Attention âmes en joie, Shining revient ! Ames en peine, réjouissez-vous, votre guide revient pour votre plus grand plaisir. Oui, il semblerait bien que Shining ce soit constitué un fidèle public de maniaco-dépressifs. Quoi de plus normal connaissant la musique jouée par la troupe ? Du black metal suicidaire fait de longues plages mêlant déprime chronique du doom et froide cruauté du black. Cela donne du pur black manié avec la grâce du Diable. Les 3 premiers albums ont en tout cas établi puis confirmé cet état de fait. Ce 4e opus arrivera-t-il à maintenir la barre vers le noir toute ?
Au vu des 3 premiers albums, on est amené à plonger dans l'écoute de cette nouvelle offrande en toute confiance. Le groupe ne donnait point de signe de fatigue et se permettait même d'être au firmament de son inspiration sur le dernier album. Cette fois-ci tout est introduit par une tirade très bluesy. Surprenant. Mais en même temps fort agréable. 1 minute dans le bain pour ... se rendre compte que le bain est de sang noir. Le premier riff saturé déboule et on reconnaît immédiatement la patte Shining. Grain très saturé, massif, type mur de son, riffs imposants. D'ailleurs, en parlant de riff imposant, il y en a un sur cette ouvreuse qui mérite tous les éloges. Une fabuleuse note constante sursauteuse par instant. Miam ! La patte Shining, elle se retrouve dans la basse toujours aussi distinctement rendue. Elle n'est pour une fois pas étouffée par le reste et c'est avec grand plaisir qu'on entend tous ses coups de boutoir qui nous acculent toujours un peu plus dans les cordes. Shining n'aime pas la vie et le fait savoir. Son fou (au sens littéral) de maître à penser, Kvarforth, a toujours l'esprit aiguisé quand il s'agit de créer de la musique bonne à envoyer à l'asile.
Peut-être est-il tout simplement à la recherche de compagnons de chambrée ? Quoiqu'il en soit, il est évident qu'avec de telles odes au trou noir, il en trouvera. Car entrer de plein pied dans la musique de Shining demande d'avoir un petit penchant (au minimum) pour l'autodestruction et un goût certain pour le renfermement sur soi. Bien évidemment, pas besoin d'être un psychopathe, mais seulement posséder un tout petit peu de ces traits de caractère est nécessaire ... et ils seront décuplés lors de l'écoute. Car quel intérêt d'écouter de tels titres si on n'est pas à la recherche d'un quelconque désespoir ? Pas grand chose. Sauf ... sauf peut-être l'envie d'écouter un batteur très fin qui ne se contente pas de marteler mais au contraire qui emprunte au blues son toucher. Un bassiste audible qui délivre d'excellentes lignes. Ou même Kvarforth chanteur guitariste qui a dans sa besace un petit bagage technique lui permettant de signer des soli qui pourraient figurer sur n'importe quel album de blues. Bref, il y a autre chose que l'ambiance sur ce disque. Mais il est évident qu'écouter cet album uniquement pour entendre de la musique et pas ce qu'il y a à côté est totalement abscons.
Cet album ne s'écoute pas, il se vit. Car il prend aux tripes, comme tout album de Shining, et vide son auditeur de son essence jusqu'à sa fin. Il donne tout son sens au terme black metal qui représente un style de vie autant qu'un style musical. Ici, la représentation sonore est toute aussi importante que les ondes sonores. Mais cela ne doit pas cacher des qualités purement musicales bien présentes comme écrit plus haut. Les riffs sont en général tous bons, bien que simples et souvent répétés à l'envi, et la diversité est de mise avec ces forts emprunts au monde du blues. De plus les rythmes sont aussi multiples. Le pachydermique côtoie l'explosion de double grosse caisse et le blast beat. Cela donne du grain à moudre. Le chant quant à lui semble un peu en régression par rapport aux précédentes sorties. Moins typé Varg Vikernes et plus classique black metal, voire un peu death par moment, il perd de sa force de caractère. Néanmoins, il ne gâche pas l'orgie dépressive que constitue cette galette et reste quand même un peu dérangé ...
Shining fait du Shining comme seul Shining est capable d'en faire finalement. Toujours la même recette, toujours différente, tel est le crédo de Kvarforth. Il est encore une fois suffisamment inspiré pour qu'elle marche plus que correctement. Cet album est de l'acabit de ses prédécesseurs. Très très très très bon donc. Et comme un corollaire de cette affirmation, ceux qui n'aimaient pas n'aimeront toujours pas et inversement. Shining s'est bâti un monde très hermétique mais diaboliquement bon. On en redemande.