(2004) -
Pop symphonique - Label :
Sony BMG
Ce disque fut très attendu parmi les fans de métal symphonique. Le second album des bataves fut un véritable succès et le public crût enfin qu'il y aurait un groupe capable de rivaliser avec Nightwish. Les deux groupes semblaient enfin jouer dans la même cour, et quand Within Temptation annoncèrent qu'un véritable orchestre symphonique apparaîtrait sur The Silent Force, les espoirs redoublèrent. Ils oublièrent un facteur important: la capacité du groupe hollandais à tomber dans le consensus mou.
Pourtant l'album démarre bien. Après une introduction symphonique correcte et épique comme le genre le demande, le titre "See Who I Am" débute sur les chapeaux de roue. Symphonique et grandiloquent, le titre rappelle "Ice Queen", avec une construction plus complexe et des mélodies un peu moins mielleuses. L'orchestre symphonique est bien mis en valeur dès l'ouverture, avec les cordes et les cuivres qui assènent en grande pompe des orchestrations correctes, puis le son mélancolique du violon durant le premier couplet. Le refrain est entraînant, la chanson vivante, malgré quelques passages à vide durant lesquelles les orchestrations sont utilisées pour boucher les trous. Le constat est le même pour "Jillian (I'd Give My Heart)", qui suit la même construction que le titre précédent, et est aussi un titre puisant sa force dans des orchestrations symphoniques grandiloquentes. Comme Mother Earth, l'album démarre sur les deux titres les plus énervés.
Cependant, quelque chose semble manquer à l'appel, un instrument absent du mix ou au fond de l'espace sonore. Les guitares ? Eh oui, voilà ce qui titille l'oreille depuis le début, le manque de sons saturés. Pour cet album le groupe recrute un second guitariste, et il y a franchement de quoi s'interroger sur la pertinence de ce choix tant les guitares sont en retrait, voire absentes. Il n'y a quasiment aucun riff, Robert et Ruud servent juste à faire de la rythmique sur les passages les plus rapides. Le reste du temps, ils ne jouent pas, tout simplement. Les seuls moments où ils reprennent le devant de la scène seront sur "It's The Fear" et "Aquarius", pour nous assener des riffs maladroits et sans inspiration, tentant, sans conviction, de reprendre la recette neo-metal d'Evanescence. Voilà, le nom est lâché, et autant le dire, il semble inévitable de le mentionner dans une chronique de ce disque. Inévitable tant "Stand My Ground" (le premier single de l'album) et "Aquarius" rappellent le groupe américain, aussi bien dans la construction que dans le chant ou les mélodies.
Ce qui nous amène à la direction prise par le groupe sur ce disque. Plutôt que de choisir de reprendre les bases laissées par le dernier album et de les enrichir pour évoluer, ou même de refaire un album proche, les Hollandais ont choisi de se rapprocher des vagues commerciales de l'époque dans l'espoir de plaire au plus grand nombre. Cette démarche ne serait pas un défaut en soi si elle était correctement maîtrisée et que le groupe en tirait une identité propre plutôt que de copier/coller le travail fait par autrui sans inventivité. Le presque-plagiat d'Evanescence fut déjà mentionné, attardons-nous sur l'orchestre symphonique. Dans son désir de forcer sur le grandiloquent, le groupe en fait trop. Les orchestrations, qui sont correctes, sans plus, manquent de variété et sont réutilisées en permanence le long d'un même titre. Elles prennent tout l'espace sonore et relèguent le groupe au second plan (sauf Sharon del Adel), au point qu'on en vient à se demander si ce n'est pas plutôt un album de l'orchestre avec Within Temptation en invité.
Complètement découplé de la musique, l'orchestre apparaît comme un ajout supplémentaire plutôt qu'un instrument intégré aux compositions. Ajoutons à cela des compostions plates, particulièrement les ballades qui sont ennuyeuses au possible, défaut récurrent du groupe. Une fois de plus, le talent vocal de Sharon del Adel compense le manque d'émotions dans la musique. Les progrès qu'elle a effectués depuis Mother Earth sont réels et son chant aigu ne froisse plus l'oreille. Elle ne parvient malheureusement pas à combler tous les trous que les compositions comportent. Ces moments de vide sont remplis par des passages de claviers peu inventifs ou des orchestrations. L'absence de guitare rend l'ensemble encore plus aseptisé et le rendu final est plus de la pop symphonique que du metal, en fin de compte.
Il est dommage qu'un groupe ayant rencontré un tel succès dès son second album sorte un album si plat, aseptisé et sans personnalité. Tombant dans la facilité, le groupe ne travaille pas ses défauts (ballades ennuyeuses, compositions simplistes et mielleuses) et reprend à son compte des éléments faisant le succès de ses prédécesseurs et de ses successeurs. Il renie même son appartenance au metal en réduisant les guitares à un simple rôle de rythmique, quand elles ne sont pas tout simplement absentes. Au vu de l'attente de cet album, la déception des fans fut grande et justifie la note attribuée.