1987, quelle bonne année ! Rappelez-vous, c'étaient les grands débuts de McGyver sur TF1. Il avait toujours ce flegme, cette gentillesse, ce courage, et ... et ce jean moulant qui n'en finissait plus d'affoler nos mères. Un vrai bon gars, capable de se taper 12 heures d'avion et de jeep dans la jungle pour aller sauver une plantation d'ananas menacée par des fourmis. Je m'en rappellerai toujours. Je le revois même faire sauter le barrage pour les noyer toutes, le brushing couvert de bestioles. Il était comme ça McGyver, il fonçait tête baissée, mais il faisait tout péter en finesse, et si possible en nous abreuvant le plus possible de science et de fiction. Un peu comme Voivod avec son Killing Technology quoi, sorti la même année.
Dans le Landerneau du métal, chacun sait que Voivod est au thrasheux ce que les paupières de phare sont au tuning : une sorte de petite folie qui surprend toujours mais qui ne déçoit « presque » jamais. Et c'est vrai que Voivod, avec cet album, ne nous déçoit pas du tout. Pensez donc, il pose les bases de ce que deviendra le style du groupe à peine quelques mois plus tard avec la sortie de Dimension Hatröss : un thrash ambitieux, expérimental et complexe à travers lequel le groupe nous fera vivre des années durant sa fascination pour la science-fiction et les rapports ambigus entre homme et machine. Comme chez beaucoup de groupes de l'époque, ce troisième album – à défaut d'être celui de la maturité – est un album de transition vers une musique mieux assumée, aux contours mieux définis.
Si j'insiste sur ce point, c'est que beaucoup de fans à l'époque n'ont pas dû voir venir le coup. Killing Technology succédait en effet à un Rrroooaaarrr tout à fait merdique qui avait mené le groupe beaucoup trop loin sur la pente du bourrinisme forcené ... Un vrai gâchis quand on sait à quel point War and Pain développait déjà des ambiances tout à fait prometteuses. Heureusement, Snake et sa bande ont su à un moment donné se poser les bonnes questions pour rectifier le tir et faire parler leur vrai potentiel. Parce qu'il y en a, du potentiel! Sur les neufs titres que compte l'album, 4 font plus de 6 minutes, et le reste dépasse largement les 4 minutes 30. Ceci nous donne des morceaux longs aux rebondissements incessants, aux renversements chiadés, sur lesquels le groupe développe un thrash plus qu'énergique sans jamais faiblir ni paumer l'auditeur.
Une vraie prouesse rendue possible par des zicos de tout premier ordre. Voivod ne shredde pas pourtant, mais la façon dont sa section rythmique tient la baraque est un modèle du genre. Quant à Piggy... c'est Piggy, un guitariste hors-normes, au jeu inclassable, maître des dissonances et des mélodies torturées. Une écoute attentive de "Tornado" ou de "Forgotten in Space" vous prouvera à quel point ces p'tits gars savent y faire. Et puis on sent, on la sent cette envie de nous plonger la tête la première dans un univers de robots, de lasers, de bombes H, tout ce que vous voulez... bref dans cet univers de science-fiction qui transpire par tous les riffs de Killing Technology. Et ça, l'air de rien, c'est un grand bol d'air au pays des groupes de métal qui ressassent indéfiniment les mêmes conneries sur l'enfer et sur Satan.
Ce qu'il y a à tirer de tout ça finalement, c'est que cet album est incontournable dans la discographie du groupe. Ce n'est pourtant pas ici que vous trouverez les expérimentations les plus poussées, ni ces mélodies à la Voivod qui ont fait les beaux jours d'Angel Rat et de The Outer Limits. Mais cet album est bon, très bon pour qui veut bien se donner la peine d'en savourer toutes les subtilités, tout en voulant continuer à baigner dans une sauce heavy/thrash pas encore trop dure à appréhender. Killing Technology, c'est en quelque sorte le juste milieu entre la fougue juvénile de War and Pain et le heavy-rock complètement trippé et assumé de Nothingface. Enfin p'têt pas, p'têt que c'est Dimension Hatröss le juste milieu. Mais ce n'est pas très important tout ça. Le plus important, c'est qu'avec cet album Voivod frappe fort à la porte du panthéon des grands du thrash, tout en s'éloignant radicalement de ce que faisaient les plus célèbres d'entre eux à l'époque. Un ovni Voivod, ça vous étonne?