CHRONIQUE PAR ...
Flower King
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
15/20
LINE UP
-Lee Dorrian
(chant)
-Garry Jennings
(guitare+percussion)
-Leo Smee
(basse+mellotron+flûte+synthés)
-Brian Dixon
(batterie)
TRACKLIST
CD 1
1)Immaculate Misconception
2)Funeral of Dreams
3)Painting in the Dark
4)Death of an Anarchist
5)The Guessing Game
6)Edwige's Eyes
7)Cats, Incense, Candles & Wine
CD 2
1)One Dimensional People
2)The Casket Chasers
3)La Noche del Buque Maldito (aka Ghost Ship of the Blind Dead)
4)The Running Man
5)Requiem for the Voiceless
6)Journeys into Jade
DISCOGRAPHIE
La nature est bien faite. Moi qui avais sans cesse repoussé la plongée dans Cathedral, il a fallu que la rencontre se fasse lorsque le groupe, aux dires de mes camarades de webzines, a pris le décision de s’immerger totalement dans les seventies : et en effet, heavy et prog sont au programme de ce Guessing Game kaléidoscopique, depuis sa pochette arc-en-ciel jusqu’à son ambiance de défonce guillerette, à l’arrache, au feeling, et pleine de petits plaisirs que je m’en vais vous conter.
C’est sûr, ceux qui voulaient de la fange, du poisseux, de la vocifération vont avoir le temps du premier disque pour manger leur casquette. Et "Immaculate Misconception", en préambule, ne fait pas de mystères sur ce qui va suivre : bienvenue dans un trip où les choses vont aller de traviole, pour notre bon plaisir. Car si le bon gros riff ne trompera personne, ce synthé volontairement cheap qui sent bon le papier buvard annonce bien des chemins de traverse… et déboule "Funeral of Dreams", et avec lui une plongée de quarante ans en arrière : riff sabbathien et costaud, voix bardée d’effets ; et puis sans prévenir, nous voilà à courir nus dans le soleil avec l’attirail du parfait progueux première génération : cloches et flûtiaux, mellotron, chœurs en arrière plan… tout cela sent l’encens et la menthe poivrée. Et le titre poursuit, 8 minutes durant, cet aller-retour entre le sévèrement burné et le joyeusement bucolique, sans jamais fléchir le niveau. Mesdames et messieurs, c’est ce qu’on appelle une tuerie.
Et les cinq titres suivants du premier disque poursuivent ce jeu de chat et souris entre heavy et prog, depuis la guitare en intro de "Painting in the Dark" qui rappelle – volontairement ? – le "Chrysler" de Dashiell Hedayat jusqu’à l’instrumental "The Guessing Game" ou "Cats, Incense, Candles & Wine" qui, eux, plongent complètement dans la marmite 70’s. Heureusement, ces morceaux sont suffisamment bien foutus pour dépasser l’exercice de style, et ils ont conservé ce son approximatif et roots qui caractérisait les productions de l’époque, ce qui donne un cachet bien plus agréable que 90% de ce qu’ont pu enregistrer les Flower Kings. Mais passé ce bain de cigarettes qui font rire, arrive le deuxième CD qui installe peu à peu le malaise et l’inconfort : et les oppressants "The Running Man" et "Requiem for the Voiceless" vont mettre une bonne claque à tous ceux qui avaient déjà rangé l’affaire dans le bac à hippies et bikers en pré-retraite ; en particulier la première citée, un sacré bad trip qui va jusqu’au bout de sa logique de déconstruction de la recette prog’ qu’ils avaient scrupuleusement appliquée auparavant. Très fort.
Mais si The Guessing Game est une réussite dans ce croisement jouissif des genres, c’est aussi parce que Cathedral a deux atouts majeurs dans son jeu. Le premier, c’est une facilité à composer des bons morceaux – et, plus précisément, des refrains qui marquent. C’est pour cela que "Edwige’s Eyes" peut prétendre au titre de bombe heavy, ou que "The Casket Chasers" passe du statut de remplissage à celui de refraîchissement sympathique. Le deuxième – qui vient appuyer le premier – c’est que Lee Dorrian a décidément un drôle d’organe. Comprendre : son chant clair est rarement juste, mais ses imprécisions apportent un cachet aux morceaux dont ils pourraient difficilement se passer. Le refrain de "Painting in the Dark" serait-il aussi réussi si Lee ne donnait pas l’impression de se casser la gueule à chaque « In the da--aA-Aa-rk?» Et quand il se décide – rarement – à passer au chant hurlé, comme sur "Requiem for the Voiceless", c’est le panard : l’entendre beugler « Won’t you please help me ?» c’est la garantie de se prendre un grand frisson dans l’échine... et d’adorer ça.
Alors évidemment, sur un format double, de légères baisses de régime sont à déplorer, mais en l’absence d’un véritable ventre mou, et au vu des nombreux bons moments de l’ensemble, il faudrait faire une allergie aux années 70 pour se permettre d’envoyer The Guessing Game aux orties. C’est un très bon disque que nos Anglais tiennent là, une bonne bouffée de nostalgie multicolore qui leur va bien au teint. Faites-vous plaisir !