Le split est signe d’appartenance au milieu underground. Dans le black metal il signifie en plus avoir un côté true qui plaît au plus dévoué des fans, vouant un culte quasi immédiat à un groupe entreprenant une telle démarche. Peut-être est-ce là une des bases de l’aura si immense dont bénéficie Deathspell Omega de nos jours car voilà le groupe encore en tête d’affiche d’un split. Le second groupe étant aussi français en la personne de S.V.E.S.T. Les 2 formations se partagent titre ET pochette (difficile de reconnaître quel cd est lequel au premier abord du coup).
La partie S.V.E.S.T. est composée de 3 chansons s’articulant autour d’un son de guitare particulièrement crade et saturé au maximum tant et si bien qu’il est bien difficile d’en distinguer les variations de riff. L’entreprise est néanmoins tout à fait faisable et elle permet de se rendre compte que nous sommes en présence d’un groupe très fermement ancré dans le black originel avec un son qui n’est pas sans rappeler un Darkthrone période A Blaze in the Northern Sky mais en bien plus saturé encore. La remarque s’applique à la batterie aussi. Le chant accompagnant les instruments est évidemment raclé, mais étrangement distordu. Pas forcément du meilleur goût sur un ensemble si black metal. Les riffs sont presque obligatoirement très répétitifs, simples et froids. Néanmoins quelques petites variations apparaissent de-ci de-là pour montrer que S.V.E.S.T. possède sa propre personnalité. 23 minutes agréables donc, mais pas renversantes.
La 2e partie de ce split, c’est Deathspell Omega avec une unique chanson de 22 minutes, "Chaining the Katechon". Hautement symbolique de la démarche antichristique du groupe, le Katechon est celui qui empêche la venue de l’Antichrist sur Terre. Son chaînage signifiant donc naturellement l’avènement du dieu de la Perdition. Bref, Deathspell Omega explore encore ses contrées visitées de la bible satanique. Musicalement, Deathspell Omega débute comme il ne l’avait jamais fait depuis qu’il est ce qu’il est : directement. Un blast d’entrée, des accords égrainés, épars, distincts et dissonants. Une démarche peut-être proche du free jazz dans sa volonté de déranger l’auditeur, de le sortir de ses habitudes musicales. Cela pour enchaîner sur une partie très calme, bien plus classique avec de vrais riffs, continus et… un creuset hautement mélodique.
Deathspell Omega surprend donc encore son monde. Et pas qu’un peu finalement. Car si on début on a l’impression d’avoir à faire à du Deathspell Omega classique, on se rend compte finalement que le groupe ne fait point une resucée d’une "Diabolus Absconditus" (pour le son) ou d’un Kénôse (pour certaines parties de la composition). Non, il fait encore une œuvre unique, à découvrir patiemment et longuement car elle est hautement indigeste, fourmillant de détail. Et bien loin de leur dernier album en date, Fas. Bref, prenez ça dans vos boyaux, ce groupe n’est pas près de vous servir ce que vous attendiez. Et pourtant il reste capable de tuer littéralement par un blast d’une violence rare sur fond de guitare lacérante, venant de nul part, imprévisible. Rien n’est facile avec Deathspell Omega et on le sait bien. Mais toujours la surprise… et la récompense. Et c'est peut-être ça le Deathspell Omega « classique », ne jamais être là où on l'attend, mais toujours baliser son chemin, sans se soucier de l'extérieur.
Il s’agit encore d’une œuvre de haut niveau pour Deathspell Omega, d’une technicité sans faille et à l’exigence presque exaspérante. Mais un pavé indispensable, comme une évidence jetée salement à notre gueule (à moins que ce ne soit celle du christ ?). La partie S.V.E.S.T. paraît évidemment fade en comparaison, mais n’en demeure pas moins intéressante, bien que éminemment plus primaire. Bref, pour fans et expérimentateurs.
P.S. : A noter que dans le commerce, les 2 faces du split sont apparemment vendues séparément, vous pouvez donc faire votre choix.