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« Qu'est-ce que qui me tient en vie ? Créer. »
Tout passionné de musique sait parfaitement que la pépite découverte un jour n'aura jamais plus la même fraîche magnificence à ses yeux emplis de subjectivité, passée l'exploration des mille-et-un univers qui s’ouvriront progressivement à ses perceptions, à mesure que le temps s'écoulera et qu'il cherchera à épancher - ailleurs - son appétit sans cesse aiguillonné par des passions mouvantes. Il sait bien que, tout comme la faim et la soif véritables, cet appétit qui le dévore est aussi condamné à être inextinguible. La musique est ainsi cet art dont on n'est jamais repu, qui aiguise nos sens et excite nos envies par sa vitalité absolument fantastique, et le tourbillon d'émotions possibles en son sein a véritablement de quoi rendre instable et volubile le plus fidèle et possessif des amoureux. Non, la pépite d'un jour ne reste jamais éclatante. Et non, aucune ne suffira jamais. Pas même l'addition de toutes. Et c'est ce qui rend cet art si vivant : la soif de l'auditeur et l'ambition du musicien pour y répondre formant un cercle vertueux d'attentes/réponses qui ne se rompt jamais et porte la créativité à un niveau sans cesse plus intéressant et stimulant. La musique a véritablement quelque chose du ballet des amants qui sans cesse ambitionnent d'atteindre la pleine fascination sans connaître pourtant de point d'achèvement. Plus amplement, elle se fait si souvent la délicate métaphore de cette quête vitale de sens que l'on sait pourtant condamnée à l’inaccomplissement. Nous saisissons uniquement des instants de contemplation exquises qui propulsent ensuite l'esprit et les sens toujours plus loin.
L'antinomie de la créativité est le pâle contentement. J'admets, je suis de ces chroniqueurs qui ont fini par laisser le champ libre à leur pleine subjectivité et l'assument, la musique étant la matière qui m'inspire par excellence et j'aime découvrir des compositions qui renouvellent ma façon de penser et les saluer en ces termes. Ce sont les musiques qui répondent à ma définition de ce joli mot : ambition. Pour moi, une musique qui se pare d'ambition s'inscrit volontairement dans ce cercle de vertus. Elle ne s'offre pas comme une finalité bien arrêtée. Il ne s'agit pas de forcer le regard à se braquer sur une perfection prétendument atteinte à un instant T, s'imposant comme une réponse (nécessairement factice). Une musique véritablement ambitieuse est certes celle qui a la pleine prétention d'un haut niveau qualitatif, mais c'est surtout celle qui dans le même instant augure déjà de ses audaces futures et qui partant de là, étend aussi les contours de mon propre horizon musical (puisse-t-il être infini !). Une musique véritablement audacieuse et prétentieuse n'étanche pas ma soif, elle fait beaucoup plus que cela: elle l'avive. Et en cela, Soilwork est devenu très ambitieux.
« De la libération à l'ascension » est la clé de voûte de A Whisp of the Atlantic. Et ce concept n'est pas simplement lyrique, il est porté à un niveau « organique ». Car la notion touche l'ensemble des composantes en présence : la matière philosophique composant bien entendu la lettre de A Whisp of the Atlantic et sur laquelle notre réflexion est appelée (une vision dégagée de codas de genres, ne se posant pas comme une réponse, justement, mais comme une porte ouverte vers bien d'avantage) ; mais encore toute l'architecture sonore de la composition, les registres musicaux explorés, l'amplitude atteinte, en écho à cette lettre, oui, mais pas uniquement. Car Soilwork n'est plus un groupe cerclé à une étiquette proprement détourée (et disons le franchement, honteusement réductrice) et l'illustre une nouvelle fois pour ceux qui y étaient restés sourds. Le champ des possibles est ici exprimé, la position du groupe elle-même est réaffirmée, le dépassement est plus que visé. Aussi, une certaine conception de la créativité et de l'inspiration se perçoit derrière cette très puissante offrande. Et l'on ira pousser le vice jusqu'à observer la manière dont la musique s'offre à nous, sur une échelle de temps, de médias qui permet encore à Soilwork de jouer sur nos perceptions et de les faire se mouvoir de façon très intéressante. Nos propres attentes concernant le groupe se trouvent modifiées, notre soif aiguisée.
