Marduk, on connaît la chanson. Dans les années 90, c'était le rendez-vous tous les dix-huit mois pour une ration de black brutal aux accents mélodiques et un peu mécaniques. La routine. Puis, courant années 2000, l'arrivée de Mortuus a changé la donne : du black brutal toujours aux accents mélodiques, mais soudainement le crade, l'organique et la folie étaient de retour. Pour le meilleur et pour la durée, ce nouveau couple du black metal en est donc à son cinquième enfant, l'air de rien.
N'oubliez pas d'ajouter Devo à la bande. Car le bassiste, s'il a su s'imposer dans le son du groupe, est aussi un élément très important : il a un studio. Et Marduk a donc tout loisir de prendre son temps pour s'enregistrer et se produire. Cela a des avantages évidents et n'est sûrement pas étranger à la réussite actuel des Suédois. Car il ne faut pas s'en cacher, cet énième album du dieu mésopotamien tape une nouvelle fois dans le mille. Mais ce n'est pas pour autant le même mille que ses prédécesseurs. Si Serpent Sermon voulait une sorte de retour à des choses plus directes et spontanées, avec Frontschwein, au passage le nom de l'album est celui que se donnaient les soldats Allemands au front lors de la deuxième guerre mondiale, on retrouve toute la fascination de Morgan pour cette période et ce peuple et on retourne à des variations de tempo plus marquées.
Bien sûr vous arguerez que "Frontschwein" chanson-titre se veut le pendant de "Serpent Sermon" chanson-titre itou. En première position, violente, mélodique et presque un refrain. Sauf que "Serpent Sermon" avait un vrai refrain entêtant, était bien plus efficace et allait plus loin dans la violence, tout ça à la fois. On ne répète pas indéfiniment un coup de génie. Pourtant "Frontshwein" ouvre impeccablement l'album et est diaboliquement efficace. Sauf que Marduk veut montrer qu'il est plus que ce groupe linéaire qu'il a pu être. "The Blond Beast" est un mid tempo bien lourd et détonne dès la deuxième piste. Et nous voilà avec ce qui est une sorte de credo de l'album : l'alternance entre tueries ultra blastées aux riffs typiques de Morgan, agressifs et mélodiques, et titres plus lourds qui ont parsemé la carrière de la troupe noire. Et il faut avouer que c'est plutôt bien fait.
Dans les trouvailles, notons au passage le riff absolument dantesque de "Rope of Regret". Il s'étend sur les temps et semble ne jamais devoir s'arrêter. Un va-et-vient incessant qui emporte le cerveau et fait se dire que décidément, Morgan a encore beaucoup de choses à dire, même si on peut lui reprocher de sortir encore un album de Marduk (pour ce que ça veut dire). Mortuus de son côté délivre une prestation à sa hauteur avec un chant reconnaissable, varié dans ses cris et sa folie ; il donne l'âme dont les compositions ont besoin. Quant à Devo, sa basse s'entend, elle n'est certes pas en première ligne mais elle supporte sans coup férir les riffs, du bel ouvrage tout en discrétion remarquée. La batterie est à l'avenant de l'ensemble : maîtrise de tous les types de rythmes, transitions sans problème et performance globale ultra propre, sans être clinique. Elle ne nous noie pas sous des déluges de blast et sait s'aérer régulièrement.
Frontschwein vient confirmer, encore une fois, ce que beaucoup de monde sait : Marduk en ces années 2000 est une redoutable machine de guerre black metal. Chacune de ses livraisons apporte ses compositions de qualité et l'amateur de metal noir en aura pour son argent. On lui reprochera seulement de ne pas être à la hauteur de ses tous meilleurs faits d'arme, mais ça, beaucoup de groupes s'en contenteraient.