La trajectoire de Brainstorm ressemble à celle d'Evergrey ou de Kamelot. Voilà des groupes qui ont su gravir les échelons petit à petit en sortant plusieurs albums de très bon niveau au point de se hisser parmi les valeurs sûres dans leurs styles respectifs ; et puis d'un coup, paf, la panne sèche d'inspiration, la dégringolade. Et si Kamelot et Evergrey ont su depuis redresser la barre avec des albums corrects à défaut d'atteindre le niveau d'antan, Brainstorm ne cesse quant à lui de s'enfoncer dans les limbes de la médiocrité…
On The Spur Of The Moment, c'est un verre à moitié rempli. Dans un bon jour, on se dit qu'il est à moitié plein : on se dit alors que Brainstorm a enfin réussi enrayer la spirale négative débutée avec Liquid Monster, qui faisait que chaque album se situait un cran en-dessous de son prédécesseur. En effet, il y a quand même à manger sur ce nouvel album, avec une poignée de bons titres et surtout un peu d'envie et d'énergie, deux éléments qui faisaient cruellement défaut sur Memorial Roots, qui nous montrait un groupe arrivé quasiment au bout du rouleau. Mais dans un mauvais jour, on se dit aussi que pour un album de 10 titres, il y a quand même un paquet de fillers, quasiment la moitié des morceaux. Même sans attendre quoi que ce soit de génial ou révolutionnaire de la part des Allemands (au bout de 15 ans de carrière, ça se saurait), on peut au moins exiger un peu plus d'application histoire d'avoir droit à un album complet et non un très bon EP agrémenté de quelques titres sans âme pour emballer le tout. Où se situe la vérité alors ? Sans doute quelque part à la croisée des deux points de vue…
Côté bons points, il y a d'abord "Below The Line", sans doute le meilleur titre de l'album. Pourtant il ne paie vraiment pas de mine au départ : on est loin de l'opener musclé style "Crush Depth" ou "Blind Suffering", et ce morceau paraîtrait presque un peu mou de prime abord ; mais petit à petit, on se laisse séduire par ce riff minimaliste mais entêtant, cette progression bien maîtrisée et ce bon petit refrain mélodique, dotée de belles lignes vocales soutenues par des claviers pas très inventifs mais qui remplissent bien leur rôle. On appréciera aussi de voir Brainstorm retrouver un peu de son mojo pour pondre des morceaux immédiats comme "Still Insane", voire même carrément enthousiastes comme "No Saint – No Sinner", dont le refrain est du genre à vous trotter dans la tête pendant un moment. Enfin, histoire de refermer l'album en beauté, les Allemands nous offrent avec "My Own Hell" un titre heavy bien lourd et bien sombre, dans le style de "Soul Temptation" : s'il n'en a pas tout à fait la force et surtout l'ambition, il n'en figure pas moins dans le haut du panier de cet album.
Côté mauvais points, il y a malheureusement pas mal de choses à dire également. Il ne s'agit pas forcément de gros plantages, car seul "In These Walls" peut être taxé de la sorte : marier une rythmique très balourde, limite syncopée, avec une mélodie de piano guimauve et une ligne de chant aussi bateau, c'était à l'évidence une très mauvaise idée. Pour le reste, on a surtout l'impression que le groupe a perdu son savoir-faire en route, et qu'il essaie de faire comme avant, sans y parvenir. On assiste donc à un défilé de titres sans intérêt, proche dans l'idée de ce que Brainstorm avait l'habitude de proposer, mais loin du compte au niveau du résultat. Pour un titre qui échappe de justesse à l'indifférence grâce à une ligne de chant qui sort un peu de l'ordianire ("In The Blink Of An Eye"), on en a toute une poignée qui n'ont aucun intérêt, que ce soit dans un style rapide ("Where Your Actions Leads You To Live"), énergique ("A Life On Hold", frère siamois de "Still Insane" sans le refrain qui claque) ou façon grosse Bertha, jadis la marque de fabrique du groupe (l'insipide "Dark Life").
On pourra toujours se dire que Brainstorm a stoppé l'hémorragie, et que On The Spur Of The Moment est un poil meilleur que Memorial Roots ; maintenant, on ne peux pas non plus se satisfaire d'un album avec autant de morceaux banals, même s'ils sont habilement répartis de sorte qu'on ne déplore pas de gros temps morts. Même en essayant de retenir essentiellement les quelques bons titres qui jalonnent l'album, on a l'impression que Brainstorm s'est contenté du minimum syndical. Du moins on l'espère, car s'il s'agit là du maximum, autant fermer la boutique…