CHRONIQUE PAR ...
Merci foule fête
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
16/20
LINE UP
-Ronald "Ron Royce" Broder
(chant+ basse)
-Thomas "Tommy T. Baron" Vetterli
(guitare)
-Markus "Marquis Marky" Edelmann
(batterie)
Ont participé à l'enregistrement :
-"Dexter"
(chœurs)
-Gary Marlowe
(claviers)
TRACKLIST
1) Intro (instrumental)
2) Absorbed
3) Masked Jackal
4) Arc-Lite (instrumental)
5) Skeleton on Your Shoulder
6) Sudden Fall
7) Shadow of a Lost Dream
8) The New Breed
9) Voyage to Eternity
10) Purple Haze (Jimi Hendrix cover)
DISCOGRAPHIE
Un an après avoir ébouriffé tout le monde avec un R.I.P. overspeedé, ultra technique et dantesque, Coroner remet le couvert en livrant Punishment of Decadence à la superbe pochette explicite – elle sera censurée par Noise Records qui l'aurait jugée « trop artistique ». Ayant pris connaissance de la chose, certains parmi ceux qui crièrent au génie sur R.I.P. estiment avoir affaire à une redite sans intérêt alors que d'autres y voient la confirmation du talent hors normes des Helvètes et affirment que le metal ne sera plus jamais comme avant, à l'instar des fans de Magma et Genesis qui avaient décrété la mort du rock dans les années soixante-dix. « Qui a raison, qui a tort, tu sais bien que je t'adore »... Hum. Allons plutôt tester ce "challenge des espoirs".
Oui car de l'espoir, Coroner en a clairement suscité avec son premier album qui a fait basculer le thrash metal dans une nouvelle dimension, celle de la virtuosité assumée et du raffinement morbide - Malmsteen chez Celtic Frost, en quelque sorte. La référence aux fondamentaux compatriotes emmenés par Thomas Gabriel Fisher n'est pas fortuite puisque les membres de Coroner furent leur roadies avant de voler de leurs propres ailes. Mais sur ce deuxième effort longue durée, l'astéroïde Coroner commence doucement à sortir de l'orbite frostienne - les textes se faisant plus politiques, même si l'onirisme demeure présent. Quant aux interludes acoustiques délicieusement intrigants qui permettaient à l'auditeur de souffler un peu sur le précédent enregistrement, ils ont ici quasiment disparu - leur absence participant de l'ambiance étouffante imposée par le trio de la Confédération. Car celui-ci exécute ses titres à un train d'enfer, sans jamais relâcher l'accélérateur, au point que l'auditeur ressort lessivé après être passé sous ce rouleau compresseur de dextérité. Et même, parfois, la lassitude guette devant l'impression d'entendre plusieurs variations du même morceau - "Voyage to Eternity" placé en fin de parcours porte bien son nom. Les titres sont en effet tous bâtis selon le même schéma : intro généralement courte suivie d'un riff alambiqué, refrain plus posé, pont, solo, break, re-solo et reprise du thème - ce modèle rigoureux contrastant avec la guitare bavarde qui déborde de partout. Cette linéarité apparente est renforcée par une production assez plate qui tend à uniformiser le propos. À peine plus consistant que sur R.I.P., le son de Punishment souffre en effet d'un manque de punch assez regrettable qui diminue la force de frappe du collectif - l'absence d'un second guitariste n'aidant pas à faire illusion. Paradoxalement, ce rendu froid et hanté contribue à faire de Coroner une formation à part et pour tout dire, unique.
En témoigne le chant rauque et en retrait de Broder, qui recherche intelligemment la simplicité en contraste avec la structure complexe des morceaux et fait office de troisième voie(x) entre vociférations d'outre tombe et stridences démoniaques en vogue chez ses collègues du metal extrême. Difficile de sortir des titres du lot tant le disque est homogène et constant dans la qualité, malgré la propension à la redondance évoquée plus haut. "Masked Jackal", le hit bénéficiant d'une vidéo mérite d'être mentionnée avec son riff dément en forme de solo – à moins que ce ne soit l'inverse – ou encore "Skeleton on your Shoulder" dont l'introduction acoustique rappelle celle de "Soldier without Faith" de... Malmsteen - Tommy Vetterli ne reniant pas lui non plus ses influences classiques. Mais là où le fantasque Suédois les citent in extenso, l'Helvète ambitieux les fait exploser sur ses tempos effrénés et les met au service de compositions décomplexées, "Skeleton... " étant marqué par un break slayerien époque Hell awaits et une accélération digne d'une formule un sur laquelle les descentes de manche donnent le tournis. "Sudden Fall", l'autre sommet du disque se distingue par son thème décadent et son génial riff tourbillonnant : l'atmosphère mortifère est renforcée par la batterie pleine de morgue d'Edelmann qui fouette ses cymbales comme un garde-chiourme le dos meurtri des galériens tandis que des chœurs implacables scandent le refrain évident, ces « Sudden... Fall ! » qui donnent le frisson. Enfin, sur la reprise de "Purple Haze" qui clôt l'enregistrement, le trio accomplit l'exploit de respecter le classique d'Hendrix tout en l'assaisonnant à sa sauce speed thrash - la rapidité d'exécution et la double pédale annihilant la sensualité de l'original tout en décuplant sa sauvagerie sous-jacente.
Les trois Zurichois ont habilement joué le coup sur leur deuxième album en s'inscrivant dans la droite ligne du premier pour ne pas déconcerter leurs (quelques) fans tout en les emmenant encore un peu plus loin sur le terrain d'un speed thrash dense et technique. La production étriquée, si elle ne parvient pas à se hisser au niveau affolant du groupe, offre ironiquement à celui-ci une pâte sonore aussi singulière qu'arasante. La gangue glacée qui étreint les morceaux s'installe donc au détriment de la puissance mais ne masque pas l'incroyable potentiel de la formation helvétique révélée sur R.I.P.. Ici commence une excitante mutation.