3. Deathspell Omega avait promis une trilogie, une trinité d’albums pour arriver à la fin de son concept. Le culte qui se voue au groupe était par conséquent assuré de recevoir une dernière offrande. Après la parenthèse habituelle des minis à chanson immensément longue, place au retour de l’album. Deathspell Omega en a profité entre-temps pour se forger un cercle d’initiés grandissant au point d’en être inquiétant dans sa façon de se répandre. Le groupe en se bâtissant pareille image et fanbase ne va-t-il par perdre son âme, si subtilement indispensable à sa création ?
Non. Non. Mille fois non. Vous comprenez ? Deathspell Omega a beau être devenu une créature mégacéphale mégalomane probablement aussi prétentieuse qui faire se peut, elle n’en a pas abandonné son Idée de la musique. Exigeante, perfectionniste, absolue. Un album de Deathspell Omega ne s’écoute toujours pas d’une oreille distraite ou atomisé, il s’écoute plein et entier, concentré. Et il s’écoute avec un œil sur les paroles pour rendre hommage à ce concept si poussé initié une demi-douzaine d’années auparavant. Car après avoir jeté Dieu à la poubelle, puis ensuite l’Humanité, le groupe parachève son œuvre dans un mouvement d’une logique implacable : la mort de Dieu. Bye bye. Ceux qui veulent se plonger dans ces théories théologiques se délecteront avec plaisir d’un livret simple dans sa présentation mais à l’imagerie toujours aussi soignée. Pour ceux plus adeptes de la musique pure, qu’ils se rassurent, la Bête est à la hauteur de son concept.
Deathspell Omega est toujours aussi intense dans son expression. "Phosphene" contribue à la légende par sa folie maladive dans les blasts et des guitares tranchantes, saillantes et saisissantes. Au bord de l’écœurement on s’écroule terrassé par une puissance incomparable. Mais... le groupe est multiface et joue toujours de cette carte pour proposer des passages plus calmes, posés et qui en ressortent d’autant plus (à moins que ce ne soient les blasts sauvages qui s’en retrouvent accentués ?). On pourrait aisément considérer cet album comme du Deathspell Omega classique. En effet, les compositions sont épileptiques et le son, même s’il a encore une fois évolué, abandonnant le côté froid et machinal de Fas, mais pas sa précision, pour une chaleur plus organique, rouge du sang divin, porte le sceau des français. Ces compositions qui d’ailleurs font penser par moment à "Chaining The Katechon", précédente livraison. Cela confirme que le groupe est très fort pour s’auto-inspirer.
Cependant, sous ces atours la musique a évolué. Premièrement et de façon évidente, par l’utilisation assumée du français dans un chant pas toujours heureux... Plus intéressant, on note des influences surprenantes. Car là où le post rock s’affichait dans le passé, le groupe a poussé le bouchon plus loin encore en fricotant dans un mariage déraisonnable avec... la pop. Vous avez bien lu. Non pas que ce soit jeté à la figure ou que les Beatles soient là, mais certains passages clairement mélodiques, doux ne dépailleraient pas sur un disque de pop recherchée. Le côté grésillant du son empêcherait tout succès par contre. Le phénomène est particulièrement audible sur la conclusion "Apokatastasis Pantôn". Étonnant groupe. Dans un cadre plus normal, le côté dissonant des riffs est encore une fois poussé plus loin, ce qui paraît classique pour Deathspell Omega. Évolution encore puisque les chansons se sont raccourcies, finies les envolées de plus de 10 minutes. Pour preuve, l’album dure 45 minutes pour 10 chansons. Parmi ces chansons se sont glissées une intro, normal, et une transition, les 2 nommées "Epiklesis" et les 2 jubilatoires à leur manière. Montées en puissance et intégration parfaite les rendent indispensables à l’équilibre du disque.
Paracletus ? Le chaînon manquant pour Deathspell Omega, la continuation d’une longue évolution pour le groupe qui refuse de faire du sur-place dans une attitude émérite. Album qui clôt une saga en laissant de nombreuses portes ouvertes, il augure toutefois d’un futur difficile peut-être. Le groupe pour la première fois baisse en qualité d’un album sur l’autre. Et cette orientation plus... douce comporte ses énormes fourvoiements possibles. Cela rend Paracletus encore impressionnant et sans discussion génial. On parle de Deathspell Omega quand même, faut pas déconner.