Est-il encore besoin de présenter Rage Against The Machine (RATM pour les intimes), groupe multiethnique au succès populaire immense et international, et dépositaire d’un style bien précis, parfois controversé : le Rap-Metal (non, ne quittez pas tout de suite cette chronique !). On pourrait même dire que ce genre est né en même temps que le groupe, et est mort avec celui-ci (qui a dit Limp Bizkit ?), tant Rage Against The Machine s’est montré novateur, inventif et efficace dans un genre de toute façon condamné à tourner rond. Ce Battle of Los Angeles, troisième album studio album des Américains, représente à cet égard un concentré d’énergie et de groove, dans la lignée des deux albums précédents.
Et le ton de l’album est donné dès le premier morceau, "Testify", un tube comme sait si bien en faire Rage Against The Machine, et qui rassemble tous les ingrédients qui ont fait le succès et la marque de fabrique du groupe : le riff principal est lourd tout en restant très groovy, sur lequel le charismatique Zack de la Rocha hurle un refrain simple et entêtant, propre à être retenu et répété à l’infini par la foule déchaînée lors des concerts. Les couplets font place à une de ces rythmiques si caractéristiques du groupe, répétitive et teintée de funk et de hip-hop, évoquant un sample. Enfin, le chant rappé, rapide et hargneux de Zack apporte une dynamique formidable au morceau. Le morceau suivant, "Guerilla Radio", illustre encore mieux cette recette simple mais diablement efficace, s’avérant indéniablement être un des deux meilleurs morceaux de l’album.
La suite de l’album s’inscrit directement dans cette logique. La majorité des morceaux recèlent autant de riffs géniaux, dévastateurs et concis (à l’image des tubes de l’album, "Guerilla Radio" et "Sleep Now In The Fire"). Une des grande qualité de Rage Against The Machine est également de concevoir des refrains simples et efficaces, aux paroles assimilables dès la première écoute. La section rythmique si particulière du groupe, formée par le grand Tim Commerford à la basse et Brad Wilk à la batterie, insuffle à l’édifice musical une teinte très funky (les lignes de basses, bien que répétitives, sont souvent très originales), surtout lors des couplets. Les bruitages bizarroïdes et effet divers à la guitare made in Tom Morello sont encore de la partie, contribuant à l’originalité des rythmiques ("Ashes In The Fall", "Voice Of The Voiceless").
L’album est donc une tuerie immédiate, les titres s’enchaînant à un rythme effréné et avec une bonne cohésion : les titres locomotives décrits plus haut s’enchaînant avec de nombreux autres morceaux très corrects ("Ashes In The Fall", "War Within A Breath", "Born Of A Broken Man", etc…). D’un point de vue plus subjectif, "Voice Of The Voiceless", même s’il n’est pas considéré comme un classique, est pour moi un des meilleurs morceaux de l’album, une sorte de coup de cœur, peut-être grâce à son intro sympathique et l’ambiance donnée par le travail particulier de Tom Morello à la guitare… Quelques rares morceaux apparaissent cependant en demi-teinte, à commencer par "Maria" et "Born As Ghosts", sur lesquels la machine Morello se montre moins inspirée qu’à l’habitude, les riffs sonnant étrangement comme du déjà entendu. "Mic Check", sur lequel le gros son est aux abonnés absents, peut également choquer de par son approche bien plus hip-hop que métal, laissant la vedette à Zack de la Rocha et son flow si caractéristique. Ces légères déceptions n’atténuent heureusement que peu la dynamique générale de l’album.
En définitive, on se retrouve donc avec un très bon album de rap-metal, qui déplaira certainement aux puristes de néo-classico-progressif-ultra-technique (à propos, si vous abhorrez le chant rappé, passez votre chemin ;) ), mais qui séduira certainement les amateurs d’un metal direct et accrocheur. Il est à noter que cet album sera l’ultime album studio de ce groupe à la carrière aussi fulgurante qu’éphémère, mais qui aura indéniablement marqué le paysage metal de son empreinte, ouvrant la voie à toute une génération de combos inspirés par le hip-hop, dont malheureusement aucun ne lui arrivera jamais à la cheville (qui a re-dit Limp Bizkit ?). Les mauvaises langues diront que le groupe s’est séparé (non sans avoir publié un album de reprise et un excellent album live posthume) faute d’inspiration pour de nouveaux albums, enfermé dans un genre où la redite devient rapidement chose courante. Mais on retiendra plutôt de Rage Against The Machine toute les qualités énoncées précédemment, le tout ajouté à une énergie scénique incomparable, un charisme évident, sans compter une démarche musicale et un engagement politique, autant dans les actes que dans les paroles des chansons, qui respirent la sincérité et la générosité.