D'abord nommé Avatar, combo formé par la rencontre entre les frères Oliva (Criss et Jon) et Steve Wacholz, auxquels Keith Collins viendra se greffer plus tard histoire de débarrasser Jon de la basse, c'est sous le nom de Savatage que ce premier opus nommé Sirens sortira, marquant le début d'une longue série qui verra le groupe tutoyer les sommets. Mais en 1983, nous n'en sommes pas vraiment là, et c'est un groupe qui doit pleinement faire ses preuves sur lequel on se penche ici.
Côté influence, il faut tout d'abord se tourner vers plusieurs directions. Celle de l'Europe notamment, et de ses grands pontes du heavy, à savoir Accept et Judas Priest pour le côté rugueux, carré et puissant. Mais entre-temps une certaine scène a émergé aux États-Unis, qui s'est nourri de ces influences tout en prenant du Yop tous les matins, à savoir la scène thrash. Du coup, ce n'est ni complètement l'un ni complètement l'autre que Sirens représente, mais plutôt un équilibre assez bien trouvé entre les deux, à savoir un heavy dont les angles ne sont pas arrondis. Cela donne donc en majorité du mid-tempo, parfois dans la plus pure tradition priestienne, à l'image d'un "On the Run" clairement influencé par les anglais suscités, mais parfois aussi quelque chose de plus vilain, du genre un titre éponyme bien maléfique et lourd.
Et même si tout ça ne révolutionne pas vraiment la condition humaine, force est de constater que l'on a là un bel embryon de ce qui deviendra un combo incontournable par la suite. Le sens du riff déjà bien aiguisé, les frères Oliva tirent leur épingle du jeu par une complémentarité entre une voix à dominante agressive et maléfique, mais qui se fait parfois plus mélodieuse, et un guitariste affuté doublé d'un soliste inspiré. Du coup, même si on ne nage pas dans les tubes du début à la fin de Sirens, rares sont en revanche les moments où l'on risque de piquer du nez. Car malgré un son un peu moisi, même si plus qu'honorable pour un premier jet à l'époque, les titres dégagent une puissance bienvenue et feront indéniablement bouger la tête des plus chevelus, notamment en début d'album bien torché.
Ce n'est qu'à partir de la plus classique "Twisted Little Sister", soit la sixième piste, que l'inspiration commence un peu à flancher pour revenir vers du plus classique et pas forcément très intéressant. On remerciera d'ailleurs la version originale de l'album de s'arrêter à "Out on the Streets", car les deux titres de la réédition de 1994, une ballade et un titre au son atroce, sont clairement dispensables. On sauvera tout de même de la seconde partie de galette un "Living For the Night" qui rattrape le tout en essayant de recoller des cojones qui sont clairement en train de se faire la malle, mais un "Out on the Streets" sirupeux et agaçant finira ce travail de sape malgré tout. Du coup, on finit sur une mauvaise impression assez injuste et on préfèrera reprendre Sirens par le bon bout, à savoir le début.
Voilà donc les bases d'un genre posées, mais encore bancales et pas pleinement assumées. On se délectera donc de quelques titres bien sentis, mais Sirens ne restera pas vraiment dans les annales de la riche discographie du 'Tage. Reste tout de même un album intéressant à redécouvrir après l'expérience des années passées à suivre le groupe pour redécouvrir ces qualités qui feront par la suite bien des merveilles.