Anathema existe depuis 8 ans lors de la sortie d’Alternative 4. Huit ans qui ont vu naître 3 albums, 2 EP, rapidement etiquetés doom. Pourtant, quelque chose change, c’était déjà le cas avec Eternity, ça l’est encore plus deux ans plus tard. Le groupe évolue, des tensions naissent, aboutissant au départ d’un des membres fondateurs, et non des moindres : Duncan Patterson, celui-ci préférant explorer un registre plus trip-hop mélancolique avec Mick Moss au sein de l’excellent Antimatter. Malgré tout, il enregistre un dernier album avec son groupe d’origine, et quel album mesdames et messieurs : l’album qui va définir le style d’Anathema dans les années à venir, abandonnant la tristesse et la rage d’un doom qui n’était certes pas dénué d’intérêt (à l’image du bon Eternity), mais qui se situait en dessous des monstres sacrés du genre.
Ca y est, Anathema a trouvé sa voie, ou peut-être juste changé de voie, et ce virage s’appelle Alternative 4, Alternative symbolisant le changement, et 4 signifiant le quatrième album du groupe, aussi simple que ça. Le moins que l’on puisse dire, c’est que même sur le départ, Duncan Patterson aura donné de sa personne à l’album en composant 6 des 10 titres, laissant les 4 derniers à Danny Cavanagh. Et quels titres mes aïeux ! De l’intro au piano "Shroud of False" à l’outro "Destiny" en passant par l’intimisme de "Lost Control", le travail réalisé par le bassiste s’avère réellement impressionnant, à tel point que l’on s’imagine mal le groupe survivre à la perte d’un tel homme. Ce serait néanmoins occulter les qualités de composition de Danny Cavanagh, qui ont également été mises à l’épreuve sur cet opus.
N’allez pas croire que le groupe change de registre malgré tout cela, si les vocaux se font uniquement en chant clair, c’est encore pour nous plonger dans cet univers mélancolique et sombre propre aux hommes de Liverpool. Quel instrument peut mieux exprimer la mélancolie que le piano ? Surtout adjoint au chant désespéré de Vince Canavagh. Le piano, élément central de l’album n’en est que mieux relayé par la violence des guitares, et c’est ainsi que l’on décolle sur "Fragile Dreams", encore marqué par Eternity. Car si Alternative 4 est un virage, il n’est pas non plus un virage en épingle, loin de là, l’expérience du groupe ayant été bien assimilée, il n’était pas la peine d’écarter tout ce travail du revers de la main. Mais s’en servir à bon escient comme les lignes de chant sur "Empty" ou les échos de voix sur "Lost Control" donne à l’album une profondeur nouvelle. A noter l’utilisation judicieuse des violons, arrivant toujours à point nommé pour faire chavirer l’auditeur dans des sentiments tout à fait… Anathemiens ?
Cependant, l’album possède un milieu mou, un talon d’Achille gênant : "Re-Connect" où Vince Cavanagh se force à tenter un chant plus agressif, mal ponctué par un final en dent de scie ainsi que "Inner Silence" et son intro floydienne bancale au piano. Rien de bien méchant comme vous le constatez (deux titres qui ne n’atteignent pas les 7 minutes à eux deux), mais on aurait préféré des titres plus conventionnels en quelque sorte, qui ne respirent pas autant le cliché peut-être. Bien heureusement le final de l’album se révèle de toute beauté, à l’image de l’expérimental titre éponyme, absolument monstrueux, des huit minutes de "Regret" ou des cinq de "Feel" (qui finit malheureusement par un fade-out de mauvais goût), qui font parti des sommets du groupe où la communion entre les musiciens touche presque à l’insensé, ni plus ni moins.
Parmi les moins à signaler, la durée de l’album, plus courte que celle de son prédécesseur et de son successeur, surtout une fois enlevées les pistes servant d’intro ou d’outro. On peut l’expliquer par le climat régnant au sein du groupe, il est toujours plus difficile de produire quelque chose de plus important quand les tensions règnent. Excellente ouverture à la période soft d’Anathema, Alternative 4 a la capacité de ravir les fans de doom comme ceux de musique à forte dominance pianistique. Le premier album indispensable du groupe ? Sans doute.