Les thèmes que l'on sait être chers à David Andersson font le cœur de son écriture tant musicale que lyrique. Mais une fois encore, est-ce besoin de le préciser, cette écriture est si adroitement et délicatement conduite que chacun trouvera la pleine liberté d'injecter ce qu'il souhaite dans les élégantes métaphores et les sonorités léchées : qui un tourment d'amour, qui une quête de sens, qui une vision onirique le détachant du trivial, qui cet espoir indescriptible, qui les mots qu'il n'a jamais su/pu partager... La musique de Soilwork est en effet pleinement ouverte, elle se pose comme une couleur dont nous avons la liberté de choisir la nuance qui nous semblera la plus proche de nos propres perceptions, affinités, émotions, réflexions. Il est donc aisé - d'un certain point de vue - de s'en saisir pour soi et de s'y plonger à corps non défendant pour y découvrir avec bonheur ce que l'on veut y découvrir. Soilwork étant d'une lecture passionnante pour qui prend effectivement le temps de vraiment s'y pencher.
Néanmoins, nous sommes invités sur un certain chemin. Une vague est dessinée sous nos yeux et nous partons de cet élément fondamental qu'est l'eau pour explorer différentes strates de réflexion à la fois très personnelles et universelles, tendant vers un dépassement des logiques usées gouvernant notre vieux monde. Et si la composition s'inscrit partiellement dans le contexte particulier de la crise sanitaire que nous traversons, elle dépasse amplement cet état de fait, ce qui la rend encore plus touchante et captivante. Car on ne peut circonscrire de manière stricte les notions portées ici : la fièvre de "Feverish", le sentiment d'urgence de "Desperado", le déterminisme de "Death Diviner", le questionnement de "The Nothingness and the Devil" et la spiritualité de "A Whisp of the Atlantic". Des émotions et des aspirations que nous connaissons tous. Que trop bien. Ce qui est d'autant plus saisissant, c'est l'invite qui nous est faite de casser les codas, et ce jusqu'au prisme que nous pouvons utiliser pour ce faire : « si nous venions de l'Atlantide, quel regard porterions nous sur ce monde ? », adopter un regard extérieur pour contempler notre propre univers. Une idée lourde de sens puisque oui, nous avons tous en nous cette conscience plus ou moins fine d'être « extérieurs ».
Je n'entrerai cependant pas dans l'entier détail de chaque morceau d'un point de vue conceptuel : d'une part ma propre perception de l'ensemble est empreinte de bien trop de subjectivité pour une chronique musicale et l'édifice est justement conçu et architecturé pour laisser place à la pleine sensibilité de chacun. D'autre part, je ne saurais non plus prétendre décrire l'intention propre de l'auteur dont je sais cependant que le foisonnement d'idées et l'énergie portés dans chacune de ses compositions sont tout à fait remarquables et constituent l'un des plus beaux gages de l'authenticité de la musique de Soilwork. Je ne peux que vous inviter à pleinement vous immerger dans toutes ces possibilités philosophiques, oniriques et romantiques qui s'offrent à vous. Un exercice rendu des plus plaisants lorsqu'il est guidé par une aussi belle musique et non par quelque orateur pompeux au style douloureusement galvaudé.
Organique donc et à tous les niveaux, je l'ai dit. Ainsi, le maillage est ici simplement superbe. Et l'on ne peut que se réjouir à nouveau du line-up en présence, car il apparaît que l'alchimie opère toujours aussi bien au sein de Soilwork, chaque élément se posant ici à merveille. À titre personnel, je mettrais en lumière deux choses tout particulièrement : tout d'abord, le style de Bastian Thusgaard qui, sous ses airs éternellement décontractés, voire audacieusement nonchalants, donne des baguettes et du pied avec justesse, réalisant ce fin alliage de délicatesse et de frénésie qui donne tout son sens à chaque pulsation. Efficacité de la section rythmique ne signifiant pas agression sonore, mais opportunité du propos - c'est chez Soilwork, une chose parfaitement maîtrisée, quoi qu'en disent les amateurs de déferlantes gratuites. Et d'autre part, le splendide duo que forment David Andersson et Björn Strid au niveau de la portée lyrique et qui n'a, à ce jour, que peu d'égal. Car chaque mot est ici conduit à un niveau d'expression d'une éloquence sans faille. La voix de Björn Strid ne serait pas aussi bouleversante sans cette maîtrise de l'émotion que tout deux parviennent à lier dans cette alchimie d'exception qu'il m’apparaît important de souligner très spécialement. Mais les compositions de cet album fourmillent de multiples démonstrations du savoir faire de chaque membre de la formation. N'en déplaisent aux contempteurs, les claviers ont également la part belle : non seulement leurs nappes donnent de