Metal progressif ? Doom Metal ? Death Metal ? Nouveau groupe à chanteuse à la mode ? Tout se dit sur Oceans of Slumber. Fort de son petit succès avec l’album Winter en 2016, la formation, via son label Century Media records, nous offre en ce mois de mars 2018, The Banished Heart , seconde livraison du combo qui espère assouvir sa notoriété en proposant un metal progressif agrémenté d’influences doom, death et atmosphériques. Si sur le papier ce mélange des genres peut effrayer, nous allons voir qu'en vérité le résultat a de quoi nourrir toutes nos espérances et qu’il faudra certainement compter sur Oceans of Slumber dans les années à venir. (Ils seront d’ailleurs en première partie d’Epica sur six dates au Royaume-Uni en Avril 2018).
C’est en 2013 que le grand public découvre Oceans of Slumber à travers leur première offrande, l’album Aetherial. A l’époque, le groupe, originaire de Houston, Texas, USA, est en autoproduction et c’est donc en format digital que cet album est proposé. A l’époque, ce fut Ronnie Gates au micro, mais le chanteur quittera la formation et sera remplacé en 2014 par la vocaliste Cammie Gilbert qui a baigné dans la musique dès son plus jeune âge (son père était musicien, sa mère choriste dans une église des Témoins de Jehova). Un EP plus tard, Blue-2015, sort Winter en mars 2016, le premier avec leur label actuel, et qui rencontrera son petit succès, la bande du Texas proposant un metal progressif agrémenté de grunts de bon aloi. L’attente était donc réelle à la sortie de The Banished Heart. Un premier changement flagrant se situe au niveau du visuel où apparaît Cammie, seule sur fond noir, un cœur ensanglanté en main. Le ton est donné, ce nouvel effort se voudra plus sombre que le précédent. Et effectivement, si le côté prog est la base du combo, ce dernier a volontairement ajouté de la noirceur dans son style. Les grunts sont toujours présents, ce qui donne un death progressif sur les morceaux "Fleeting Vigilance", "At Dawn" ou encore "Etiolation". Mais ceci nous amène aussi à la petite critique qui se doit d'être faite à The Banished Heart : ces trois titres, très techniques, ont du mal à se différencier entre eux. Riffs, grunts, forte présence de la batterie, il faudra un nombre d’écoute non négociable pour arriver à les différencier. Si les deux derniers cités gardent un aspect très similaire, le premier verra des envolées proche du lyrisme de la part de Cammie. C’est donc en s’éloignant de ce qu’ils faisaient sur Winter, que Oceans Of Slumber va frapper fort, à coup d’ajouts atmosphériques et d’apports doom.
Deux titres représentent cela : "The Decay of Disregard" en ouverture, ainsi que "A Path to a Broken Stars". Si ces deux propositions innovent, elles arrivent aussi à se différencier. La première citée garde l'approche progressive, mais fusionnée à du doom metal. La voix est glaçante mais sobre et le morceau se dévoile tout au long de ses neufs minutes, et ne sera pas sans rappeler The Gathering. Concernant "A Path to a Broken Stars", c’est du côté de Lacuna Coil (période Comalies) qu’il faudra regarder, mais sans se limiter à de la simple copie. En parlant des italiens, la voix de Cammie (telle un caméléon) se rapproche quelques fois de celle de Christina Scabia, notamment sur "No Color, No Light" en duo avec Tom Englund d’Evergrey. Le mariage vocal est sensationnel et on se surprend à ne jamais décrocher, malgré les sept minutes, ce qui peut sembler une éternité pour une ballade. En parlant de «
longueur » , le titre éponyme, ballade mid tempo, du haut de ses neuf minutes est le petit chef d’œuvre proposé par les américains. Divisé en deux parties assez distinctes, la première œuvrant dans ce registre doom et concluant par un interlude au piano avant de passer la main à Cammie pour trois minutes de pure démonstration vocale, d’émotions et de tristesse. C’est le point d’orgue de sa performance tout au long de ce nouveau cru. Enfin, "The Wayfaring Stranger" (titre traditionnel de Gospel, repris par de nombreux artistes dont Neil Young, mais également
In Vain) conclut de manière somptueuse un album riche en influences, qui ne copie jamais, qui innove, dont on se délecte au fil des écoutes car, et c’est une des grandes forces de ce
The Banished Heart, quand il prend fin, nous n'avons qu’une envie, relancer les onze morceaux le composant.
Comment définir le genre musical d’un groupe dans le metal moderne? Les formations dépassent de plus en plus le simple exercice de style. Si beaucoup de collectifs s’y perdent, d’autres arrivent à puiser l’essence de chaque courant et à les fusionner pour un résultat agréable. C’est le cas d’Oceans of Slumber qui, fort de ses influences (Type O Negative, Pantera) et de celles de chacun de ses membres (grunge pour Cammie, jazz pour Anthony et grindcore pour Dobber), nous offre un album remarquable de cohérence et de justesse technique. Le tout en gardant une marge de manœuvre pour encore progresser et nous proposer dans le futur, s’il ne tombe pas dans la facilité, de nouvelles compositions dont eux seuls, ont le secret. Et comme dirait une certaine ex première dame, « merci pour ce moment » !