CHRONIQUE PAR ...
Wotan
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
11/20
LINE UP
-Sabine Weniger
(chant+claviers)
-Johannes Prem
(chant)
-Sebastien Reicht
(guitare+claviers)
-Gert Rymen
(guitare)
-Thomas Huschka
(basse)
-Tobias Graf
(batterie)
TRACKLIST
1)The Moribund Choir vs. The Trumpets of Armageddon
2)Martyr to Science
3)Slaughter’s Palace
4)The Brave/Agony Applause
5)Deathrace
6)Fire at Will
7)Seal Slayer
8)Manifesto
9)Dying Breed
10)Altruism
11)Temple of Love
DISCOGRAPHIE
Certains groupes aiment surprendre leurs auditeurs. C’est manifestement le cas de Deadlock: le nouvel album des Germains tente de sortir des sentiers battus, d’importer quelques éléments n’appartenant pas a priori à la sphère dans laquelle tourne le groupe. La démarche est respectable, et est maintenant courante dans le metal, le résultat est cependant dépendant de l'intégration et de la transformation de deux territoires disjoints en une harmonie indissociable. Reste à savoir maintenant si Deadlock réussit son alchimie.
La volonté du groupe de brouiller les pistes s’entend dès la première piste. Cette courte introduction sent bon la froideur du metal industriel et de l’Electro Body Music: rythme martial sur fond d'électronique froide, rien n'évoque le death metal mélodique. Et c’est pourtant ce style qui sera prédominant la majeure partie du disque. Cependant ce n’est pas ce qui est le plus accrocheur dans ce Manifesto, et ce même si ca bourrine de façon plutôt affolante. Le groupe possède une certaine science de la violence et cela s’entend: section rythmique de bûcheron, son de guitare très saturé, voix d’ours des cavernes. C’est bien death, bien violent et agressif comme il le faut, mais absolument pas mémorable ou même simplement intéressant. La faute au classicisme dont fait preuve le groupe, rien ne sonne vraiment nouveau, c’est certes très bien fait mais rien ne vient effleurer l’oreille, c’est du déjà entendu tout du long. Il est d’ailleurs intéressant de constater que pour une fois, la somme des parties n'égale pas le tout: alors que le niveau technique individuel des musiciens est franchement bon (les guitaristes autant que le chanteur, et le batteur est un monstre), le résultat déçoit. Donc pour la surprise, ce n’est pas dans le death-metal qu’il faut la chercher.
Ce sont les contrastes et les changements de style qui seront la source de surprises tout au long de Manifesto. En premier lieu, la dualité chant masculin death et chant féminin pop donne un caractère bipolaire au disque. Les deux vocalistes se partagent les lignes de chant dans une proportion égale et selon un schéma simple: couplets pour la bête et refrains pour la belle. De fait, le groupe utilise en permanence ce modèle, ce qui tend à indiquer une recherche de la facilité. Le groupe bourrine pendant les couplets, en se donnant au maximum, pour laisser la place aux claviers et à Sabine Weniger durant les refrains, sans transition et créant ainsi des changements abrupts, sans que l’on comprenne vraiment pourquoi. Au final, l’utilisation à outrance de cette dualité ne surprend plus, et devient lassante au bout de quelques titres. Dommage que la voix de Sabine ne soit pas utilisée différemment, surtout qu’elle possède un timbre agréable, et sait se faire entraînante. Cependant, quelques montées mal gérées dans les aigus risquent de faire saigner des paires d’oreilles.
En plus de sauter du coq à l’âne entre refrains et couplets, Deadlock le fait aussi en changeant de style. L’electro, aussi bien sous forme de techno que de noise, est utilisée pour l’introduction et l’interlude "Manifesto", et ne choque pas. Au contraire, cela apporte aux compositions un souffle bienvenu. En revanche, le solo de saxophone qui apparaît comme un cheveu sur la soupe dans "Fire at Will" est déjà plus gênant. Il arrive de nulle part et joue un thème jamais repris dans le titre. Le plus surprenant est la chanson "Deathrace", dont la seconde moitié est aussi incongrue que deux protagonistes d’un film pornographique faisant une pause entre la fellation et la sodomie pour discuter de l’oeuvre philosophique de Descartes. Commençant comme une chanson lambda de Manifesto, elle change, d’un seul coup, en un titre de Gangsta Rap, assuré par des guests. Ce n’est pas de la fusion, mais vraiment deux titres distincts collés ensemble, avec pour seule colle, plutôt légère, un sample mélodique se trouvant en outro du titre précédent.
Au final, Manifesto surprend, mais dans le mauvais sens. Si l’on ne trouve rien à redire sur chaque musicien, bien au contraire même, le résultat final oscille entre manque d'originalité et incohérence totale. Le paradoxe est encore plus fort: en voulant jouer sur les contrastes, le groupe en devient prévisible, et quand il sort de son schéma bien établi, il déstabilise totalement et détruit ce qu’il avait tenté de construire auparavant.