CHRONIQUE PAR ...
Fly
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
18/20
LINE UP
-Steven Wilson
(chant+guitare+piano)
-Richard Barbieri
(claviers)
-Colin Edwin
(basse)
-Chris Maitland
(batterie)
TRACKLIST
1)Lightbulb Sun
2)How Is Your Life Today?
3)Four Chords That Made A Million
4)Shesmovedon
5)Last Chance To Evacuate Planet Earth Before It Is Recycled
6)The Rest Will Flow
7)Hate Song
8)Where We Would Be
9)Russia On Ice
10)Feel So Low
DISCOGRAPHIE
Si on compare souvent Porcupine Tree à Pink Floyd d’un point de vue strictement musical, il est intéressant de noter que les deux groupes se rejoignent sur un autre point : la tendance qu’ont les gens à ne retenir qu’une petite partie de leur discographie. Ainsi, pour beaucoup, Pink Floyd n’existe qu’à partir de Dark Side Of The Moon. De même, les fans de Porcupine Tree ne retiennent souvent que les plus récents albums du groupe, en particulier depuis In Absentia et son virage metal.
On peut comprendre que les albums de la période Delirium fassent moins l’unanimité. Après tout, Porcupine Tree n’est devenu un vrai groupe qu’à la sortie de Signify, et le psychédélisme teinté d’électro des premiers essais de Wilson peut facilement rebuter ceux qui ont découvert le groupe quand sa réputation n’était plus à faire. Il est en revanche plus difficile d’accepter que la paire formée par Stupid Dream et Lightbulb Sun soit si souvent laissée pour compte. La faute à une distribution erratique? Peut-être. Mais c’est d’autant plus dommage qu’il s’agit des deux albums qui ont vraiment consacré la place du groupe au sein de la communauté progressive (plus encore que Signify). Et, dans le cas de Lightbulb Sun, parce qu’il s’agit tout simplement du meilleur album de la formation.
Steven Wilson y reprend les éléments les plus intéressants de Stupid Dream (le côté pop et accrocheur sans être putassier, la réalisation d’une limpidité à couper le souffle et les envolées progressives du plus bel effet) tout en laissant de côté les défauts les plus flagrants de son prédécesseur (les longs tunnels d’ennui qui émaillaient la seconde partie du disque). Ici, l’inspiration du groupe est sans limite et l’interprétation, sans faille. Presque tous les morceaux représentent la quintessence du style Wilson, ce mélange si particulier de mélancolie et de puissance, d’harmonies vocales diaphanes et de riffs d’une efficacité redoutable. Le morceau-titre en est d’ailleurs l’exemple parfait : ouverture acoustique, riff démoniaque, refrain imparable et outro aérienne, tout y est. Wilson aurait difficilement pu trouver mieux pour commencer.
Plusieurs reprochent à Lightbulb Sun d’être trop pop, d’être la preuve que Steven Wilson a tenté la compromission pour rendre sa musique plus accessible, plus vendeuse (comme quoi, il n’a pas attendu Deadwing). Il est vrai qu’à l’écoute de titres comme "Four Chords That Made A Million" ou "The Rest Will Flow", on peut penser que c’est vrai. Pourtant, si on y regarde de plus près, on constate que c’était déjà le cas de l’album précédent et, surtout, que cela n’influence en rien la qualité globale du disque (à part pour le progueux de base, pour qui de telles considérations sont inadmissibles). Certes, "Four Chords That Made A Million" est probablement le maillon faible de Lightbulb Sun, car, malgré son efficacité (le break planant est ahurissant), il semble un peu hors de propos. Mais passé ce léger accroc, le reste n’est qu’émerveillement, et le côté accrocheur de certains titres ne fait que confirmer la réussite du produit final. Mine de rien, il faut avoir un certain savoir-faire pour marier ainsi efficacité mélodique, élans progressifs, intermèdes psychédéliques et interprétation hors normes.
Il faut du talent pour proposer un morceau comme "Last Chance To Evacuate Planet Earth Before It Is Recycled", qui enchaîne à la perfection deux couplets enchanteurs accompagnés à la fretless et une deuxième partie planante aux effets sonores délirants. Il faut du génie pour aligner sans broncher une balade magistrale comme "Where We Would Be" (et son déchirant solo saturé) et le monumental "Russia On Ice". C’est cliché, mais c’est vrai : ce long morceau hallucinant constitue la pièce de résistance de l’album, une merveille d’inspiration floydienne d’abord planante, puis envoûtante (bon sang, ces arrangements de cordes!) et finalement dévastatrice. Et avant cette explosion finale, on aura eu droit à des bijoux pop (le beatlesien "How Is Your Life Today?", "Shesmovedon", "The Rest Will Flow") et à une incantation fiévreuse qui annoncera avec fracas une deuxième moitié d’album résolument placée sous le signe de la noirceur (la bien nommée "Hatesong", en réponse au "Don’t Hate Me" de Stupid Dream?). Le tout se terminera heureusement dans la sérénité avec "Feel So Low".
Inutile de préciser que les quatre musiciens sont au sommet de leur forme (ce qui n’empêchera pas Wilson de virer Maitland pour incompatibilité d’humeur) et que c’est la cohésion du groupe qui donne à Lightbulb Sun cette touche supplémentaire qui le rend si spécial. Oui, si la discographie de Porcupine Tree commence à être bien garnie, aucun autre album n’atteint un tel niveau de maîtrise, de perfection et de concision. Enfin ça, c’est ce que l’on pensait jusqu’à la sortie de Fear Of A Blank Planet...