2 albums. C'est tout ce qu'il aura fallu à Evergrey, avec le bâclé The Inner Circle et l'insipide Monday Morning Apocalypse, pour passer du statut de valeur montante du metal à celui de navire en perdition. 2 albums qui auront vu les Suédois perdre un paquet de fans en route, déçus par la tournure simpliste et banale de l'œuvre du groupe pourtant fort prometteuse au départ. Il était donc grand temps que le capitaine Englund redresse la barre, et fort heureusement, c'est chose faite avec la sortie de Torn.
Et pourtant, Torn fait partie de ces albums qui font perdre toute crédibilité au chroniqueur. Imaginons une conversation avec un fan déçu d'Evergrey :
«-Paraît qu'il est bien le nouveau Evergrey. Englund a arrêté les riffs power/néo faciles et s'est remis au boulot ?»
Euh… pas vraiment en fait. Le retour à des riffs alambiqués n'est pas pour cette fois, la plupart de ceux figurant sur ce nouvel album sont un nouvelle fois assez simples et massifs ("In Confidence", "Broken Wings", "Fail", "Numb"), quoiqu'un peu plus efficaces que sur Monday Morning Apocalypse avec des structures plus étoffées.
«-Ah bon. Et le Tom, il a fini de faire sa chialeuse et il s'est remis à chanter ?»
Euh… oui et non. Il a bien repris un peu les choses en main, mais ça lui arrive de retomber encore quelquefois dans ses travers comme sur la fin (très réussie) de "Fear", "Torn" ou sur "When Kingdom Falls".
«-Ah ouais… Et sa poissonnière, il l'a laissée à la maison cette fois ?»
Euh… presque. Le rôle de sa femme Carola a bien été revu à la baisse, mais on l'entend encore pousser la chansonnette de façon toujours aussi tape à l'œil et énervante sur "These Scars".
«-Ouais d'accord. En fait Torn, c'est un peu le même album que les 2 derniers en fin de compte…»
Un peu… mais en mieux (1ère leçon du BEP Force de vente : toujours garder son meilleur argument pour la fin) !
Et pourtant, c'était pas gagné d'avance, vu la bio accompagnant le CD promo qui voit Englund nous décrire Torn comme « un mix moderne entre In Search Of Truth et Recreation Day, avec des chansons axées sur la guitare et très atmosphériques, qui ont exactement le son que les fans attendent de nous ». Aïe aïe aïe, quand un groupe commence à composer en fonction de ses fans et de ses albums qui ont été le mieux accueillis, généralement ça sent le sapin. Heureusement, pas cette fois ! On laissera à Englund la responsabilité de ses propos, surtout sur la parenté de Torn puisqu'on n'y retrouve ni la qualité des ambiances d'In Search Of Truth, ni les accents néo-classiques et la créativité de Recreation Day. Par contre, contrairement à ses albums les plus récents, une chose est sûre : Evergrey s'est APPLIQUÉ. Et c'est tout simplement le minimum de ce qu'on demandait en fin de compte. On assiste donc à des refrains plus travaillés au niveau des mélodies ("Fear", "When Kindom Falls"), des soli plus marquants et surtout, une excellente prestation de Rikard Zander. Le claviériste a retrouvé un peu d'inspiration et parvient à distiller de nombreuses lignes aussi discrètes qu'indispensables, bien intégrées aux chansons et qui apportent un plus indéniable.
Évidemment, des morceaux classiques sans une créativité débordante, il y en a ; mais on ne s'emmerde pas à leur écoute, comme ça pouvait être le cas sur ¾ morceaux de Morday Morning Apocalypse. Des titres comme "Broken Wings", "Nothing Is Erased" ou "Numb" rentrent dans cette catégorie, mais peuvent tout à fait être réécoutés un paquet de fois sans impression de lassitude. Mieux encore, Evergrey est parvenu à pondre quelques titres dignes de ses grandes heures. "These Scars" par exemple, le titre le plus long de l'album (un peu plus de 6 minutes, malgré une structure pas très complexe). Un début étonnant avec un riff limite néo qu'on aurait pu retrouver sur un album de Disturbed, très punchy, directement enchainé sur une mélodie chantée doucement ; une mélodie très forte, qui devient en fait le refrain à grand renfort de grosses guitares. Un titre très entraînant, pas forcément ce à quoi on s'attendait et dont il est difficile de se défaire une fois qu'on l'a en tête. Et que dire de "Still Walk Alone" ? Voilà un vrai monument de noirceur qui, pour le coup, sonne comme la vraie rencontre le Evergrey des débuts, sombre et porté sur les ambiances et le Evergrey plus puissant de ces dernières années, adepte des gros riffs et des chœurs agressifs. Un vrai bonheur que ce titre !
À l'arrivée, on n'ira évidemment pas classer Torn parmi les albums novateurs et dégoulinants d'inspiration. Evergrey a plutôt choisi de se rassurer en proposant un album balisé et plus tourné vers le passé que vers le futur (sans toutefois verser dans l'auto-citation, c'est important de le préciser). Un choix judicieux, tant il était nécessaire pour les Suedois de reprendre les fondamentaux pour repartir du bon pied. Un grand album ? Il ne faut pas exagérer. Un bon album ? Alors là, 1 000 fois oui. Compte tenu du contexte du groupe, un album à classer parmi les bonnes surprises de cette rentrée 2008.