la profondeur de champ de manière absolument saisissante, mais elles sont surtout le tissu sur lequel se brodent toutes ces atmosphères fantastiques et où toute l'éloquence des guitares gagne en impact, la corde sensible n'étant en effet pas à la seule main, justement, des cordes. La musique demeure certes ici composée sur une base de riffs de guitare, bien entendu, et il serait difficile de ne pas se laisser pleinement griser par ces incisions précises, ces envolées et ces soli, tantôt douloureusement mélancoliques, tantôt féroces, mais toujours superbes, illuminant ou assombrissant le propos à l'envi. Cependant, jamais les guitares, même si reines ici, n'écrasent la composition par un surcroît de présence. Un simple exemple : le solo de "Death Diviner", point d'orgue du titre mais cependant bref alors qu'il aurait pu sans peine s'étirer davantage. Non, l'équilibre est ici atteint, tant et si bien que les nouveaux apports s'inscrivent eux-aussi dans la composition avec un naturel confondant, œuvrant à leur tour pour élargir encore la palette de Soilwork. Ainsi, comment occulter le bugle de Johan Holmberg sur "A Whisp of the Atlantic" qui nous plonge soudain dans l'atmosphère tendre d'un jazz intimiste ? Et comment, comment ne pas être ému par le délicat violon de Rachel Hall, souligné par le violoncelle de Hanna Carlsson, sur ce motif à ce point bouleversant qu'il en est devenu l'une des clés sonores émotionnelles de "Feverish" ? Encore, sa présence discrète dans "Desperado" ? À titre personnel, je ne me lasse jamais de la résonance dévastatrice de ses merveilleux coups d'archets. Mais il y aurait tant à dire
Au niveau du format, hormis l’estampille du label, il me semble que nous avons davantage à faire à un bel OVNI qu'à un EP à proprement parler. Et ce à plus d'un titre, qu'il s'agisse de qualité, de densité et de mode de diffusion. Cinq titres composent cet ensemble. Nous connaissons déjà trois d'entre eux sous le nom de la Feverish Trinity, enrichie désormais de deux nouveaux morceaux : "The Nothingness and the Devil" et "A Whisp of the Atlantic". Alors, pourquoi faire glose de cette sortie qui finalement n'offre que deux titres inédits ? Déjà, parce que l'ensemble se perçoit désormais sous un nouvel angle d'attaque. Et d'autre part, parce que les deux morceaux en question sont très loin d'être des anecdotes dans un parcours musical digne de ce nom. Il n'y a effectivement rien d'original à placer sur un support physique trois singles préexistants et de leur additionner un nouvel apport pour les rendre à nouveau attractifs. Sauf que, ce qui rend la chose intéressante aujourd'hui, c'est que le concept développé ouvre bel et bien une lecture plus riche de sens, plus ample, de ces trois morceaux. Et ce nouvel ancrage est original. Il ne s'agit pas de recycler, mais d'éclairer. Soilwork réussissant ici le tour de force de faire se mouvoir notre perception initiale de "Feverish", "Desperado" et "Death Diviner", de raviver notre soif de nous saisir des ces trois occurrences déjà connues et que nous prétendions de fait maîtriser suffisamment pour passer à tout autre chose. Tout en répondant au passage à une attente réelle d'une audience avide de support physique (oui, il y a encore des gens qui aiment collectionner les vinyles et ne se contentent pas de Youtube !).
Le travail vidéo et graphique qui accompagne A Whisp of the Atlantic ne permet pas non plus de catégoriser l'ensemble sous une étiquette aussi basique que celle d'« EP ». Chaque morceau est en effet ici accompagné d'un clip vidéo. Nous avons découvert progressivement le court métrage en trois partie qui illustre la Feverish Trinity. "A Whisp of the Atlantic" et "The Nothingness and the Devil" ne font pas exception. À ce titre, je salue, une fois encore, les superbes réalisations de Bravo & Bravo films. J'ai pu lire à ce propos bien des critiques tant élogieuses que fort négatives sur le style adopté pour illustrer la musique de Soilwork. Les choix opérés sous la direction de Rene U Valdes et sous la patte de Daniel Bäckström sont à mes yeux tout à fait éloquents, et je ne me lasse pas d’admirer la portée du champ visuel ici mis en exergue. J'ai dit plus haut que le concept était ample, organique, l'image offre donc elle aussi sa propre vision de cet album, une vision qui, là encore, n'est jamais figée. La réalisation cinématographique qui illustre avec bonheur la musique participe donc autant à l'originalité de ce A Whisp of the Atlantic. Et le champ visuel s'étend encore au graphisme, puisque Giorgia Carteri, une fois encore, a composé ici un superbe artwork qui lui aussi, découvre un univers onirique dans lequel vous avez le loisir de puiser inspiration pour accompagner votre écoute et porter plus loin votre propre imaginaire.
