Depuis sa reformation à l'aube des années 2000, on ne peut pas franchement dire que Destruction soit un modèle de régularité. Les Allemands ont en effet pris la fâcheuse habitude d'alterner le bon et le moins bon, voire le très mauvais. Si l'on suit cette logique, c'est plutôt de bon augure avant la sortie de Day Of Reckoning, première sortie du groupe depuis qu'il a rejoint les rangs de l'armada thrash de Nuclear Blast. Et puis merde, Schmier et sa horde nous doivent bien une réaction après le magistral plantage de D.E.V.O.L.U.T.I.O.N…
La réponse ne tarde pas à arriver : d'entrée, "The Price" attaque pied au plancher avec un fameux cri suraigu de Schmier et nous colle littéralement au siège. Déjà, on constate avec bonheur que le groupe a fait un pas en arrière dans sa quête du son surboosté. Certes, la production est encore un peu plastique, surtout au niveau de la batterie une fois de plus un peu trop en avant dans le mix (déjà que le nouveau venu Vaaver ne fait pas dans la sobriété), mais le tout sonne moins surchargé que sur le précédent album où on avait atteint le point d'écœurement. Sans cet encombrant surpoids, la différence est immédiate : quelle vitesse d'exécution ! Et que dire de ces solos, partagés entre Mike et Ol Drake d'Evile, qui fusent à 200 à l'heure ! Non, là il n'y pas lieu de pinailler, dans le genre opener qui arrache la moquette, Destruction a retrouvé la formule magique qui avait fait le succès de "Metal Discharge" ou "Soul Collector". Pas question de s'arrêter en si bon chemin, "Hate Is My Fuel" prend la suite avec succès en s'appuyant sur une recette similaire et un refrain bien mastoc. Porté par un riff un peu plus lent et mordant à la Slayer, "Armageddonizer" surprend par la seconde voix sur le refrain ultra heavy : du chant clair qui tire sur les aigus, encore un guest ? Et bien non, c'est bel et bien Schmier qui s'en charge ! Enfin, quatrième côté du carré magique qui ouvre cet album, "The Devil's Advocate" : vitesse effrénée, folie furieuse et solos à gogo, on croirait entendre du Annihilator au meilleur de sa forme.
Forcément, après un départ aussi canon, on s'attendait plus ou moins à ce que Destruction montre des signes d'essoufflement. La suite se situe effectivement un bon cran en dessous, mais sans pour autant tomber à un niveau aussi affligeant que sur D.E.V.O.L.U.T.I.O.N., voire sur Metal Discharge. "Day of Reckoning" est sans aucun doute l'exemple le plus représentatif : à l'heure du bilan, on n'ira pas jusqu'à inclure ce titre parmi les temps forts de l'album, mais avec son riff qui se défend bien et son accélération centrale fort appréciable, ce mid tempo reste tout de même de bonne facture, surtout lorsqu'on connaît la relative inaptitude de Destruction à composer ce type de morceau. À partir de "Sorcerer of Black Magic", les Allemands enclenchent le mode bourrinage en continu jusqu'à la fin de l'album. Une orientation pas très rassurante à première vue, mais à part le lourdingue "Misfit" qui voit le groupe retomber dans ses travers et avoiner dans le vide, tous les titres tiennent parfaitement la route. Bonne surprise, c'est sur les refrains que Destruction fait la différence, alors qu'il s'agit d'un point faible récurrent chez eux. Pourtant, strictement rien n'a changé : les Allemands privilégient toujours l'approche frontale sans la moindre subtilité. Mais cette fois ça marche, et les refrains de "Church of Disgust" ou "Sheep of the Regime" agissent come de gros shots d'adrénaline, alors que celui de "Destroyer or Creator", d'une simplicité désarmante, séduit par sa puissance de feu.
Joli sursaut d'orgueil pour Destruction qui renaît pour la énième fois de ses cendres alors qu'on les croyait finis. Day Of Reckoning reste évidemment dans le périmètre de la D2, puisque cela fait bien longtemps que les Allemands, malgré le respect toujours dû à leur passé, ont quitté l'élite du thrash ; mais au moins on y prend du plaisir à l'écoute, ce qui n'était pas le cas sur plusieurs de leurs derniers albums. À classer parmi les bons crus post-reformation aux côtés de The Antichrist et Inventor Of Evil.