5 ans. 5 longues années. C'est le temps qu'il aura fallu patienter avant d'entendre de nouvelles compos de Metallica. Les Horsemen n'ont pourtant pas chômé au cours de cette période, enchaînant tournée sur tournée suite au succès colossal du Black Album, qui les a propulsés au rang d'empereurs du metal et de superstars du business musical. Avec un tel laps de temps, et compte tenu de leur talent et de leur parcours sans faute jusque là, c'est une certitude : Load sera une véritable bombe.
Le single "Until it Sleeps" avait pourtant de quoi mettre la puce à l'oreille sur cet album hors normes. Déjà, la chanson en elle-même : pièce sombre et assez minimaliste, elle est articulée autour du chant tout en sensibilité de James Hetfield et non pas sur un riff. Tout juste les guitares viennent rappeler sur le refrain qu'il s'agit bien de metal. Surprenant, et surtout à des années-lumière de ce qu'on attendait de la part du groupe. Ensuite, il y a ce clip à l'esthétisme original et dérangeant, qui rappelle vaguement certains thèmes religieux. Plus généralement, l'artwork de Load, avec son étrange pochette, ces bribes de paroles en lieu et place des textes intégraux et ces photos arty signées Antojn Corbin, célèbre entre autres pour sa collaboration avec Depeche Mode, viendra confirmer cette approche esthétique plus recherchée. Et puis surtout, il permet de constater que les musiciens se sont livrés au pire crime de lèse-majesté quand on s'appelle Metallica : se couper les cheveux. Non, là, c'en est trop : Load ne pourra être qu'une sombre daube.
Pourtant, tout commence plutôt bien. Avec son feeling hard rock bien rageur, "Ain't My Bitch" déclenche les hostilités de façon convaincante et compte parmi les meilleurs titres de l'album. Il s'agit également d'un des rares morceaux relativement rapides, puisque Metallica a choisi de privilégier des tempo bien heavy. C'est le cas des 2 morceaux suivants, et si le côté groovy sudiste de "2 x 4" fait mouche, "The House Jack Built" est handicapé par un refrain peu inspiré et vaut surtout pour l'étrange solo à la wah-wah de Kirk Hammett. Quoiqu'il en soit, ces deux morceaux présentent quelques similitudes et auraient peut-être dû ne pas figurer l'un après l'autre, surtout en début d'album. Assez classique dans sa conception, qui rappelle "Enter Sandman" sans toutefois déboucher sur un résultat aussi imparable, "King Nothing" est une critique acerbe envers les groupes MTV, qui disparaissent aussi vite qu'ils sont apparus. Néanmoins, le petit bijou de cet album reste "Bleeding Me", ode funèbre portée par un chant doucement mélancolique et renforcée par un break basé sur un riff bien mastoc. Une fois de plus, Metallica aborde un registre assez inhabituel pour lui de façon convaincante. Tant et si bien qu'à l'issue de cette première moitié, on se dit que sans être exceptionnel, Load n'est pas si mal.
Malheureusement, la séparation des titres au dos du CD correspond aussi à une baisse générale du niveau des compositions. La suite ne comprend que peu de moments forts, et les morceaux se font tour à tour corrects ("Mama Said", étonnante ballade aux accents country courageusement assumés, ou encore "Thorn Within"), anecdotiques ("Cure" ou Wasting My Hate") quand ils ne sont pas complètement mauvais. Oui, mauvais. Y a-t-il d'autres adjectifs plus adaptés pour qualifier des titres comme "Poor Twisted Me" ou "Ronnie"? Il y a bien «nul à chier», mais pas sûr que le rédac' chef m'autorise un tel vocabulaire. Il n'y a guère que "The Outlaw Torn" pour relever la sauce, mais de quelle manière ! On savait Metallica capable d'écrire de longues pièces, mais à coups de riffs multiples enchaînés avec virtuosité. Or, ce morceau extrêmement lent de près de 10 minutes ne comprend finalement que peu de plans, mais prend le temps de développer son propos encore une fois assez sombre et tragique, et défile d'une traite sans crier gare. Reste que cet album a le défaut qu'ont tous les albums remplis jusqu'à ras bord (79 minutes au compteur) : d'inévitables morceaux de remplissage, qui nuisent à la cohérence de l'ensemble et à la qualité générale. Et malgré le passé de Metallica et l'indulgence qui va avec, il faut se rendre à l'évidence : Load est très loin d'être exceptionnel.
Plus de 10 ans après sa sortie, Load reste un album controversé qui n'a toujours pas fini de diviser les fans. Voici un album que personnellement, j'ai bien des fois eu envie de balancer par la fenêtre peu après sa sortie, avant de finir par l'apprécier beaucoup plus tard, même s'il manque cruellement de morceaux pouvant prétendre au rang de classiques des Horsemen. Et si ce ne sera jamais l'album de Metallica qui ressortira prioritairement du placard, son écoute demeure assez agréable. Il est donc peut-être temps de resituer Load à sa vraie valeur : un bon album. Pas plus. Mais finalement pas moins.