Mais le plus inspirant, et le plus complexe aussi ici dans cet effort de chroniqueuse à la langue trop pendue, c'est bien de tenter de retranscrire pleinement ce que sont les deux nouvelles créations de Soilwork, les marqueurs de l'instant. "The Nothingness and the Devil" tout d'abord. Lorsque vous écouterez ce morceau pour la première fois, il est probable que vous ne soyez absolument pas surpris. Que vous vous disiez : parfait, du Soilwork, du « vrai. » Et vous aurez amplement raison. Car les primes attaques sont bel et bien de cette patte que vous attendez. Mais vous aurez aussi tort. Et pas uniquement parce qu'arrivée aux deux tiers du parcours, une partie instrumentale, belle comme un crépuscule, viendra vous cueillir comme jamais vous ne l'attendiez sur un morceau de Soilwork. L'écoute initiale ne vous fera pas forcément saisir d'emblée ce qui se passe à ce moment précis. Il est même possible que vous n'aimiez pas du tout ce nouvel élément, quitte à le comparer à un autre groupe dont vous n'aimez pas nécessairement voir les incursions ici. Mais l'identité est différente, n'en doutez pas. C'est lorsque vous relancerez la piste, lorsque vous monterez le son avec l'intention de tirer la pleine puissance de cette première partie, que vous vous rendrez compte que la puissance ne tient pas qu'à cette simple notion de volume, de virulence des percussions, de gravité du timbre ou de vrombissement des guitares (tout à fait efficaces au demeurant). Vous percevrez les détails, la justesse des arrangements, la place précise de chaque musicien, l'élégance des lyrics, et cette densité très particulière qui se fera jour dans vos esgourdes. "The Nothingness and the Devil" est effectivement un concentré de puissance, mais de puissance émotionnelle et sa composition est beaucoup plus raffinée que ce qui se laisse percevoir de prime abord. Une injection d'adrénaline initiale, oui, portant une émotion farouche et dévorante, oui encore une fois. Et vous vous en gaverez de cette adrénaline, lui réservant toute votre attention de manière presque exclusive, parce qu'elle répond à cette soif immédiate : plus brute, directe, percutante. Et puis à un moment, un changement s'opèrera. Et vous serez à même d’accueillir enfin cette partie instrumentale qui magnifie le propos de la plus belle manière qui soit : la contemplation d'un instant de pureté extatique, douce, délicate, mélancolique. Et le contraste entre ces deux instants deviendra alors le cœur battant de ce titre, le rendant véritablement féroce dans votre esprit, lui donnant sa véritable couleur. Et sans vous en rendre compte, vous aurez pleinement pénétré le concept de cet album. Car le titre synthétise votre voyage musical et philosophique.
Et puis, il y "A Whisp of the Atlantic". Point d'orgue de cette offrande et qui est présenté ce jour comme le morceau le plus audacieux et le plus prétentieux que Soilwork ait jamais composé. Et c'est là chose vraie, à plus d'un titre. J'avoue, je fais partie de ceux qui ont été emportés par la vague. Ici, nous sommes invités à plonger dans l'élément fondamental : l'eau. Et au risque de sombrer dans le cliché, je vais admettre que c'est effectivement l'image qui m'est venue spontanément à l'esprit lors de ma première écoute de ce morceau tout à fait exceptionnel. Une image dont j'use cependant très rarement pour constituer la métaphore de ce que m'inspire une musique. Et pour cause, c'est une émotion très rare et très particulière. Ceux qui plongent effectivement dans l'eau, non pas pour le plaisir de nager, de flotter, et de jouer les sirènes, mais ceux qui se mettent en situation d'apnée en quête de cet étrange et sublime silence qui ne se trouve que dans les profondeurs, ceux qui cherchent la fine frontière entre les deux mondes, et cet instant à la limite de l'étouffement où l'esprit se choisit soudain une image ou un son unique qu'il va sublimer une fraction de seconde, quelque chose qui échappe à l'entendement, une chose simplement pure, saisiront peut-être la portée de cette pensée. C'est un instant et un état hors cadre dont on se grise aisément une fois qu'on le connaît, peut-être l'un des seuls états « artificiellement recréé » où les choses vous échappent et en même temps vous appartiennent totalement. Et je suis émue qu'une musique parvienne à le recréer un instant. Aussi fugace soit-il.
