Sans trop se fouler et en seulement 2 albums, Primal Fear s'était frayé un chemin vers les sommets de la vague true metal, dans le sillage des indétrônables leaders Hammerfall (c'est dire l'ambition artistique de ce « mouvement »…). Mais pas question de se contenter de cela, il était temps pour les Allemands de frapper un grand coup et de montrer ce dont ils étaient réellement capables avec un peu de bonne volonté. Et à l'écoute de Nuclear Fire, une seule réaction possible : mais pourquoi diable n'ont-ils pas fait ça plus tôt ?
Il paraît que tous les albums de Primal Fear, pré-Seven Seals du moins, seraient identiques. Ce n'est pas complètement dénué de fondement, mais il faut tout de même reconnaître que certains sont plus réussis que les autres. Ainsi, Nuclear Fire devance ses petits camarades de la tête et des épaules. Paradoxalement, alors que Primal Fear cherche désormais à se défaire de son image caricaturale de groupe de bœufs, Nuclear Fire est un de ses albums les moins finauds. Tout est résumé à l'intérieur du boîtier, avec cet improbable PF : Metal Commandos Germany ! Dès le premier roulement de batterie après 30 secondes de bruitages divers, les Allemands annoncent la couleur : cet album sera fuckin' heavy. Ca commence avec "Angel In Black", ça continue avec "Kiss Of Death" et son intro calquée sur "Hell Patrol" du Priest, puis "Fight The Fire" ou le mid tempo "Eye Of An Eagle". On monte encore d'un cran avec "Fire On The Horizon", et le point d'orgue est atteint avec le rageur "Back From Hell", parfait pour les réveils difficiles !… Point commun à tous ces titres : un son bien tranchant à l'allemande, des riffs dans la plus grande tradition heavy, et surtout des refrains plus accrocheurs qu'à l'accoutumée.
Vous me direz, jusque là, pas trop de surprises : Primal Fear se contente d'exploiter son fonds de commerce, avec juste un peu plus de talent que d'habitude. C'est pas faux, mais on trouve aussi des choses surprenantes sur cet album. "Nuclear Fire" par exemple : à la manière d'une équipe d'amateurs qui se sent pousser des ailes au point d'éliminer un club de L1 de la Coupe de France, Primal Fear n'hésite pas à s'aventurer sur les terres de Gamma Ray et lui coller une branlée monumentale avec cette baffe speed mélo, dotée une nouvelle fois d'un refrain irréprochable. Quant à "Iron Fist In A Velvet Glove", là c'est carrément l'état de grâce. Ce titre est tellement « original » que le groupe n'a pas osé l'assumer complètement, le présentant comme une bonus track (au milieu de l'album, super crédible). Pouvez-vous imaginer une chanson de Primal Fear sans screaming à gogo (!), sans double pédale (re-!), avec un Ralf Scheepers qui chante de façon naturelle et sans agressivité (re-re-!) un texte causant de relations amoureuses difficiles (re-re-re-!) ? Et bien les Allemands l'ont fait, et le résultat sonne foutrement bien ! A tel point qu'on retrouve même ce titre au menu du best-of Metal Is Forever !
Bien sûr, il est évident que Primal Fear ne s'est pas transformé du jour au lendemain en génie du heavy metal. Les Allemands se chargent eux-mêmes de nous ramener sur Terre en posant, en guise de conclusion, un étron fumant sur le gâteau avec "Living For Metal". Paroles clichesques au possible (tout est dit dans le titre), riff naze, refrain minable, quel dommage de saboter ainsi un album jusque là impeccable, sans faute de goût majeure. Bien sûr, des approximations, il y en a. Par exemple, la power ballad "Now Or Never" qui tente de reproduire de façon assez voyante et pas très efficace le succès de "Under Your Spell" sur l'album précédent. L'autre power ballad, "Bleed For Me", est également loin d'être parfaite. Sur le début très calme, Scheepers souffre du syndrome Ripper Owens en se montrant incapable de délivrer de l'émotion dans son chant. On le sent tout de suite plus à l'aise dès que la batterie et les guitares plus lourdes font leur apparition. Enfin, bon, hormis le dernier titre déjà évoqué, rien de bien catastrophique sur Nuclear Fire, dont les 52 minutes passent d'une traite. Même pas de traditionnels morceaux de remplissage à se mettre sous la dent : c'est une véritable révolution !
S'il ne fallait retenir qu'un seul album de Primal Fear, ne cherchez pas plus loin : c'est Nuclear Fire qu'il vous faut. Plus homogène, plus efficace, plus fédérateur, plus mieux tout simplement, c'est en quelque sorte l'aboutissement de la première période de Primal Fear, celle où le groupe se contentait de l'étiquette 100% true heavy metal. Avec le recul, puisque tout était dit, c'est sans doute à partir de ce moment-là que Primal Fear aurait dû commencer à faire évoluer sa musique, plutôt que de proposer encore 2 albums exactement dans la même veine, et surtout nettement inférieurs à Nuclear Fire.