autre groupe ? Eh bien... oui, car en un sens, les points de repère sont si lointains qu'ils sont imperceptibles. Tout au plus retrouvera t-on une tendance à la tristesse. Renkse n'use jamais de sa voix claire, remisée au placard qu'elle est par cette voix growlée pleine d'échos hallucinés. Nyström, lui, use de peu d'accords, préférant s'aventurer sur le terrain de progressions mélodiques. De tout cela résulte une montagne russe dans laquelle les morceaux, longs, changent constamment de rythmes et d'horizons. Pas un morceau où un passage frisson ne pointe le bout de son vilain nez crochu. Pas un morceau qui n'en contiennent plusieurs en son sein. Pas beaucoup de défauts pour qui est amateur du genre.
Qu'il est bon, cet album ! Unique et fascinant. La genèse de Katatonia est assurément l'un des moments forts d'une discographie pourtant loin d'être cracra. D'autant plus qu'il ne sera jamais réitéré, le groupe préférant adoucir son propos sur les sorties suivantes. Si les premières écoutes de Dance of December Souls peuvent déstabiliser par le foisonnement de plans qu'elles révèlent, le tout devient très rapidement lisible et, mieux encore : excellent. Jusqu’à ce que ce doom des cavernes, tristounet mais pas trop, devienne définitivement addictif. Intemporel.