CHRONIQUE PAR ...
Cosmic Camel Clash
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
13/20
LINE UP
-John MacCrea
(guitare+chant)
-Greg Brown
(guitare)
-Victor Damiani
(basse)
-Gabriel Nelson
(basse)
-Vincent Di Fiore
(trompette)
-Todd Roper
(batterie)
-Frank French
(batterie)
TRACKLIST
1)Comanche
2)Ruby Sees All
3)Up So Close
4)Pentagram
5)Jolene
6)Haze of Love
7)You Part the Waters
8)Is This Love?
9)Jesus Wrote a Blank Check
10)Rock 'n' Roll Lifestyle
11)I Bombed Korea
12)Mr. Mastodon Farm
13)Ain't No Good
DISCOGRAPHIE
Cake -
Motorcade Of Generosity
« Un incipit est le début d’un texte, en général d’un roman », nous rappelle Wikipedia. Et si vous tombez un jour sur un premier chapitre de roman en commentaire de texte, pas la peine de chercher trois heures quel plan faire : on vous demandera toujours de démontrer en quoi l'auteur a placé tous les éléments constitutifs de son bouquin dès les premières lignes. C'est un peu la fonction qu'on peut attribuer après-coup à ce Motorcade of Generosity : en plus d'être un premier album il compile toutes les caractéristiques de ce qui deviendra par la suite le son Cake. Et quand on sait que la carrière de Cake est émaillée de pans de génie autant que de bouses certifiées...
Car après tout, qu'est-ce que Cake ? Si on fait l'exception de l'invasion de sons synthétiques qui a fait de Pressure Chief le désastre que l'on sait, on peut tenter de définir leur signature comme étant un gros melting-pot bouillonnant entre plusieurs styles liés par la voix de Mc Crea et le son si particulier des instruments. Sauf que le mélange n'est pas encore au goût du jour sur Motorcade of Generosity : chaque titre se cantonne principalement à une approche, rendant l'album très hétérogène. On trouve de la musique traditionnelle mexicaine avec "Comanche", de la soul avc "You Part the Waters", de la syncope rock groovy avec "Ruby Sees All", "Jolene" ou "Is This Love", de la country pure avec "Pentagram" ou "Jesus Wrote a Blank Check", de la Tarantino-music avec "Up So Close"... et ainsi de suite. On fait le lien aujourd'hui car on connaît le groupe mais on peut aisément imaginer qu'à l'époque tout ça ressemblait surtout à un gros fourre-tout. L'autre différence principale avec le Cake qui suivra est une production qui ne met pas du tout la trompette en avant (ce qui fait qu'on la remarque assez peu) ainsi qu'une absence quasi-totale de claviers.
Il y a un instrument qu'on entend déjà énormément par contre : la basse ronde et chaude de Gabriel Nelson qui partira ensuite faire une pause avant de revenir. Et le pauvre bougre confirme ce qu'on savait déjà : il est loin d'être un manche, mais il restera à jamais « le mec (beaucoup) moins bon que Victor Damiani » avec qui il partage l'instrument sur cet album. Ses lignes bondissantes et groovy commençaient déjà à tourner en rond à l'époque et l'entendre jouer sur "I Bombed Korea" les plans qu'il ressortira des années plus tard sur Prolonging The Magic est assez attristant. Cela n'a pas d'influence directe sur la qualité des titres par contre : si le titre cité est une compo rock seventies molle du gland et affreusement répétitive, la présence de Damiani sur "Haze of Love" ne la sauve pas de la noyade tant cette ballade geignarde tape sur le système. Nelson se distingue par contre sur l'excellent "Is This Love" : sa pentatonique balancée et boostée à la distortion porte merveilleusement ce titre amer où la trompette de Vince di Fiore tient enfin le premier rôle. L'esprit jam session de ce morceau est d'ailleurs très plaisant, à l'image du rock alternatif de "Jolene" qui se termine sur un bœuf mémorable.
Et le chant rappé donc ? Il n'est là que sur un titre, mais attention ! "Rock n' Roll Lifestyle" est sans conteste la chanson la plus mémorable de l'album et annonce des lendemains qui chantent : riff simple et addictif, flow posé inimitable de McCrea, et surtout texte absolument fabuleux. Rarement la mythification du folklore rock aura été epinglée avec autant d'humour et de cynisme, et la puissance de Mc Crea en tant que parolier vient s'inscrire dans ces mille et un éléments dispersés au gré du disque. Et comme les éléments sont éparpillés la qualité l'est forcément aussi : on a déjà évoqué tel ou tel titre très bien torché et tel autre franchement repoussant, et Motorcade Of Generosity n'est pratiquement composé que de cela. Supporter la pseudo-poésie slammée de McCrea sur "Mr Mastodon Farm" est incroyablement pénible (même les meilleurs se plantent), presque autant que se taper la country redneck bas du front et ultra-linéaire de "Jesus Wrote a Blank Check". Et en face de ça il y a la pop-rock hyper entraînante de "Ain't No Good" ou le côté festif d'un "Ruby Sees All" frais et pas prise de tête. Ballotté, exposé sans cesse au chaud et au froid, on finit par zapper un titre sur deux... et toute la limite est là.
Restons dans les conseils aux étudiants : une fois passée la période du brainstorming d'idées jetées sur une feuille, n'oubliez surtout pas de rassembler ces idées par thèmes, de les combiner entre elles et de virer les mauvaises de votre plan définitif. Si vous ne le faites pas votre copie risque de rester ce qu'est Motorcade Of Generosity : un brouillon. Et un brouillon peut bien être émaillé de coups de génie, il ne reste qu'un brouillon...