Ce ne sont pas seulement les sonorités initiales qui nous plongent dans cet élément dit fondamental. Oui, l’architecture de cet épique instant convoque les mouvements tantôt calmes, tantôt emportés des flots qui gonflent, roulent et s'écrasent. Oui, il y a cette alchimie de genres, là encore, poussée de manière inédite chez Soilwork, au gré de ces incursions d'instruments nouveaux, ce piano délicat ou encore ce bugle qui tisse un jazz à ce point inattendu, ici et maintenant. Inattendu sur le papier seulement. Car le morceau est à ce point merveilleusement construit et tout y est si savamment conduit que tout, absolument tout se se laisse découvrir de manière à ce point logique, tout apparaît à nos oreilles aussi naturellement que toute la palette des couleurs de l'océan apparaît naturelle à nos yeux, du gris perle au mauve orage, encore vert émeraude et enfin bleu azur. Oui, ce morceau est une audace de musique progressive dans tous les sens du terme et les musiciens de Soilwork s'y dépassent eux-mêmes, atteignant un rare niveau d'éloquence. Et ce n'est pas tant une question de durée, ces seize minutes et trente-et-une secondes qui peuvent surprendre, car en vérité c'est une donnée ridicule tant l'instant semble volé, tant il s'écoule avec rapidité et échappe à notre volonté de le retenir.
Il y a surtout dans ce morceau une richesse d'intention, dans l'écriture elle-même qui, elle, ouvre sur bien plus. On touche véritablement à l'essentiel. C'est un univers à part qui est ici tissé. Dans le verbe, qui s'offre bouleversant comme jamais (mes propres mots semblent avoir été dévorés tant les lyrics m'émeuvent tout particulièrement ici). Dans cette dextérité sonore brosse à la perfection ce quelque chose d'abstrait, de secret, d'intime, de vrai et de féroce tout à la fois... qu'il est rare de trouver, même dans le monde si particulier de la musique et qu'il est encore plus rare de voir tissé de manière aussi sensible, au point de pouvoir presque imaginer le toucher, enfin. C'est cette richesse exquise qui est audacieuse. C'est cette matière texturée à la fois d'émerveillement et d'une profonde mélancolie, de puissance et de contemplation, formant un équilibre délicat si émouvant, qui avive la soif et qui dans le même temps emplit l'esprit d'un sentiment paradoxal si proche de l'extase tant recherchée.
Le mot « prétention » en musique est une belle vertu, à la différence de celui dont on use dans la vie de tous les jours, car la prétention d'un musicien est de susciter notre émotion et d'aviver notre appétit pour sa création. La prétention de Soilwork est plus qu'atteinte, ici et maintenant. A Whisp of Atlantic est un instant de pure grâce. Et il porte en lui bien plus que les mots ne peuvent décrire. Temps et mots me manqueront toujours. Je suis impressionnée et émue de cette offrande inspirée, de cette pépite qui porte en elle tant d'audaces et le germe de tant de possibilités encore. De celles qui attisent effectivement cette soif continue et merveilleusement inspirante, tournée vers les découvertes riches de sens. Et je souhaite que chacun qui s'en saisisse sache en apprécier pleinement la portée.
Un commentaire ? Un avis ? C'est ici.
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What keeps me alive? Creativity. »
Any music lover knows perfectly well that the gem discovered one day will never have the same fresh magnificence again in their eyes filled with subjectivity, after the exploration of the thousand and one universes that will gradually open up to their senses and as time goes by and as they continue to seek to unleash - elsewhere - his appetite constantly spurred on by moving passions. As well as for true hunger and true thirst, he knows that this devoring appetite is also condemned to be inextinguishable. Music is thus the art of which we are never satisfied, which sharpens our senses and excites our desires by its absolutely fantastic vitality, and the whirlwind of possible emotions within it is truly enough to turn unstable and voluble the most faithful and possessive lover. No, the gem of a day never stay bright. And no, none will ever be enough. Not even the sum of them all. And that's what makes this art so alive: the listener's thirst and the musician's ambition to quench it form a virtuous circle of expectations/responses that never breaks and takes creativity to an ever more interesting and stimulating level. Music has something of ballet of lovers who are constantly striving to reach full fascination without knowing the end point. More broadly, it is a delicate metaphor for that vital quest for meaning that we know to be doomed as for ever unfulfilled. We only capture exquisite moments of contemplation that then propel the mind and senses ever further.
