CHRONIQUE PAR ...
Cosmic Camel Clash
Cette chronique a été importée depuis metal-immortel
Sa note :
18.5/20
LINE UP
-Agnete M. Kirkevaag
(chant)
-BP M. Kirkevaag
(guitare+chœurs)
-Eirik Ulvo Langnes
(guitare)
-Pål Mozart Bjørke
(basse+claviers)
-Mads Solås
(batterie)
TRACKLIST
1)Enter
2)Necropol lit
3)Omnivore
4)Rust Cleansing
5)Faceless
6)Distance Will Save Us
7)Silverspine
8)Jigsaw (The Pattern And The Puzzle)
9)Deadlands
10)Resonatine
DISCOGRAPHIE
All Flesh Is Grass avait posé une identité unique tout en partant dans tous les sens : rarement un album de metal prog avait à ce point malmené son auditeur en lui présentant sans cesse une illusion de stabilité avant de le renvoyer à l'ouest sans ménagement. Puis Deadlands est arrivé, se payant le luxe d'effectuer un quasi-virage à 180 degrés tout en affirmant encore plus cette identité si forte qui ne connaît que très peu d'équivalents aujourd'hui. Classe, puissance, variété, vivacité artistique, volonté d'évoluer sans cesse, interprétation supérieure... Madder Mortem avait encore frappé.
Deadlands marque une progression très nette par rapport à son prédécesseur : au revoir les compos aux structures totalement imprévisibles et aux changements permanents, bonjour les chansons construites et aux passages récurrents. On pourrait presque dire que cet album introduit les notions de refrain et de couplet dans la musique de Madder : autant All Flesh Is Grass était alambiqué et torturé à l'extrême, autant Deadlands est direct et sans fioritures en comparaison... mais en comparaison seulement. Car ne nous y trompons pas : Madder fera toujours du Madder et ce n'est pas demain la veille que le groupe proposera un album de chansons simplistes... mais le groupe a su substituer avec brio à une approche totalement hystérique un sens aigu du développement et de la dynamique, mettant son côté catchy en avant sans sacrifier son aspect profondément progressif. Deadlands marque en effet l'arrivée d'un type de chanson qu'on retrouvera ensuite dans l'énorme Desiderata : le tube prog et intelligent.
L'opener bizarre - comme d'habitude - "Necropol Lit" base ses couplets sur un riff aussi simple que « sale » avant de développer une puissance épique qui fait d'autant plus mal que cette fois-ci les plans ne sont plus joués une seule fois avant de déboucher sur autre chose. Madder a appris a poser ses ambiances et les différents breaks en sont la preuve : il s'agit de développer l'atmosphère, plus de la briser systématiquement... tout en surprenant l'auditeur. Les Norvégiens ont gardé leurs atouts : lignes de chant possédées et hypnotiques, sens de la dissonance comme de la mélodie selon les moments ("Omnivore", "Silverspine", etc), art de la surprise pertinente ("Distance Will Save Us" et son mariage entre pop-rock emo et prog-metal tordu, la touche de néoclassique en plus). Quand le doom revient le temps d'un "Faceless" on confine au sublime tant le titre lie la mélancolie d'une rythmique de fin du monde à la contemplation mélodique la plus pure... le groupe manie tension et relâchement comme personne, et le thème principal du chant restera gravé en vous à jamais.
Prenons "Rust Cleansing" : marquant l'arrivée du néo dans la musique du groupe, ce titre a tout des grands. L'intro/outro dégage un groove insensé qui vous fera sauter partout, les couplets calmes sont d'une douceur angélique, et le refrain sorti de nulle part (l'harmonie vocale est particulièrement alien) est tout aussi mémorable que les différents ponts qui viennent choper l'auditeur sans prévenir et l'emmènent au loin... une fois que vous aurez entendu le travail sur les harmonies de guitare avant le retour du refrain vous m'aurez compris. Si le néo et le groove sont désormais présents (mais bien moins que sur Desiderata qui suivra) on peut remarquer que la part du doom a pas mal reculé : les ambiances lourdes et lentes sont devenues une simple couleur de la palette du groupe et non plus une orientation dominante, car Madder Mortem a déjà bien entamé le chemin qui les mènera à leur statut de groupe de synthèse capable de lier tous les styles de métal sans problème.
Madder Mortem a donc délivré avec Deadlands une leçon de progression et de composition de premier ordre, confirmant au passage sa capacité à sortir un album blindé de chansons ayant toutes une identité propre et sans aucun titre raté, ce qui est très fort en soi. Plus linéaire qu'All Flesh Is Grass dans le bon sens du terme, cet album est une enfilade de perles liant le doom au néo, le prog au heavy, la pop au thrash... ça donne du bonheur, ça met en joie, et en plus ça rassure sur la capacité du métal à rester une musique innovante et fascinante. En attendant (fébrilement) leur prochain opus, faites-vous plaisir avec ce chef-d'œuvre...