Chronique : Shining X: Varg utan flock (2018)

CHRONIQUE PAR ...

Wineyard
Cette chronique a été mise en ligne le 28 mai 2024

Sa note : 16/20

LINE UP

-Niklas Kvarforth
(chant+guitare+claviers)

-Peter Emanuel Huss
(guitare)

-Erno Valtteri "Euge" Valovirta
(guitare)

-Marcus Hammarström
(basse)

-Jarle Byberg
(batterie)

TRACKLIST

1) Svart ostoppbar eld
2) Gyllene portarnas bro
3) Jag är din fiende
4) Han som lurar inom
5) Tolvtusenfyrtioett (Frédéric Chopin cover) 6) Mot Aokigahara

DISCOGRAPHIE

Within Deep Dark Chambers (2000)
Livets ändhållplats (2001)
III - Angst : Självdestruktivitetens Emi [...] (2002)
IV: The Eerie Cold (2005)
V - Halmstad (2007)
VI: Klagopsalmer (2009)
VII: Född Förlorare (2011)
Redefining Darkness (2012)
8 ½ – Feberdrömmar i vaket tillstand (2013)
IX - Everyone, Everything, Evrywhere, En [...] (2015)
X: Varg utan flock (2018)
Shining (2023)

Shining - X: Varg utan flock

(2018) - black metal Inclassable intense - Label : Season Of Mist

Je crois qu’en 2018, j’avais l’objectif de chroniquer Varg Utan Flock. Je l’ai acquis, tu penses… Je n’en rate pas un, remarque… Qu’il soit encensé ou abattu dans les critiques, Shining m’appelle toujours et me fait parfois nager à contre-courant, comme le pour le superbe petit dernier éponyme. Oui, j’ai l’esprit de contradiction, grand mal de ma vie, mais en vérité, l’enfant terrible de Kvarforth arrive systématiquement à éveiller quelque chose dans mon affect. La voix et ses multiples facettes surtout, les ambiances pleines d’émotions ou de puissance contenue ensuite, les écarts violents parfois, ont tous raison de mes réticences, parfois en un éclair à vitesse lumière, parfois en mode ponceuse à retardement. Mais jamais, jamais, un album de Shining ne m’a laissé indifférent ni indemne. Alors, Varg Utan Flock ne pouvait qu’obéir à la règle. Pourquoi ne l’ai-je fait ? Je n’en sais rien, une rupture de l’espace-temps peut-être ?

Ou simplement une absence totale d’inspiration devant une œuvre qui est du pur Shining en évolution vers son éponyme. Que raconter qui ne l’ait déjà été ? Oui, la violence des débuts s’estompe. Oui, l’urgence prend une autre forme. Non, il n’y a pas de déchirement à chaque couplet. Non, Kvarforth n’est plus écorché vif à la mode V - Halmstad. Oui, c’est moins brut et le voyage n’est plus aussi douloureux qu’avant en apparence. Mais en quoi ces faits seraient-ils des révélateurs d’une qualité moindre ? Que l’évolution du style puisse faire reculer les adeptes de la première heure, je veux bien l’entendre. Mais en quoi Shining s’affadirait-il dans l’absolu ? En rien, mon général. Shining se transforme, s’est déjà transformé. Relativisons, nous parlons du haut du panier metal, une proposition particulière en marge du black metal originel, quasiment inclassable par sa musique et sa voix si particulière.
J’aime la voix hurlée de "Svart ostoppbar eld” dont l’entame n’est pas accrocheuse de prime abord. J’aime toujours les « r » roulés de Kvarforth avant l’apaisement et ce « solo » de basse inattendu. J’aime le propos musical et vocal de "Gyllene Portarnas Bro", cette puissance enfouie mais perceptible, cette mélodie mélancolique qui finit par prendre aux tripes et ce passage plus brutal qui justifie sa présence pour mettre en valeur le reste. J’aime les passages quasi parlés, les hurlements, les grognements qui émaillent la plupart des six titres de l’album (à part l’instrumental lunaire au piano, bien sûr). Les grincheux diront que cinq titres et un instrumental, c’est léger, moi je dirais que c’est intense. Pourquoi remplir l’espace vide quand on n’a pas forcément quelque chose de plus à dire ? L’album en ressort compact, un peu dense, et finit en apothéose avec "Mot Aokigahara" et son inquiétant et énigmatique « I was born December nineteen eighty three, and I died December twenty seventeen ».

Vous savez quoi ? J’aime encore plus cet album que lorsque je l’ai découvert. Shining m’a fait la même chose et je l’écoute encore régulièrement après un an de recul. Shining me fait de plus en plus penser à Madmans Esprit dans l’attitude et le propos décalé de la scène black. Le même besoin de cracher son essence avec des moyens différents. Lyrisme vocal contre hurlement, opératique contre classique, mais un même écartèlement dont la douleur engendre l’art. Shining ne se fatigue pas, il apprend à gérer ses efforts de manière moins désordonnée. Shining respire la créativité, la liberté, la rage multiforme. Kvarforth et sa progéniture resteront marginaux, mais ils seront reconnus a posteriori car certains d’entre nous ne sont pas encore prêts.