Chronique : Blue Oyster Cult Fire of Unknown Origin (1981)

CHRONIQUE PAR ...

Merci foule fête
Cette chronique a été mise en ligne le 03 juin 2025

Sa note : 17/20

LINE UP

-Donald Bruce "Buck Dharma" Roeser
(chant+guitare+basse sur "Joan Crawford"+percussions sur "Veteran of the Psychic Wars")

-Eric Jay Bloom
(chant+basse sur "Heavy Metal: The Black and Silver")

-Joseph "Joe" Bouchard
(chant sur "Vengeance (The Pact)"+basse)

-Albert Thomas Bouchard
(chœurs+claviers+batterie)

-Allen Glover Lanier
(claviers)

Ont participé à l’enregistrement :

-Karla DeVito
(chœurs sur "Sole Survivor")

-Sandy Jean
(chœurs sur "Don't Turn Your Back")

-Bill Civitella
(percussions sur "Veteran of the Psychic Wars")

-Tony Cedrone
(percussions sur "Veteran of the Psychic Wars")

TRACKLIST

1) Fire of Unknown Origin
2) Burnin' for You
3) Veteran of the Psychic Wars
4) Sole Survivor
5) Heavy Metal: The Black and Silver
6) Vengeance (The Pact)
7) After Dark
8) Joan Crawford
9) Don't Turn Your Back

DISCOGRAPHIE

Blue Öyster Cult (1972)
Tyranny and Mutation (1973)
Secret Treaties (1974)
Agents of Fortune (1976)
Spectres (1977)
Fire of Unknown Origin (1981)
Extraterrestrial Live (1982)
The Symbol Remains (2020)
Ghost Stories (2024)

Blue Oyster Cult - Fire of Unknown Origin

(1981) - hard rock - Label : Columbia CBS

La conquête des charts à la fin des seventies ne s’étant pas déroulée comme prévu après le carton du single "(Don’t fear) The Reaper", Blue Öyster Cult tente de renouer avec ses sombres inspirations originelles. Malgré le semi échec de Cultösaurus Erectus en 1980, les New-Yorkais persévèrent dans cette voie hasardeuse. De ce choix pas si assumé que ça, Fire of Unknown Origin, leur huitième album, hérite de quelque chose de spécial.

Le ton est donné dès la chanson-titre en première position : co-écrite par Patti Smith, "Fire of Unknown Origin" est guidée par les accords aux synthétiseurs que déclenche son compagnon Allen Lanier. Particulièrement mis en avant, les claviers offrent une tonalité presque surnaturelle et légèrement inquiétante, à l’image de la pochette illustrant... le nom du groupe. L’ouverture bénéficie également d’un gimmick discoïde scandé par le bassiste Joe Bouchard et d’une montée en tension qui valorise le refrain paroxystique. À cette superbe entrée en matière succède une occurrence davantage portée par la guitare de Buck Dharma qui assure également le chant, comme sur "(Don’t Fear) The Reaper", alors que son complice Eric Bloom officie derrière le micro sur la majorité de l’enregistrement. "Burnin’ for You" est illuminée par un motif héroïque que relaient des chœurs angéliques, puis des couplets mélodieux sur une basse qui groove à nouveau. Le solo fervent est du même tonneau. La tonalité très AOR fait songer au meilleur de ce que sortent des formations au succès exponentiel tels que Journey, Foreigner, Survivor ou Toto. Les synthétiseurs sont cette fois en retrait, de même que sur "Heavy Metal: The Black and Silver", seule réminiscence des salves lourdes de la « Black & White trilogy », qui se révèle sympathique à défaut d’être dotée de la même amplitude que "Hot Rails to Hell" et "Dominance and Submission".
C’est un piano romantique qui retentit sur "Joan Crawford", inspirée par le livre peu élogieux (Mommie Dearest) que la fille adoptive de la célèbre actrice, décédée en 1977, a consacré à sa mère. Surprenante tant il est difficile de cerner le sérieux du pastiche, la chanson se mue en mini pièce lyrique, parsemée de bruitages de cinéma et relancée par une montée en tension que surjoue une voix fantomatique. Malgré ce passage un brin sinistre, le drôle d’hommage se termine sur une note guillerette avec une brève citation du Peer Gynt de Grieg, le sautillant "Dans l'antre du roi de la montagne". Cette parenthèse déconcertante ne contrarie pas complètement la sensation d’envoûtement dégagé par des pistes telles que "Sole Survivor", dominée par des synthés en flanger à la Moroder que réchauffe une chorale soul, ainsi que sa plaisante séquelle "Vengeance (The Pact)" dont le gimmick hypnotique est interrompu par une cavalcade de guitares digne d’Iron Maiden, de jeunes Anglais prometteurs avec qui a travaillé Martin Birch, le producteur de Fire of Unknown Origin. Les membres de la Secte semblent s’imprégner de l’actualité du moment, ce dont témoigne la basse post punk conquérante façon Gang of Four ou The Cure à l’amorce d’"After Dark", qu’aiguillonnent des synthés pouêt-pouêtisant comme ceux de "Your Love", le hit disco de Lime qui a atteint le sommet des charts US quelques semaines auparavant.
L’ambiance se fait plus mystérieuse sur "Veteran of the Psychic Wars", coécrit par l'auteur de science-fiction Michael Moorcock et ajouté à la bande originale du film d'animation Heavy Metal. La battue à la "We Will Rock You" de Queen imprime un rythme martial que soutiennent des claviers lancinants. Les guitares sont bien présentes, cependant, offrant un équilibre qui fait la réussite du morceau, de même que le refrain en deux temps alors que le bref solo ne demande qu’à être développé en concert. Sa version pacifiste, "Don't Turn Your Back", offre une conclusion à la fois doucereuse et énigmatique, plongée dans la brume de synthétiseurs spatiaux d’où émerge une basse autoritaire contrastant avec les accords cristallins prisés par The Police.

Synthèse d’un retour à une certaine rudesse et d’une volonté tenace de séduction massive, Fire of Unknown Origin témoigne d’une inspiration retrouvée. Mises en valeur par une production qui emprunte au meilleur des deux mondes, les idées foisonnantes de la troupe de la Côte Est s’épanouissent entre tubes en puissance et compositions sous influences multiples. La perméabilité aux tendances nouvelles se marie avec l’identité forte de Blue Öyster Cult, pour un résultat empreint d’onirisme aussi singulier que réjouissant. S’il fallait une preuve que guitares et synthétiseurs peuvent coopérer en très bonne intelligence, même dans les années quatre-vingt, même dans le (hard) rock, le millésime 1981 du BÖC en constituerait une, irréfutable.