Rude Awakening est, à ce jour, le seul album live sorti par Megadeth. S’il n’y a pas là matière à se décrocher la mâchoire, vous reconnaîtrez que la chose n’est pas banale chez un groupe vieux de plus de 20 ans, qui a tout de même 11 albums studios dans la musette. 20 ans …nan mais franchement, c’est quand même pas les occasions qui ont manqué pendant tout ce temps-là, non ? Et pourtant, c’est un fait, Rude Awakening est le seul live officiel de la bande à Mustaine, ce dont on s’accommode très bien finalement puisque c’est un très très bon produit – vous me pardonnerez de dissiper ainsi le suspens, mais il est quand même sorti en 2002 – de ceux qui servent ensuite de mètre- étalon à toutes les productions du genre. Un peu comme l’ont fait en leur temps le Decade of Agression de Slayer ou le Live at the Fillmore de Testament, rien de moins.
Pour les fans de Megadeth, Rude Awakening aura toujours une saveur un peu particulière puisqu’il a été, pendant deux trèèès longues années, le legs posthume du groupe. Si je ne reviendrai pas sur les évènements qui ont précipité le split en 2002 – vous avez tous lu la presse spécialisée à l’époque – je préciserai toutefois que j’ai écarté sciemment la compile Still Alive … and Well pour l’attribution de ce statut, quand bien même elle est apparue quelques temps après Rude Awakening. C’est que cet étron sorti à la va-vite par Sanctuary – sous le choc pour le coup de perdre l’une de ses vaches à lait les plus prolifiques – ne mérite pas notre considération et doit d’être traité à l’aune de ce qu’il est vraiment : une ultime tentative d’exploiter le cadavre encore chaud d’un groupe légendaire.
Mais passons. Il y a dans ce live – pardon, ce double-live – de quoi réjouir les plus pingres ou les plus ignorants d’entre vous. Parce qu’on parle de pas moins de 24 morceaux, qui couvrent absolument toutes les périodes du groupe à l’exception notable de … de l’exception Risk. C’est dommage d’ailleurs. Je n’ai jamais compris la honte qui entourait cet album (quoique …) et à mon avis, une exécution bien sentie d' "Insomnia" ou de "Prince of Darkness" n’aurait pas trop dépareillé … Enfin c’est comme ça, il faudra se contenter du reste, c’est à dire du meilleur de ce qui est sorti du cerveau de Mustaine entre 1985 et 1997, puis en 2001 avec The World needs a Hero. Ca va, on devrait pouvoir faire avec.
D’ailleurs tiens, puisqu’on parle de The World needs a Hero, sachez que notre affaire commence du feu de Dieu avec le meilleur titre de l’album (les mauvaises langues dirons que ce n’est pas un exploit) : "Dread and the Fugitive Mind". Cette petite bombe concentre en quatre minutes et treize secondes toute la substantifique moelle qu’un métalleux lambda, et à fortiori un droogie, peut retirer d’un show de Megadeth : un déferlement de riffs et de solos proprement hallucinants, une capacité à exécuter sans complexe les passages les plus techniques (qui pullulent dans les vieux titres) et à rajouter par-ci par-là des p’tites notes, des p’tits larsen, pour se différencier juste ce qu'il faut des versions studio. Une interprétation complètement libérée en quelque sorte, d’un répertoire pléthorique et magnifié par un son … gros comme un camion.
Vous aimez la double pédale ? Je veux dire : vous aimez être terrassé – de votre plein gré – par des batteurs sous stéroïdes et des kits gonflés à bloc ? Si la réponse est oui, Rude Awakening est assurément le traitement qu’il faut vous faire administrer. Jimmy DeGrasso n’est certes pas aussi reconnu que ses p’tits camarades Lombardo et Benante en matière de double-pédale et de tabassage de fûts, mais le garçon se démène et bien servi qu’il est par un son époustouflant il redonne à des morceaux écoutés mille fois une patate qui fait plaisir à entendre. Assurément la plus grande réussite – et la plus belle surprise – de ce live! Al Pitrelli n’est pas en reste d’ailleurs, mais connaissant l’immense talent de ce guitariste très prisé en studio, il n’y a pas là matière à s’étonner.
Non l'autre surprise vient plutôt de Mustaine, qui manifestement a beaucoup progressé au chant. Son registre – que l’on qualifiera pudiquement de « particulier » - colle mieux que jamais à ses compositions même si certaines d’entre elles resteront à jamais dans le domaine de l’impossible pour lui (et donc du vraiment pénible pour l’auditeur), comme "Train of Consequences" ou "Devil’s Island". Si cela devait vous amener à tourner les talons, dites-vous que des gens comme Mireille Matthieu nous mettent au supplice depuis bien plus longtemps, la guitare en moins. Alors hein, bon … Dernier point, vous aurez l’immense privilège d’entendre le maître s’adresser au public de bienheureux à quelques reprises. C’est peu fréquent quand on voit la durée du show, mais vous ne manquerez pas d'apprécier cette petite pépite, vestige des temps où Dave haïssait – avec raison (personnelle) – l’autre groupe de thrash US dont le nom commence aussi par M.
« There are two ways you can hear this next song. There is our way, and there is their way. For those of you who think this is their way, this song is called “The Mechanix ».
Live pléthorique et plus que jouissif, Rude Awakening est assurément une belle affaire pour tous, que l’on soit d’ordinaire fan du groupe ou pas du tout. Préférez toutefois la version CD à son pendant DVD qui n’apporte pas grand-chose au show, très statique et vraiment desservi par la mauvaise qualité de l’image.