Mirage fait suite au premier album, éponyme, du groupe, sorti l’année d’avant, en 1973. Dans ce premier opus, Camel posait les premières pierres de son édifice, avec plus ou moins de réussite, mais révélait le talent de Andy Latimer, guitariste, chanteur et flûtiste au sein de la formation. Celui-là, associé au talentueux claviériste, le regretté Peter Bardens, était à l’orée d’un des plus beaux chapitres de l’histoire du rock progressif. Chapitre dont ils seront les deux acteurs principaux. Si le line-up du groupe se verra modifié à plusieurs reprises à travers les années, Andy Ward, à la batterie, et Doug Ferguson, à la basse, assureront, tout comme dans le premier album, la rythmique.
"Freefall" entame la série de cinq titres que comprend l’album. Je trouve que celui-ci rappelle un peu certains morceaux de Deep Purple. C’est relatif bien sûr, mais la mise en place des lignes de basse, les passages vocaux, et même certaines mélodies en sont assez rapprochés. Bref, c’est un peu moins de 6 minutes pour un morceau plus axé sur l’instrumental que sur les parties vocales. Personnellement, je ne considère pas ce "Freefall" comme une chanson-culte. Elle se laisse écouter et il y a peu de critiques purement techniques à émettre mais il lui manque un petit quelquechose, une bonne dose de charme peut-être tout simplement. Les 3 minutes et 23 secondes du suivant, "Supertwister" apparaissent comme un joli petit intermède instrumental, dans lequel flûte, basse et batterie ont la part belle. Très sympa. En 2 titres, la voix de Andy Latimer ne s’est pas encore montrée très assidue.
Le tripartite "Nimrodel – The Procession – The White Rider" vient combler ce manque si besoin est, et enchaîne admirablement bien. Le début est assez étrange, puisqu’après l’intro proprement dite, on peut entendre une troupe orchestrale. Passé cet intermède, la pièce est un véritable plaisir à écouter. Aux passages richement instrumentaux viennent alterner des parties vocales plus calmes, parfois accompagnées par une guitare acoustique. Chaque instrument connaît à l’évidence son rôle. Une bien jolie part de l’album quoi qu’il en soit. "Earthrise" renforce tout le bien qu’on peut penser à ce moment-là de l’album. Toujours une rythmique irréprochable, la basse étant par ailleurs, et ce depuis le début, mise assez en avant.
Le batteur s’en donne lui aussi à cœur joie, nous offrant par exemple quelques « mini solos » très plaisants et bien exécutés. Là encore, Andy Latimer se défonce plus avec sa guitare qu’avec ses cordes vocales qu’il ne sollicite guère. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il la maîtrise bien cette satanée guitare, nous délivrant de sacrés plans. D’ailleurs, la seconde moitié du morceau voit tous les instruments à l’unisson, qui vient démontrer encore une fois le talent qui hante chaque musicien du groupe.
Mais la plus grosse part du gâteau, et la plus belle, réside dans le titre final, "Lady Fantasy", qui reste aujourd’hui encore l’une des plus belles œuvres du groupe. Une intro assez surréaliste. Je ne sais pas si c’est vraiment personnel mais je trouve des similitudes avec certains passages musicaux dans le film La soupe aux choux, lorsque la soucoupe volante aterrit dans un champ. Je ne peux m’empêcher d’y penser à chaque fois…hum! Mais la suite n’a rien à voir, et cette fois, on ne peut éviter de se remémorer les Doors! Assez surprenant ces lignes de claviers et de guitares. On croirait véritablement, par moment, écouter un album de Jim Morrisson. Est-ce un hommage rendu au regretté chanteur? De simples influences? Ou bien tout simplement le hasard? Quoiqu’il en soit, la ressemblance est flagrante. Même s'il ne s’agit là que de passages précis. Pour le reste, que dire, si ce n’est que l’on a à faire à une maîtrise musicale quasiment parfaite. De l’excellent boulot!
Mirage restera donc comme un monument discographique pour Camel. Peut-être a-t-il, aujourd’hui, un tout petit peu vieilli, mais comment ne pas rester en admiration devant un titre comme "Lady Fantasy" ou "Nimrodel"… Comme souvent dans les 70’s, Camel a réalisé là un album très instrumental, dans lequel la voix de Andy Latimer n’est encore que peu mise en évidence. D’ailleurs, l’album qui suivra, à savoir The Snow Goose, sera lui complètement dénué de chant. Une caractéristique qui peut dérouter. Mais quoi qu’il en soit, Mirage fait partie du patrimoine progressif. C’est un indispensable pour tout « progueux » qui se respecte. Une valeur sûre.