Bien choisir son premier titre, c'est important tant celui-ci tient un rôle déterminant pour la suite. Un opener qui vous file une trique d'enfer peut suffire à lui seul à sauver la mise d'un album moyen, juste parce que vous écouterez celui-ci dans de très bonnes prédispositions ; à l'inverse, un opener foireux peut tellement refroidir vos ardeurs qu'il vous empêchera d'apprécier un bon album à sa juste valeur. Un peu comme un spectacle comique : si le mec se plante en beauté sur son premier sketch, il peut toujours ramer pour rattraper son public…
Pourquoi je vous parle de ça ? Parce que d'habitude, High On Fire est plutôt un spécialiste du genre. En général, Matt Pike et ses sbires sont plutôt adeptes des démarrages pied au plancher, comme en attestent "Devilution" (Blessed Black Wings) ou "Fury Whip" (Death is This Communion). Avec "Snakes for the Divine", qui ouvre l'album du même nom, High On Fire était passé au stade supérieur : balancer d'entrée de jeu un pavé digne d'un véritable chef d'œuvre, évidemment sous la forme d'un bon gros parpaing en pleine poire. Du coup, alors qu'on s'attend légitimement à prendre une grosse claque dans la tronche en ouverture de ce sixième méfait, c'est la douche froide : "Serums Of Liao" fait aussi mal qu'une toute petite pichenette derrière l'oreille. Ce titre au tempo pas très enlevé est assez représentatif d'un album qui marque un certain retour aux sources stoner / sludge du groupe, mais bien qu'il soit loin d'être mauvais, il n'a clairement pas les épaules pour remplir efficacement ce rôle d'opener. Derrière ce faux départ, les choses se musclent immédiatement avec "Bloody Knuckles", mais passé l'intro menaçante, ce titre n'est pas forcément marquant lui non plus. Résultat, on a un mal fou à se mettre dans le bain.
Après cette mise en jambe plutôt chaotique, il faut attendre l'arrivée de "Fertile Green" pour que les choses sérieuses commencent enfin. Et là, High On Fire sort carrément l'artillerie lourde : l'intro pépère à la batterie ne nous prépare en rien à l'orage qui arrive. La rythmique de base, constituée d'un riff minimaliste et d'une caisse claire martelée avec autorité, est sèche, brutale, et si répétitive qu'elle en devient hypnotique ; elle n'est entrecoupée que par des lignes de chant dans le plus pur style du groupe, c'est-à-dire incroyablement hargneuses, ainsi qu'un break heavy de chez heavy, ponctué d'un solo bordélique à souhait. Voilà enfin du grand High On Fire ! Voilà aussi un OVNI sur ce disque qui ne comporte que peu de titres agressifs. Seul "Spiritual Rights" essaie d'avoiner un peu, dans un style Motörhead gonflé aux hormones, proche de celui de Blessed Black Wings. Pour le reste, point de tempos échevelés à la "Frost Hammer" : à l'image de "Samsara", un instrumental tranquille tout en rondeur qui respire la sérénité, High On Fire ne semblait pas d'humeur à bourriner à tout va pour cette nouvelle livraison. Et mine de rien, cette orientation nous démontre une fois de plus tout leur talent.
Le premier aperçu est "Madness Of An Architect", qui voit le groupe se remettre au stoner. Le stoner à la sauce High On Fire bien sûr : le tempo est plombé, le son hyper saturé, mais le chant de Pike est toujours aussi furibard. Même quand ils retournent à un style plus relax à première vue, les Californiens se montrent toujours aussi agressifs. Il n'y a guère qu'un moment où High On Fire se décide à vraiment lever le pied, et cela donne "King of Days", une petite merveille de doom. Histoire de continuer à varier les plaisirs, la fin de l'album laisse un peu de place au sludge avec d'abord le morceau titre, pas trop mal foutu, mais surtout "Romulus And Remus", une véritable chape de plomb qui devrait ravir les fans de metal dans le style de Down. Retour au doom pour finir, avec "Warhorn", et là encore, interrogation dans le choix du tracklisting : dans un album qu'on peut qualifier sans problème de bon, pourquoi avoir placé l'un des morceaux les plus faibles à la fin ? On a déjà évoqué le fait que De Vermis Mysteriis commençait plutôt doucement, il se termine malheureusement de la même façon. Pas grand-chose à retenir dans ce titre assez barbant qui ne transpire pas l'inspiration par tous les pores. Une fois de plus, c'est un peu rageant…
Disons-le clairement : moins flamboyant que Snakes For The Divine, moins inspiré que Blessed Black Wings, moins surprenant que Death Is This Communion, De Vermis Mysteriis ne s'imposera pas comme une des plus grandes réussites d'High On Fire. Du déchet, on en trouve sur tous les albums du groupe, mais placé à des positions aussi stratégiques, c'est forcément pénalisant… Ceci dit, ce qui est bien avec High On Fire, c'est qu'à l'instar d'un Death Angel, même quand le groupe n'est pas dans une forme olympique, il parvient tout de même à conserver un standard de qualité élevé. Et ça, c'est un sérieux atout.