Pale contentment is the antinomy of creativity. I concede, as reviewer I finally give way to my full subjectivity, music being the material that inspires me par excellence. And I like to discover compositions that renew my way of thinking and I have to greet them in these terms. It concern music that meets my definition of this beautiful word: « ambition ». For me, music that is adorned with ambition is voluntarily part of this circle of virtues. It does not offer itself as a well-defined goal, a finished thing. It is not about forcing one's gaze to focus on a claimed perfection at time T, imposing itself as a (necessarily fake) response. Sure, truly ambitious music has the full claim of a high level of quality, but above all already augurs for its future audacities and from there, it also streches the contours of my own musical horizon (may it be infinite!). Truly audacious and pretentious music does not quench my thirst, it does much more than that: it sharpen it. And in this, Soilwork has become very ambitious.
« From Liberation to Ascension » may be the keystone of A Whisp of the Atlantic. And this concept is not just lyrical, it is taken to an « organic » level. For all components are impacted : obviously the philosophical material composing the letter of A Whisp of the Atlantic and on which our reflection is called (a vision free of codas of genres, not as an answer, precisely, but as an open door to much more); but also the entire sound structure, the musical registers explored, the amplitude reached, and not only echoing the letter. For Soilwork is no longer a band bound to a genre - let's say it frankly: shamefully reductive - and they perfectly demonstrate it once again for those who had remained deaf to it. Here they express a wide range of possibilities while reaffirming the band's position and surpassing themselves. One can percieve a new dimension for creativity and inspiration is also perceptible behind this very powerful offering. And we can go even more further, by observing the way in which music offers itself to us, the time scale and the type of media that allows Soilwork to play also with our perceptions and make them move in a very interesting way. Our own expectations of the band are modified and our thirst is sharpened.
The themes known to be dear to David Andersson are at the heart of his writings, both musical and lyrical. But once again, needless to say, it is so skillfully and delicately conducted that everyone will feel free to inject what they wish into the elegant metaphors and polished sounds: a torment of love, a quest for meaning, a dreamlike vision detaching one from the triviality of daylife, this indescribable hope, the words one has never been able to share... Soilwork's music is indeed fully open, it is like a colour of which we have the freedom to choose the shade that seems closest to our own perceptions, affinities, emotions, reflections. It is therefore easy to grasp it and to willingly plunge into it with a non-defensive body in order to happily discover what one wants to discover there. Soilwork is a fascinating "reading" for anyone who takes time to really dive into it.
Of course, we are nevertheless invited on a certain path. A wave is drawn before our eyes and we start from the fundamental element that is water to explore different layers of reflection that are both very personal and universal, tending towards a surpassing of the worn-out logics governing our old world. And if the composition is partially inscribed in the particular context of the pandemic crisis we are going through, it goes far beyond this state of affairs, which makes it even more touching and captivating. For one cannot circumscribe in a limited way notions such as the fever of "Feverish", the sense of urgency of "Desperado", the determinism of "Death Diviner", the questioning of "The Nothingness and the Devil" and the spirituality of "A Whisp of the Atlantic". Emotions and aspirations that we all know. All too well. What is all the more striking is the different ways offered to break codas, like the prism we can use to do so: « If you came from a different realm, like Atlantis, how would you experience our world? » We are invited to adopt an external gaze to contemplate our own universe. A meaningfull idea, as we all have within us this more or less fine consciousness of being « outsider ».
However, I would not go into the full detail of each piece from a conceptual point of view: on one hand, my own perception of the whole piece gives way to far too much subjectivity for a musical review, and on the other hand, it is precisely composed and architected to make room for the full sensibility of each individual. Additionally, I cannot pretend to describe the author's own intention, although I know that the abundance of ideas and energy injected in each of his compositions is quite remarkable and is one of the most beautiful guarantees of the authenticity of Soilwork's music. I can only invite you to immerse yourself fully in all the philosophical, dreamlike and romantic possibilities that are open to you. An most enjoyable exercice when guided by such beautiful music and not some pompous orator with a painfully overused style.
So organic and at all levels. Thus, the network here is simply superb. One can pay compliment once again to the line-up, as it appears that the alchemy really still works as well within Soilwork. Every single element here perfectly fit. On a personal note, I would highlight two elements especially: first of all, Bastian Thusgaard's style which, beneath its eternally relaxed, even boldly nonchalant airs, lays his sticks with accuracy, achieving that fine blend of delicacy and frenzy that gives full meaning to every pulse. The efficiency of the rhythm section does not mean sonic aggression, but the timeliness of the subject. And with Soilwork, this is something that is perfectly mastered, no matter what the fans of wanton breakers say. And on the other hand, the splendid duet of David Andersson and Björn Strid in terms of the lyrical scope, which to this day has few equals. For every word here is led to a level of expression of flawless eloquence. Björn Strid's voice would not be as overwhelming without the mastery of emotion that both of them manage to link in this exceptional alchemy that is important to underline here.
