Ce deuxième album de Gamma Ray est aussi son plus atypique. Après un Heading For Tomorrow rassurant - voire salvateur - pour les fans de l'ex-tête pensante d'Helloween, Kai Hansen prend quelque peu son public à contrepied, en proposant cet opus qui tend à s'éloigner du "happy-metal" dont il s'est rendu leader. Pourtant, au fond, la musique en elle-même n'a guère changé; seule une approche plus agressive dans l'écriture de certains riffs et dans le chant de Ralf Scheepers stigmatise cet album, bien souvent considéré comme la bête noire dans la discographie de Gamma Ray.
C'est surtout au niveau des paroles que Sigh No More dénote avec les habitudes de Kai Hansen. Sombres, cyniques, pessimistes, les textes de "Countdown" ou de "(We Won't) Stop The War" se situent à l'opposé de la tranche de rigolade des Keepers. Une période plutôt noire pour le groupe, en proie à d'incessantes modifications de line-up, et cela s'en ressent dans le contenu. Cela n'empêche pas Kai Hansen de se montrer toujours aussi pertinent lorsqu'il s'attèle à la composition de tubes catchy: "Rich And Famous" et "One With The World" semblent même directement issus du précédent album, Heading For Tomorrow, et équilibrent de fait l'atmosphère générale de Sigh No More.
Globalement cependant, la qualité des chansons est plus irrégulière. Une ballade comme "Father And Son" n'est pas franchement convaincante, il faut bien l'admettre. Les efforts de Ralf Scheepers au chant, de plus en plus talentueux et polyvalent, n'y changent rien. Idem pour "The Spirit", mid-tempo tristounet qui sombre dans la facilité quand arrivent le pont et le refrain. Le bonus "Countdown" n'est pas non plus près d'être rejoué en concert... Alors que "Changes" ou "As Time Goes By" surprennent dans le bon sens, avec une agressivité inédite mais tout-à-fait adaptée. A noter sur ce dernier titre, l'incroyable prestation de Ralf Scheepers dans le mouvement final ("The Voice" se fera-t-il appeler...).
La production et le mix de Tommy Hansen et de Piet Sielck, étranges eux aussi, semblent laisser sur la touche les toms d'Uli Kusch - qui, histoire de boucler la boucle, se retrouvera dans Helloween par la suite - ainsi que les claviers, déjà délibérément limités. Peut-être cela résulte-t'il d'une volonté expresse de Kai Hansen, une envie d'expérimenter, tout en conservant une solide base de morceaux à même de plaire à son public sans le moindre doute. Le prochain album, Insanity And Genius, reviendra plus ou moins directement à la musique qui constitue réellement le savoir-faire de Gamma Ray, c'est à dire un heavy-speed mélodique positif et enjoué. Sigh No More n'a donc pas convaincu grand monde... Il n'empêche que de très bonnes choses sont à dénicher sur ce disque, même s'il met en avant une pochette de goût discutable.