(1987) -
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Un an à peine après son excellent premier album, Destruction tente de battre le fer pendant qu’il est encore chaud en sortant déjà son second méfait. Le trio allemand cherche ainsi à asseoir son fragile statut de leader européen du thrash, menacé par les jeunes loups que sont Kreator et Sodom, déjà prêts à lui piquer son trône.
Avant tout, un petit mot sur l’édition CD lamentable de cet album. Passe encore pour le livret famélique, 4 pages, pas de paroles, une simple photo du groupe et de la pub pour les autres albums de Destruction. C’est déjà plus limite pour le coup des titres qui ne figurent pas au dos du boîtier, mais seulement sur la dernière page du livret. Mais la cerise sur le gâteau reste l’ordre des chansons : le CD regroupe l’album Eternal Devastation et l’EP Mad Butcher sorti l’année suivante, mais les 4 titres de l’EP sont placés avant les 7 de l’album… On a vu des trucs incroyables au moment du passage sur CD d’albums parus originellement en vinyl, mais là on frise l’amateurisme pur et dur.
Passé ce petit coup de gueule, que vaut donc réellement Eternal Devastation ? Au départ, le premier truc qui vient à l’esprit est plutôt négatif : on pourrait presque croire que Stihl s’est lancé dans la fabrication d’instruments de musique tant la gratte de Mike sonne comme une tronçonneuse. Mais le chétif guitariste se rattrape en se taillant la part du lion sur cet album. Ses riffs sont bien sentis, et surtout il se révèle comme un des solistes les plus inspirés du genre, grâce à des interventions ciselées et très variées. Son compère Schmier n’est pas en reste, avec son chant glauque parfaitement adapté, même s’il se laisse aller parfois à cette curieuse mode popularisée par Tom Araya de Slayer, heureusement repartie aussi vite qu’elle est venue : balancer d’insupportables cris suraigus dignes d’une pucelle dans un film d’horreur. Brrr...
On constate surtout rapidement que le groupe a pris de la bouteille et a compris qu’il pouvait faire autre chose que de balancer la sauce. C’est le cas notamment sur "Life Without Sense", un excellent mid tempo de plus de 6 minutes, avec une progression parfaitement maîtrisée, ou encore sur "United by Hatred" qui se termine habilement par une reprise de son thème d’intro. Et du coup, quant le trio revient à ses fondamentaux thrash comme sur le furieux "Curse The Gods" qui ouvre le bal, la déflagration n’en est que plus importante. Malheureusement, Destruction fonce tête baissée dans le piège béant qui lui tendait les bras : l’excès de précipitation. Sans être mauvais, des titres comme "Eternal Ban" ou "Confused Mind" sentent la compo torchée en 5 minutes. Et forcément, sur un album de 7 titres seulement, ça se remarque. Avec Eternal Devastation, Destruction nous livre donc un album sympathique, mais qui ne fait pas le poids contre les Master of Puppets, Peace Sells et autres Reign in Blood sortis la même année. Et oui, la compétition était rude à cette époque...
L’année suivante, Destruction refait déjà parler de lui à l’occasion de la sortie d’un EP de 4 titres officialisant la nouvelle direction prise par le groupe. Outre le changement de batteur, le groupe s’adjoint les services d’un second guitariste sous l’impulsion de Mike. Cette décision fera longtemps débat chez les aficionados et aura de lourdes répercussions sur la carrière du groupe. Le morceau phare est appétissant, puisqu’il s’agit de la reprise du mythique "Mad Butcher", présent sur le premier EP du groupe datant de 1984. Et là, c’est le drame : toute l’agressivité bestiale de l’original a disparu, on a droit à la place à un riff rapide joué de façon groovy, des pistes lead à gogo pas toujours bien senties et une quasi totale absence de basse, à se demander si Schmier ne se contente plus que de chanter. La prod’, œuvre d’un certain Manfred Neuner, est quant à elle hyper faiblarde : dans le genre emploi fictif, il a fallu attendre Xavière Tibéri pour faire mieux. On imagine la réaction du fan à l’époque : son regard s’embue, et au-delà de la colère, il ressent un mélange de stupeur et d’incrédulité, un peu comme le fan du heavy qui vient d’apprendre à peu près à la même époque que son idole Rob Halford, le parangon de la virilité, est gay. Dur à avaler, et ce n'est pas l’anecdotique instrumental qui clôt cet EP qui va le consoler.
Alors okay, le reste est plutôt pas mal. Une sympathique reprise de The Damned du combo punk metal Plasmatics, et surtout "Reject Emotions", une petite merveille qui montre la face la plus technique du groupe. Ce morceau constitue en fait la véritable attraction de cet EP, dont l’achat ne se justifiait sans doute pas. Comme quoi cette édition CD honteusement bâclée a finalement trouvé sa raison d’être !