CHRONIQUE PAR ...
Fly
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
16/20
LINE UP
-Chris Martin
(chant+guitare+claviers)
-Jonny Buckland
(guitare)
-Guy Berryman
(basse)
-Will Champion
(batterie)
TRACKLIST
1)Life in Technicolor
2)Cemeteries of London
3)Lost!
4)42
5)Lovers in Japan/Reign of Love
6)Yes
7)Viva la Vida
8)Violet Hill
9)Strawberry Swing
10)Death & All His Friends
DISCOGRAPHIE
Coldplay -
Viva la Vida or Death and All His Friends
Tout comme ce fut le cas avec X&Y, Viva la Vida aura de nouveau été un des albums les plus attendus de l’année. Et aussi paradoxal que cela puisse paraître, il l’aura été autant pour les fans fidèles que pour les détracteurs les plus zélés. Avouons qu’il est surprenant de voir qu’un groupe que certains qualifient de fade et d’inoffensif puisse susciter des réactions aussi exacerbées. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, une sorte de mépris tenace et inexplicable autrement que par la volonté de se faire plaisir en s’acharnant sur un groupe dont le malheur a été de devenir mondialement célèbre.
Il semble donc que la fameuse révolution qu’a entamée Coldplay, et dont les couleurs sont annoncées dès la pochette de l’album, ne soit en réalité qu’un maigre soulèvement voué à masquer un manque flagrant d’originalité. Et la présence de Brian Eno à la réalisation ne serait qu’un moyen de plus de marcher sur les traces grandioses des U2 de ce monde. Une façon de cautionner la médiocrité en quelque sorte. Pourtant, il suffit de quelques écoutes attentives de ce nouvel album pour comprendre que la remise en question de Coldplay est bel et bien entamée et que le groupe a décidé de mettre le paquet. N’en déplaise aux éternels insatisfaits, Viva la Vida or Death & All His Friends est la preuve irréfutable qu’il est encore possible pour un groupe populaire de prendre un certain nombre de risques et de mettre un peu de piquant dans une recette efficace, certes, mais un peu facile.
Mettons les choses au clair une fois pour toutes : Viva la Vida n’est pas un suicide commercial ou quelque chose du genre. Ça reste avant tout un album de Coldplay, qu’on le veuille ou non. Le groupe n’a probablement ni les moyens, ni l’envie de sortir un album qui laissera ses millions de fans sans aucun repère. Mais ça ne l’empêche pas de proposer des choses qui peuvent a priori sembler inconcevables sur un disque censé se vendre par camions entiers. À commencer par ce "Life in Technicolor" d’ouverture quasiment instrumental. Cela peut paraître anodin, mais essayez un instant d’imaginer la réaction des ménagères qui s’attendent à savourer les roucoulades de Chris Martin, et qui se retrouvent plutôt à écouter une pièce colorée aux vagues accents orientaux. Là encore, une fois la surprise passée, on se dit que ce n’est pas si terrible, mais ça prouve tout de même que le groupe est capable d’autre chose.
Quoique les choses ne sont peut-être pas aussi simples. Il faut bien admettre que la présence d’Eno aux commandes a certainement aidé à décomplexer un peu Martin et sa bande. Ses nombreux faits d’armes sont connus et tout porte à croire que sa contribution ne se limite pas à l’aspect sonore. Reste que sur ce plan en particulier, la différence est énorme. Aussi excellent soit X&Y (si si), il demeure tout de même avec le recul un poil lourdingue en termes d’arrangements (sans parler de ses quelques passages à vide). Tout le contraire de Viva la Vida, dont la réalisation aérienne permet aux morceaux de respirer davantage et de prendre une tournure inespérée. Si l’on ajoute à cela le fait que le groupe se surpasse et propose un disque sur lequel il n’y a pas deux morceaux qui se ressemblent, on a là le cocktail idéal pour une oeuvre inspirée et étonnante à bien des égards.
Comme sur les précédents albums, il y a sur Viva la Vida des morceaux qui frappent par leur évidence. Que ce soit l’époustouflante "Cemeteries of London", l’irrésistible "Lovers in Japan" ou la désormais indissociable paire "Viva la Vida"/"Violet Hill", on a de quoi se mettre sous la dent. Et quand en plus Coldplay se permet de tenter des pièces plus épiques comme "Lost!", des morceaux à tiroirs à la "42" ou des incursions à saveur shoegaze ("Chinese Sleep Chant", caché après "Yes"), cela donne un résultat fascinant qui finit en apothéose avec le grandiose "Death & All His Friends". Si ce n’était un "Reign of Love" un peu mollasson et un "Strawberry Swing" un peu longuet, on pourrait parler d’une réussite presque totale. Encore une fois, comme il s’agit d’un album de Coldplay, il ne faut pas y chercher trop de mordant, mais il y a largement de quoi satisfaire même les plus exigeants.
Ce qu’il faut retenir avant tout de ce quatrième album, c’est donc que la formation ne fera jamais l’unanimité. En effet, à moins que Chris Martin ne pète un câble et décide de sortir un album d’électro-doom et d’en confier la réalisation à Steve Albini, il y a de fortes chances pour que le monde demeure partagé entre ceux qui aiment Coldplay et ceux qui prennent un malin plaisir à les détester (sans oublier tous ceux, et ils sont sûrement nombreux, qui n’en ont rien à secouer). Finalement, c’est peut-être l’ordre normal des choses.