CHRONIQUE PAR ...
[MäelströM]
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
16/20
LINE UP
-Phil Lynott
(chant+basse)
-Brian Robertson
(guitare+chœurs)
-Scott Gorham
(guitare+chœurs)
-Brian Downey
(batterie+percussions)
+
-John Earle
(saxophone)
-Huey Lewis
(harmonica)
TRACKLIST
1)Jailbreak
2)Emerald
3)Southbound
4)Rosalie/Cowgirl’s Song
5)Dancing In the Moonlight (It’s Caught Me In Its Spotlight)
6)Massacre
7)Still In Love With You
8)Johnny the Fox Meets Jimmy the Weed
9)Cowboy Song
10)Boys Are Back In Town
11)Don’t Believe a Word
12)Warrior
13)Are You Ready
14)Suicide
15)Sha La La
16)Baby Drives Me Crazy
17)The Rocker
DISCOGRAPHIE
1978 : Thin Lizzy sort un disque live – qui sera référencé moult fois comme étant l’un des plus grands live de rock’n’roll de tous les temps. Durant les années ’80, cette appréciation fut très compréhensible. A écouter aujourd’hui, la nostalgie sera de rigueur pour pouvoir apprécier confortablement les guitares au formol et le « gros son » de l’époque – l’an 2000 passé, cette touche a pris une forte couche de désuétude en travers de la tête. En est-il inécoutable, le Lizzy ? Que nenni…
Nenni car ce n’est pas tout – car le son ne fait pas tout. Leur musique a gardé une partie de sa fraîcheur grâce à cette frontière ténue qui relie artistique et émotivité. Alors oui, avec le temps, leur plus grand atout s’est révélé leur plus grand défaut : les musiciens de Thin Lizzy correspondaient tellement bien aux standards de l’époque (Downey est probablement l’un des batteurs méconnus les plus ébouriffants de la période – se taillant même un solo pas mauvais… pour un solo de batterie !) qu’il en ressort maintenant comme un parfum défraîchi de perfection froissée par le passage du temps. Avouons, la vieillesse de cet ensemble rend certaines de ses parties moins supportables, à l'instar des Lizzys’ masterpieces que sont "Boys Are Back In Town" et "Still In Love With You", là uniquement pour motiver un public qui ne demandait que ça. La première n’est plus aujourd'hui qu’un autre morceau de hard (celui qui les a mis sur la branche… so what?) ; la seconde est devenue une des ballades les plus mielleuses et dégoulinantes qui furent faites à l’époque. Sans doute faut-il les avoir découvertes durant les 70s pour pouvoir encore y goûter…
Mais justement, leurs défauts font aussi leurs qualités. Brian Robertson est pour beaucoup dans l’alchimie du groupe : sa guitare se marie parfaitement avec celle de Gorham (seul guitariste a avoir survécu aussi longtemps dans le groupe) et malgré une nette tendance à la surenchère, aucun n’empiète sur le territoire de l’autre, développant ce style si particulier de guitares en réponses qu’ils ont contribués à créer. La preuve la plus flagrante de cette virtuosité rigolarde (un avantage sur Iron Maiden) parfaitement contrôlée s’affiche dès le solo de la seconde piste. Si "Jailbreak" est un bon morceau d’ouverture, la furie démarre réellement avec "Emerald" et son break de twin-guitars absolument PAR-FAIT que des groupes de plus ou moins grande envergure tenteront laborieusement de recréer des années durant, sans parvenir à susciter autant de frissons synthétiques. Sans atteindre cette excellence, la recette scrupuleusement respectée permet à tout le concert, de "Rosalie…" à "Warrior", de prolonger cette sensation de course effrénée qui empêche tout ennui de s’installer.
Et bien sûr, il y a cette voix… qui ne plait pas à tout le monde. Lynott eut toujours une façon bien à lui de chanter – le cœur en avant, la prononciation curieuse. Mais là où il brillait plus qu’à l’accoutumée, c’est quand il s’agissait de donner de la personnalité à son chant. Plus écrites que celles de leurs concurrents de l’époque, les paroles de Thin Lizzy demandaient un chanteur sachant varier sa donne. Et quel que soit le registre – sautillant sur "The Rocker" ; sensuel sur "Dancing In the Moonlight…" ; à la limite du désespoir sur "Massacre" –, Lynott s’en sortait toujours haut la corde vocale. Probablement est-ce l’apport des influences très diverses des musiciens, mais aussi de leurs origines – n’oublions pas que les groupes en Technicolor sont d’une rareté extrême en hard’n’heavy-music. Ce melting-pot a contribué à graver sur Thin Lizzy une personnalité reconnaissable et bien plus prégnante que dans la plupart des groupes de hard-rock.
Car voilà sûrement pourquoi autant de personnes se sont accroché à Thin Lizzy : ces gens n’étaient ni des poseurs permanentés (enfin moins que Scorpions), ni des mauvais garçons qui jouaient aux rebelles à grand cœur (enfin moins qu’Aerosmith). Moins stéréotypés que leurs partenaires/concurrents. Dans la démarche, Phil Lyzzy & the Thin Boyz s’approchaient d’avantage de Queen et de son côté popu’ et rassembleur, voire un peu dérisoire. Le sérieux n’était que moyennement de rigueur alors que le heavy-metal n’avait pas encore « diabelisé » la musique de son imagerie satanique aussi provocante que risible – Black Sabbath passait alors plus pour une curiosité pittoresque que comme un modèle de dark’n’roll-attitude. La gaieté de festival qui entoure les concerts d’où sont tirés ces morceaux est d’ailleurs communicative – même sur un disque. On en viendrait à chanter à tue tête chez soi en entendant Lynott haranguer les foules pour "Are You Ready" ou répondre à l'harmonica de l'excellente "Baby Drives Me Crazy".
Il serait un peu optimiste de penser que Thin Lizzy puisse s'attirer de nouveaux adeptes aujourd'hui. Mais il est quand même triste de constater qu'un tel groupe est passé aux oubliettes si rapidement, et si facilement… Alors même que ses fans les plus dévots continuent de hurler au génie de ce premier disque live – le suivant ne paraît pas bénéficier du même attachement. Les amateurs de hard-rock ne pourront que se régaler. Pour les jeunes… remontez l'histoire pour cerner les qualités de ce groupe injustement oublié. Alors : bon pour le compost ? Heureusement que non. Meilleur que le suivant ? Complémentaire, dirons-nous.