CHRONIQUE PAR ...
Merci foule fête
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
19/20
LINE UP
-Eric Jay Bloom
(chant+guitare+claviers)
-Joseph "Joe" Bouchard
(chant sur 5+chœurs+basse)
-Albert Thomas Bouchard
(chant sur 1,3 et 5+chœurs+batterie)
-Allen Glover Lanier
(guitare+claviers)
-Donald Bruce "Buck Dharma" Roeser
(guitare)
TRACKLIST
1) Career of Evil
2) Subhuman
3) Dominance and Submission
4) ME 262
5) Cagey Cretins
6) Harvester of Eyes
7) Flaming Telepaths
8) Astronomy
DISCOGRAPHIE
Entité mystérieuse surgie des brumes psychédéliques, la Secte de l'Huître Bleue a renforcé son armure métallique lors de sa deuxième apparition, luisant de carmin et de jais. Puissance distillée au venin de l'électricité, la musique inventive du collectif progresse dans sa singulière dimension, chargée de foudre et d'une promesse d'inconnu. Les archers célestes sont prêts désormais à emporter les âmes des disciples avides et fascinés, imposant leurs conditions inouïes. Les Accords Secrets seront importants.
Certains albums ressemblent à des évidences. Celles qui témoignent d'un groupe en pleine possession de ses moyens, qui sait exactement où il va et va où il veut. Secret Treaties de Blue Öyster Cult appartient à cette catégorie. Il n'est pas question d'une musique clinique, réfléchie à la façon d'un problème mathématique parfaitement solutionné. Mais plutôt, d'une partition sur laquelle les notes s'enchaînent avec une fluidité surnaturelle, donnant l'impression que ce sont elles et aucune autre qui doivent être jouées au moment précis où elles le sont. Une osmose s'installe et perdure jusqu'à l'écho du dernier accord, amalgame excitant des guitares tour à tour cristallines et rugueuses, renforcé par une rythmique aussi habile que discrète et enrichi des claviers dont la sonorité s'adapte à l'humeur de chaque chanson. "Career of Evil" ouvre le bal dans une ambiance faussement décontractée, guidée par un motif aux rondeurs trompeuses sous lesquelles affleure l'ironie inoculée par un chant à la scansion presque dédaigneuse, en phase avec les vers venimeux de Patti Smith, petite amie du claviériste Allen Lanier et parolière occasionnelle qui revient après avoir collaboré sur Tyranny and Mutation, l'enregistrement précédent. Un court solo à la six-cordes dynamise la fin du morceau, prélude à des interventions récitatives proprement renversantes qui illuminent les précieux écrins d'où ils jaillissent à la façon d'un paysage encore plus beau que les vallons qui le dissimulaient.
Loin des délires interminables et disgracieux auxquels cèdent certains collègues, les séquences concoctées par le guitariste Buck Dharma, jamais oiseuses, portent les compositions de Secret Treaties à des acmés de félicité, mirifiques broderies piquées au bord de l'âme qui transcendent le déchirant "Subhuman" ou encore la coda tourbillonnante de "Flaming Telepaths". Le discret soliste peut également se montrer tranchant, comme en témoignent ses déflagrations rageuses concluant l'inquiétant "Harvester of Eyes" et l'hypernerveux "Dominance and Submission". Chaque titre est irisé d'une atmosphère spécifique, comme autant de chapitres singuliers et haletants d'un recueil néanmoins cohérent, parsemé de chœurs souvent séraphiques – particulièrement saillants sur "Cagey Cretins" - parfois plus vigoureux à l'instar de ceux parcourant "ME 262", preuve qu'il est possible de convertir un avion de chasse allemand de la seconde Guerre Mondiale en brûlot rock n' roll.
Autre point de convergences des différentes pistes : l'absence de refrain, en tout cas de refrains classiques bâtis pour être braillés à tue-tête par une foule en délire. Pourtant, de nombreux passages laissent une empreinte indélébile dès la première écoute – tous, serait-on tenté d'écrire – alors que le quintet de la Grosse Pomme tisse ses mélodies de manière subtile, soignant la cohésion au détriment de coups d'éclat difficilement concevables de la part de vocalistes au gosier délicat - que ce soit celui du titulaire Eric Bloom ou des frères Bouchard. Toutefois, la prestation énergique d'Albert le batteur sur "Dominance & Submission" - qu'il a écrit lui-même – sied parfaitement à l'ambiance tendue qu'il contribue à faire exploser dans la rage d'un orgasme dément, en point d'orgue d'un mantra psalmodié par une chorale despotique. Quant au final "Astronomy", il constitue la synthèse émouvante de tout ce que la formation de Long Island a produit jusqu'alors. Étrange histoire se déroulant dans l'univers poético-futuriste un peu abscons développé par le critique Richard Meltzer et le producteur Sandy Pearlman qui ont présidé à la naissance du collectif nord-américain, l'ultime occurrence de Secret Treaties se présente en chrysalide de douceur, teintée au piano d'une mélopée aérienne avant de se défaire patiemment de sa gangue par de vifs mouvements confinant à la transe. Et lorsque retentit la voix radieuse de la délivrance, c'est l'univers tout entier qui bascule dans le sillage d'une super-nova flamboyante, après s'être suspendu aux tintinnabulements du vide hébété.
Avec leur troisième réalisation longue durée, les membres de Blue Öyster Cult haussent encore le niveau en portant leur heavy metal sophistiqué à des cimes de sensibilité et de raffinement rarement – jamais ? - atteintes, faisant sourdre une menace sous-jacente qui éclot régulièrement en tempêtes libératrices. Ne trahissant aucune facilité tout en respirant l'enthousiasme d'une inspiration féconde, les huit joyaux présentés par la section new-yorkaise resplendissent au soleil noir des sphères inconcevables. Celles qu'arpentent avec frénésie les esprits chavirés et les cœurs intenses, portés jusqu'à l'égarement par la musique dense des plus splendides poisons.