Revenge….mais sur quoi donc Vitalij peut-il bien prendre sa revanche ? A en croire le titre des chansons de cet album, la réponse doit être l’Amour (oui, oui, avec un grand A, comme celui qu’on voit dans les films ou dans Plus Belle La Vie). Kuprij est donc bien un vrai Artiste (là aussi avec un grand A), du genre de ceux qui expriment leurs peines dans leur art, faisant profiter au monde entier d’une rupture avec son/sa chérie, du décès de son chien ou du soudain déclin du CAC 40. Un album dans lequel, forcément, on a tous envie de se reconnaître.
Eh oui : vous l’avez deviné, nous sommes en présence d’un album concept – ou plutôt, d’un album thématique. Et qui plus est, avec tout un tas de chanteurs qui viennent donner de la voix sur les compositions du maître Ukrainien. Kuprij déroge donc cette fois à ses habituels albums instrumentaux en ajoutant du chant, exercice qui toutefois est loin de lui être inconnu, puisque le sieur joue et compose (ou a composé) avec Artension et Ring Of Fire, groupes « traditionnels » à chanteur. C’est donc entouré d’une petite kyrielle de chanteurs que Kuprij a composé ce Revenge, de la même façon qu’il avait enregistré Forward & Beyond avec une tripotée de gratteux. Là, à la six-cordes, c’est Michael Harris qui se charge de tout, ce même Harris qui suivra Vitalij sur son opus instrumental suivant, Glacial Inferno.
Même si la guitare joue un rôle moindre sur Revenge que sur ses autres productions instrumentales, elle a tout de même un rôle prépondérant dans l’accroche des titres – comme dans tout groupe de heavy/speed qui se respecte. On retrouvera ici la patte de Kuprij dans l’attaque des claviers (les intros de "Burning My Soul" ou de "Revenge", soooo Kuprij dans le style) et dans les progressions harmoniques, l’ajout du chant n’étant pas en soi déstabilisant. Toutefois, on sent d’une certaine manière que Kuprij semble se brider un peu pour proposer des constructions plus traditionnelles avec refrains, couplets et parties solo, et laisse d’autant la place pour la voix de se poser, le clavier passant alors en second plan. L’intention de bien faire est là, reste à voir si le but est atteint.
On l’a dit dans l’introduction, Kuprij semble vouloir assécher une peine de cœur en l’exprimant en musique, ce qu’ont fait déjà des quintillions de musiciens avant lui. Et de fait, on retrouve une certaine mièvrerie dans les paroles et la musique, Kuprij oubliant soigneusement de faire preuve d’originalité dans l’approche, en nommant ses titres "I Don’t Believe In Love" ou "Follow Your Heart", c’est dire si on se croirait presque sur le blog de Cindy, 16 ans, « oué l’amour cé tr0 nul lé mek cé tous des naz sof Kevin lol mdr ». Mais, allez : finalement, on se focalisera plus sur la musique, et là le constat est en demi-teinte, l’album se divisant clairement entre ses bons (voire très bons) titres, et les autres, vachement moins bons.
Au rayon des chouettes titres, il y a les plus heavy comme "Into The Void", "I Don’t Belive In Love" ou encore "Revenge". Rapides et bien construits, aux thématiques harmoniques efficaces, ce genre de titres s’avère assez savoureux, et la présence de lignes vocales parfois très sympathiques (l’intro vocale de "I Don’t Believe In Love" et son piano ou le refrain de "Into The Void") plaident largement en faveur de l’album. Malheureusement, il s’agit aussi d’évoquer les titres moins efficaces ("Just Another Day" et l’horripilante voix geignarde de Goran Edman ou "Stand Up And Fight", qui malgré une intro efficace se révèle toute médiocre), et surtout les ratés de l’album (le sombre "Emperor’s Will" et sa lourdeur foirée ou "Let The Future Unfold", qui reprend le thème d’une nocturne de Chopin sans grande conviction).
On passera également sur la Sonate de Haydn, exercice auquel Kuprij est rompu et sur l’instrumental "Classic War" qui, malgré ses qualités, aurait pu se montrer un poil plus audacieuse, pour dire quelques mots sur les chanteurs présents – pour la majorité issus de la sphère Malmsteenienne - tous très doués et réputés. On retiendra les très bonnes performances de Doogie White et d’Apollo Papathanasio, et on jettera un caillou à Goran Edman qu’on a connu en bien meilleure forme sur (par exemple) le Fire & Ice de Malmsteen. Mais à part ça, pas de prise de risque, les tessitures des différents chanteurs étant à peu de choses près les mêmes et les timbres relativement proches malgré tout.
Un album de Kuprij très classique et lisse, donc. Efficace par endroit, médiocre en d’autres, Kuprij se révélant sans surprise vachement plus à l’aise dans l’approche instrumentale. La mièvrerie a toujours fait partie du bonhomme (même dans certains de ses morceaux instrumentaux en solo), et l’ajout d’une composante vocale ne fait que renforcer ce côté un peu cul-cul-la-praline qu’heureusement de bons moments musicaux viennent faire oublier.
NB : A noter que cet album ne fut jamais à l’heure actuelle pressé en Europe, mais qu’on le trouve en CD bonus avec l’album Glacial Inferno.