But each song here is full of multiple demonstrations of the know-how of each member of the band. No displease to the detractors, the keyboards also have the beautiful part: not only do their layers give depth of field in an absolutely striking way, but they are above all the web on which all these fantastic atmospheres are embroidered. The music here is composed on the basis of guitar riffs, of course, and it would be difficult not to be completely exhilarated by these precise incisions and fantastics take-off and beautiful soli, sometimes so terribly melancholics, and sometimes so fierce, but always superb, illuminating or darkening the subject at will. However, guitars never overwhelm the composition with an extra presence. A simple example: the solo of "Death Diviner", the high point of the title but nevertheless short when it could have easily been stretched as will. No, the balance is reached here. To such an extend that the new additions are also part of the composition with a confounding naturalness, working in turn to extend Soilwork's palette even further. So how can we hide Johan Holmberg's flugelhorn on A Whisp of the Atlantic that suddenly plunges us into the tender atmosphere of an intimate jazz? And how, how not to be moved by Rachel Hall's delicate violin, underlined by Hanna Carlsson's cello, this motif so overwhelming that it has become one of the emotional sonic keys of "Feverish"? Again, its discreet presence in "Desperado"? Personally, I never tire of the shattering resonance of her marvellous bow strokes. But there would be so much to say
Concerning the format, apart from the stamp of the label, it seems to me that we have more to do with a beautiful UFO than with an EP stricto sensu. In several ways, whether it's a question of quality, density or distribution mode. Five tracks make up this album. We already know three of them under the name of the Feverish Trinity, now enriched with two new tracks: "The Nothingness and the Devil" and "A Whisp of the Atlantic". So, why emphasize this release which finally offers only two really new tracks? First of all, because the whole can now be seen from a new angle. And secondly, because the two tracks in question are far from being anecdotes in a musical journey worthy of the name. Sure, there isn't anything original about realasing three pre-existing singles on a physical medium and adding a new materials to make them attractive again. What makes the thing interesting today is that the concept developed here does indeed offer a new anchorage and a new reading, richer in meaning, more ample, and this is original. It is not about recycling, but enlighting. Soilwork succeeds here in modulating our initial perception of "Feverich", "Desperado" and "Death Diviner", to rekindle our thirst to grasp these three already known tracks that we pretended to master enough to move on to something else. While answering at the same time to a real expectation of an audience eager for physical support (yes, there are still people who like to collect vinyls and aren't satisfied with youtube!).
Also, the visual work that accompanies A Whisp of the Atlantic does not allow to categorised it under such a basic EP stamp. Indeed, each track is here accompanied by a video clip. We gradually discovered the short film in three parts that illustrates the Feverish Trinity. "A Whisp of the Atlantic" and "The Nothingness and the Devil" made no exception. As such, I salute, once again, the superb achievements of bravobravo films. I have read many comments, both positive and negative, about the style adopted to illustrate Soilworks music. The choices made under the direction of Rene U Valdes and throught the lens of Daniel Bäckström speak for themselves, and I never tire of admiring the scope of the visual field highlighted here. I said earlier that the concept is broad, organic, so the picture also offers its own vision of this EP, a vision that, here again, is never fixed. The cinematographic realization that happily illustrates the music thus participates as much in the originality of this A Whisp of the Atlantic. And the visual field extends to the graphics, since Giorgia Carteri, once again, composed a superb artwork, which also discovers an oniric universe from which you can draw inspiration to accompany your listening and take your own imagination further.
