Ca y est, il est sorti... Vous le savez de toute façon: vous l’avez fêté en buvant en un soir ce qu’un haltérophile kazakh boit en un an. Ou alors, histoire d’être dans le coup et de faire comme les copains, vous avez sacrifié au pessimisme qui précède la sortie de tout album de groupe majeur, d’autant plus que le groupe qui nous intéresse aujourd’hui, vous l’avez cru mort et enterré pendant deux ans. Mais seulement voilà, Megadeth, Mustaine, tout ça, ça ne pouvait pas disparaître d’un coup, pas pour une sombre histoire de main gauche confondue avec un Epeda. Cà aurait été trop con, trop con de finir comme çà après avoir traversé les modes et les époques, les changements de line-up, les problèmes de drogue et de picole. Du coup, quand on y réfléchit, on se dit que c’est peut-être ce qui l’a motivé à reprendre la route du riff le gars Mustaine, à se persuader qu’il y avait encore des choses à dire et à composer. Et à donner un successeur à The World Needs A Hero. Petit aperçu subjectif d’un vieux fan.
Je dois avouer que la perspective de chroniquer ce qui devait être LA sortie majeure de cette fin d’année, l’évènement incontournable de la rentrée métal, me mettait mal à l’aise. J’l’ai pas été longtemps. A force de croiser des gens chez le disquaire qui claquaient d’une voix presque blasée: "Le nouveau Megadeth? J’sais même pas si je vais le télécharger… ", je me suis souvenu à quel point Megadeth n’était PAS, ou plutôt n’était PLUS, populaire. Difficile de leur en vouloir: à un Risk qui avait comme poignardé les die hards en plein cœur avait succédé un The World Needs A Hero fadasse, indigne de la grande époque de Rust In Peace dont il devait marquer le retour. Et voilà qu’après une année pleine de péripéties invraisemblables, où on apprenait tout au jour le jour de la convalescence de Mustaine, la nouvelle tombe qu’un album va sortir, et qu’il sera une évolution naturelle du vieux Rust In Peace. Ben voyons, on allait encore nous prendre pour des pommes?
Oui et non. C’est vrai que les bouts de singles en écoute sur le site officiel n’avaient rien de bien rassurants, "Kick The Chair" en tête. "Die Dead Enough" et "Blackmail The Universe" ne faisaient pas vraiment meilleur effet, il faut bien le dire. Et pourtant, il y a du bon là dedans, pas du grandiose non plus, mais rien qui puisse permettre de juger au bout d’une écoute. Et c’est précisément le problème: les gens se sont rués sur The System Has Failed comme des parisiens sur une plage de Provence. Je ne suis pas en train de dire que cet album a la profondeur d’une symphonie de Berlioz mais bon sang, il mérite quelques écoutes pour pouvoir être apprécié à sa juste valeur! Ce qui trouble, c’est ce sentiment de déjà-vu mêlé au passage en revue de tous les styles qui ont fait la carrière de Megadeth, vous savez, comme sur Cryptic Writings, avec du speed agressif par-ci, de la ballade aux arpèges angoissantes par-là. C’est un sentiment moins marquant que sur Cryptic Writings, mais qui demeure tout de même.
On a l’impression aussi que Mustaine, à défaut d’être formidablement original, a de surcroît un peu perdu de sa patte sur les solos et les breaks. Il n’y a plus ces parties de gratte, parfois simples, parfois écoeurantes techniquement, qui vous foutaient à genoux par terre, des frissons plein la nuque. Cet album est simple. Ses riffs sont simples, ses enchaînements sont simples, ses vocaux sont simples, sans la technicité et l’efficacité primaire des débuts, et sans le panache fédérateur des refrains pop de la fin. Ca peut vous paraître dur ce que je dis, c’est à l’appréciation de chacun de toute façon, mais sachez que je ne cherche pas ainsi à atténuer la valeur de The System Has Failed. C’est un fait, c’est tout. Je ne suis pas déçu de cet album, pas comme j’ai pu l’être avec The World Needs A Hero. Honnêtement, il est bon, agréable à écouter d’un bout à l’autre. Beaucoup diront qu’il manque de relief. Moi je dirais qu’il nous fait la grâce de morceaux de remplissage trèèèèèès chiants comme il y en avait sur Youthanasia et sur The World needs a Hero. Les fans l’achèteront je pense et ne s’en mordront pas les doigts, les autres passeront leur chemin et iront trouver chaussure à leur pied dans les nombreuses sorties de ce mois-ci.
Dites vous quand même bien une chose, si vous êtes encore sceptique: si on va pouvoir revoir Megadeth sur scène un jour, ce sera grâce à The System Has Failed. Ca, ça vaut tous les Rust In Peace du monde.