Cela va faire dix huit ans que Coroner avait dit adieu à la scène, et leur dernier album, que voici, est bien la preuve qu'en tout temps, les labels ont parfois été salauds avec les artistes. Il paraît que ce genre de déconvenue est un peu une étape courante chez les musiciens. Coroner, eux, se sont faits avoir par Noise (dont le travail de pressage était merdique, au passage). Bref, voici donc ce disque, à l'origine d'une tournée européenne catastrophique, parait-il. Et l'occasion pour votre chroniqueur de rectifier le tir : Marquis jouait bien entièrement sur Grin, mais pour cette compilation, il ne jouait plus de batterie et c'est là que Peter Haas, batteur de Krokus et Mekong Delta entre en scène.
Et autant le dire, ce batteur assure sur les morceaux inédits qui devaient faire partie du double album prévu mais avorté, et dont les titres allaient se retrouveront sur la dernière compilation, The Unknown (ça, on en reparlera). Le son est dans la continuité de Grin, froid, sinistre et laissant tout entendre, et la batterie toujours aussi martelante. La basse, un peu plus discrète, reste audible, et renforce la gratte de Tommy Vetterli. Quant à Ron Royce, il est toujours aussi vindicatif et vicieux. Même lorsqu'il parle dans un dictaphone sur "Der Mussolini", reprise de D.A.F (groupe de techno allemand). Troisième reprise pour le groupe et elle tape à son tour dans le mille. Jeu lourd, riff entêtant et ambiance horrible parfaitement réussie. Du côté des inédits, on retrouve cette ambiance sur l'incroyable "Golden Cashmere Sleeper Part 1", pour se calmer en deuxième partie. Réellement, c'est avec ce disque que le groupe aurait pu faire aboutir son art, jusqu'à toucher du doigt le meilleur, sans pour autant parler de perfection (oui parce qu'il paraît que cela n'existe pas). Une première partie dégageant une atmosphère noire avec ses effets grinçants, et l'autre prône, elle, le calme, avec son arpège lent (un des deux seuls où Marky joue, d'ailleurs). Pour le reste, c'est toujours aussi inventif, clinique et osé, avec les effets de dialogue et industriels, évidemment. Mention spéciale à "The Favorite Game", un des morceaux préférés de Vetterli (on comprend pourquoi) Après, "Shifter" et "Gliding Above While Being Below" semblent moins convaincant malgré l'utilisation d'effets moderne sur le premier.
Normalement, un best-of est censé représenter tout le meilleur de ce que le groupe a pu offrir. Dans ce disque, on sent le consensus, l'équilibre entre le thrash baroque et celui plus viscéral. Si le choix du bien convenu et brutal "Masked Jackal" semble assez contestable (un "Skeleton on your Shoulder" aurait été plus approprié). Il n'en sera pas de même pour "I Want You (She's so Heavy)", et bien sûr le sombre et étrange Serpent Moves. Après, si ce n'est pas le meilleur de Coroner, en tout cas, c'est là tout ce qu'avait à offrir ce trio suisse. Autre curiosité : "Snow Crystal". Pressenti pour être l'outro de "Serpent Moves", ce morceau a été rejeté puis fut remis sur cette compilation. Laissant souffler un vent glacial, s'exprimer des éclats dans notre conscience, c'est une des meilleures façons de parachever des superbes morceaux par de l'ambiance . Morceaux ambiants qui se retrouveront dans la toute dernière sortie de Coroner, moins officielle. Elle fut distribuée par le groupe lors de la tournée d'adieu de 1996 avec une reprise de "Der Mussolini". Tiens, tant qu'on y est en évoquant les reprises, "Grin (Nails Hurts)" est un morceau issu du dernier album et en remix... euh... pour de la techno, c'est vraiment nul à chier. Et heureusement que Ron reste dessus, autrement, cela aurait été inécoutable. Inutile de parler de la version radio de "Purple Haze". La reprise en single était largement suffisante. Si ce choix fut à l'origine du succès commercial mitigé, impossible de le dire. Mais en tout cas, c'est la seule tâche sur ce disque tout aussi indispensable pour découvrir Coroner.
Finalement, après en avoir chié sur les routes, Ron Broder, Tommy Vetterli et Marquis Edelmann décidèrent d'en rester là (Vetterli pour le groupe, Broder et Edelmann pour la musique). Maintenant, cela fait plus de trois ans qu'il se sont reformés. Plus le temps passe, plus la perspective de refaire un disque semble s'éloigner. Tant mieux diront les uns, au vu des reformations ratées successives (mention spéciale à celle de Death, totalement dépourvue de sens, puisque c'est comme si Satriani se faisait sans Satriani, et donc d'intérêt). Mais si vous écoutez les inédits, il reste possible d'espérer un renouveau inattendu. Car ce groupe n'a ni pris ses fans pour des cons (même si Vetterli avait des attitudes à la Ritchie Blackmore), ni sabordé son talent. Et même si cette compilation reste assez chère et dure à dégotter, elle est nécessaire, pour le fan comme le profane.