But the most inspiring, and also the most complex here in this effort of a too hung-tongued reviewer, is to try to fully transcribe what are the two new creations of Soilwork, the markers of the instant. "The Nothingness and the Devil" first of all. When you're going to listen to this piece for the first time, you won't probably be surprised at all: « perfect, Soilwork, the 'real thing' » . And you'll be right. Because the firsts attacks are indeed from that paw you've been waiting for. But you'll also be wrong. And not only because, at the end of two thirds of the route, an instrumental part, as beautiful as a twilight, will come and pick you up as you never expected on a piece of Soilwork. The prime listening will not necessarily make you immediately grasp what is happening at that particular moment. You may even dislike this new element at all, and perhaps compare it to another band whose forays you may not like to see here. But the identity is different, don't doubt it. It's when you ll relaunch the track, when you ll turn the sound up in order to get the full power out of this first part, that you'll realize that the power doesn't only come from this simple notion of volume, virulence of the percussions, gravity of the timbre or roar ing guitars (which are quite effective). You will perceive the details, the accuracy of the arrangements, the precise place of each musician, the elegance of the lyrics, and that very particular density in your ears. "The Nothingness and the Devil" is indeed a concentrate of power, but of emotional power, and its composition is much more refined than what you can perceive at first listening. An initial injection of adrenaline, yes, carrying a fierce and devouring emotion, yes again. And you will gorge yourself on this adrenaline, reserving all your attention almost exclusively for it, because it responds to this immediate thirst: more raw, direct, punchy. And then, at some point, a change will occur. And you will finally be able to welcome this instrumental part which magnifies the purpose in the most beautiful way: the contemplation of an ecstatic, soft, delicate, melancholic moment of purity. And the contrast between these two moments will then become the beating heart of this track, making it truly fierce in your mind, giving it its true colour. And without realizing it, you will have fully penetrated the concept of this album. For the title synthesises your musical and philosophical journey.
And then there is "A Whisp of the Atlantic". Culmination of this offering and presented today as the most audacious and pretentious piece Soilwork has ever composed. And that is true from all points of view. I confess, I'm one of those who has been swept away by the wave. Here, we are invited to dive into the fundamental element: water. And I risk the cliché: I'll admit that this is indeed the picture that spontaneously came to my mind when I first listened to this quite exceptional track. A picture that I very rarely use, however, as a metaphor for what music inspires me. And with good reason, it is a very rare and very special emotion. Those who actually dive into the water, not for the pleasure of swimming, floating, and playing sirens, but those who put themselves in a situation of apnea in search of that strange and sublime Silence that is only found in the depths, those who seek the fine line between the two worlds, and that moment on the verge of suffocation when the mind suddenly chooses a unique image or sound that it will sublimate for a fraction of a second, something that escapes comprehension, something simply pure, will perhaps grasp the significance of this thought. It's an instant and an out-of-frame state that you easily get drunk once you know it, perhaps one of the only « artificially recreated » states where things escape you and at the same time belong to you completely. And I am moved that music manages to recreate it for a moment. However fleeting it may be.
It is not only the initial sounds that plunge us into this fundamental element. Yes, the architecture of this epic moment summons the movements calm or frenetic of the waves that inflate, roll up, and crash. Yes, there is this alchemy of genres, here again, pushed forward in a way never before seen in Soilwork's music, through the incursions of new instruments, this delicate piano or even this flugelhorn that weaves a jazz that is so unexpected, here and now. Unexpected on paper only. For the piece is so wonderfully constructed and everything is so skilfully conducted there that everything, absolutely everything, can be discovered in such a logical way, everything appears to our ears as naturally as the whole palette of colours of the ocean appears natural to our eyes, from pearl grey to storm purple, still emerald green and finally azure blue. Yes, this piece is a daring progressive music in every sense of the word and the musicians of Soilwork surpass themselves here, reaching a rare level of eloquence. And it's not a question of duration, these 16m31 which may surprise. In truth it's a ridiculous fact, because the moment seems to be stolen so quickly and escapes our will to hold it back.
Above all in this piece there is a richness of intention, in the composition itself, which opens onto so much more. It really touches on the essential. It is a world apart that is woven here. In the verb, which is as shattering more than ever (my own words seem to have been devoured so much the lyrics particularly move me here). In the dexterity of music that brushes to perfection something abstract, secret, intimate, true and ferocious all at the same time... something that is rare to find, even in the very particular world of music, and even rarer to see woven in such a sensitive way, to the point of almost being able to imagine touch it, at last. It is this exquisite richness that is daring. It is this material, woven of both wonder and deep melancholy, of strength and contemplation, forming a delicate balance so overwhelming, that arouses thirst and at the same time fills the mind with a paradoxical feeling, so close to the ecstasy so much sought-after.
The word pretention in music is a beautiful virtue, unlike the one we use in everyday life, because a musician's pretension is to arouse our emotion and sharpen our appetite for his creation. Soilwork's claim is more than achieved, here and now. A Whisp of Atlantic is a moment of pure grace that carries within it more than words can describe. I will always lack time and words. I am impressed and moved by this inspired offering, a true gem that carries within it so much audacity and the source of so many more possibilities. Of those who actually exhilarate this continuous and wonderfully inspiring thirst for meaningful discoveries. And I hope that everyone who grasps it will be able to fully appreciate its significance.