Après le gros succès de The Number Of The Beast, premier album de la vierge à se classer au top des charts outre-manche, tout le monde est conscient qu’il faut battre le fer tant qu’il est chaud. Tout le monde ou presque, puisque Clive Burr, qui ne peux plus suivre physiquement le rythme des tournées, décide de quitter le navire. C’est donc Nicko McBrain, de Trust, qui viendra le remplacer (Clive jouera plus tard également pour Trust) pour former ce qui restera dans le coeur de nombreux fans LE line-up de Maiden.
Et quoi de mieux pour introduire un nouveau batteur que de lui dédier une chanson, afin qu’il puisse faire étalage de ses talents ? C’est quasiment le cas de "Where Eagles Dare", l’opener de Piece Of Mind, qui permet à Nicko de prouver sa vélocité et de nous faire découvrir son usage spécifique de la cymbale ride. Une ouverture sympathique à défaut d’un grand titre. Non, les choses commencent très sérieusement dès la deuxième piste en la présence de "Revelations". Première composition du groupe entièrement signée Dickinson, celui-ci y fait éclater au grand jour tous ses talents d’écriture, que ce soit en termes de musique ou de paroles. Sur la base de riffs et d’harmonies d’atours assez simples, mais ô combien efficaces et accrocheurs, des paroles recherchées abordant les thèmes de la religion et de l’homme viennent se poser, chantées par un Bruce alors au sommet de son art, pouvant se permettre d’aller chanter dans un registre aigu sans forcer le moins du monde, donnant un côté aérien au titre, lui conférant toute sa poésie. Le terme est un peu barbare pour désigner ce genre de titres, mais il s’agit bien d’une tuerie.
L’auditeur qui écoutera, fort naturellement, l’album dans son ordre d’origine, aura alors l’heureuse occasion d’entendre s’enfiler perle sur perle, avec pour commencer le premier single de Piece Of Mind, "Flight Of Icarus", qui permet à Adrian Smith de s’affirmer en tant que grand compositeur et grand soliste, dans son style bluesy reconnaissable entre milles, la marque des grands. L’énergique "Die With Your Boots On" viendra continuer cette bonne série pour arriver sur LE tube ultime de Maiden (comme s’il n’y en avait qu’un…), "The Trooper". C’est bien simple, depuis la sortie de l’album, le titre aura été joué à chacun des très nombreux, doux euphémisme, concerts donnés par le groupe depuis. Cela en dit assez long sur la qualité de ce titre, et ceux qui n’en auront pas encore été rassasié apprécieront à sa juste valeur le sens du riff de sieur Harris qui signe là un de ses plus gros succès, assurément. Passé un des sommets de l’album, on se retrouve avec une triplette un peu plus convenue, notamment avec le seul ratage de l’album : la lourdingue "Quest For Fire", preuve que la transition entre le quasi-punk des débuts et le style plus mélodieux découvert sur The Number Of The Beast est encore en cours, et que les recettes ne sont pas encore parfaitement rodées.
L’album se termine sur le deuxième essai de Harris en matière de titres longs (le premier étant la magnifique "Hallowed Be Thy Name"), et le premier vrai titre à tiroirs de Iron Maiden :. Après une introduction mélodique planante, un gros riff arabisant permet à Dickinson de nous narrer des paroles inspirées par le gros succès de Frank Herbert, Dune. Passé quelques couplets, on déboule directement sur un riff de basse, chose qui parait presque improbable dans le heavy actuel tant la basse y semble au mieux inintéressante, au pire morne et inexistante, à quelques rares exceptions près. Il faut donc saluer, outre ses compositions, les talents de bassiste de Steve Harris, qui sur chacune de ses lignes de basses, plutôt que de suivre bêtement les guitares, nous offre toujours une mélodie, un break de plus à écouter, le tout avec un jeu caractéristique, tapant parfois les rythmiques en faisant heurter les cordes aux frets. "To Tame A Land", s’il n’est pas le plus réussi des titres fleuves de Maiden (titre très âprement disputé à vrai dire), ouvre en tout cas la porte à des nombreux moments de bonheur futur, et ne vaut pas seulement par son aspect historique mais également par sa qualité.
La Vierge de Fer aiguise donc ses couteaux pour mieux partir à la conquête des Etats-Unis avec le futur Powerslave. Si Piece of Mind n’est pas régulièrement cité parmi les meilleurs albums des anglais, il n’en reste pas moins d’un standing assez exceptionnel, et reste absolument indispensable, fan ou non, rien que pour deux bons tiers des titres qui s’y trouvent. Maiden n’a jusque là pas encore commis une seule faute de goût dans sa discographie, et ce n’est pas près d’arriver, alors autant en profiter !