Quand on entend la première fois que Negura Bunget est un groupe roumain, on a tout de suite les habituels clichés qui nous reviennent en tête concernant le pays. Bien sûr, cela influence aussi l’idée que l’on peut se faire de leur musique avant de l’avoir écoutée : des roumains, donc ça doit être mal produit et éventuellement joué avec les pieds. Ces préjugés peuvent éventuellement s’appliquer à leur première démo, mais par la suite, c’est plus difficile.
En 2006, effectivement, difficile de trouver un album qui ait une production réellement mauvaise, même si ces trublions œuvrent dans un genre qui ne brille justement pas par la qualité de celle-ci en général. Après une petite mise en jambe qui rappelle la fin de 'N Crugu Bradului, le groupe trouve le moyen de nous livrer le meilleur morceau de sa discographie, rien que ça. "Tesarul De Lumini" est un de ces titres qui pourrait aisément figurer dans un top 10 des morceaux de black metal qui envoient directement dans une forêt, au lever du jour, les rayons du soleil commençant tout juste à se répandre. C’est en tout cas la première image venant spontanément lorsque retentit la fantastique mélodie qui réussit à elle seule à balayer tous les présupposés précédents ; et ne parlons pas du moment où elle est reprise, un peu plus tard, ce qui dénote une construction intelligente du titre, puisque l’image change pour le coup et que la même forêt nous apparaît sous une voute étoilée. Cependant, ce titre montre également l’autre aspect de la formation, notamment avec ce tapping, qui évoque le rassemblement des druides venus en quête de gui. Bref, les Roumains parviennent ici à poser une ambiance prenante.
Ambiance que la suite ne fait pas le moins du monde retomber, à la condition expresse que les interludes glissés entre presque chaque titre ne vous ennuie pas. Votre serviteur les trouve assez bien construit et non superficiels, mais ce sera à l’appréciation de chacun. "Conoas Terea Tacuta", et les titres qui le suivront, se décident finalement à nous montrer un autre des visages du groupe en sortant la panoplie d’instruments traditionnels roumains qui étaient déjà utilisés sur les précédents albums, et nous gratifie au passage d’un autre passage planant et délicieux. La suite montre également que le groupe brille moins dans les moments purement black metal que dans ceux plus pagan, quoique les passages en trémolos avec du blast lancés à tout berzingue soient assez grisants. Ce qui fait surtout la grande force de cet album au final, c’est la diversité des titres, chacun étant bien reconnaissable que ce soit par l’usage d’un instrument particulier, ou par un passage que l’on se rappelle immédiatement dès le début du titre et que l’on attend avec impatience. Le jeu du batteur contribue à cette identité forte tant il est facilement identifiable : tout en roulements, assez tentaculaire, sans verser dans la démonstration, et qui pouvait dans le passé être légèrement hors-sujet, mais qui ici sert très bien les compositions.
De plus, la fin de l’album est aussi intense que le départ, notamment avec la clôture assez ultime qu’est "Hora Soarelui", qui pousse jusqu’au bout le côté pagan, malgré de courtes incartades black des plus pertinentes. Pour peu que le black à ambiance plaise, on trouve au final peu de passages réellement faibles sur OM. Et ce ne sera sûrement pas une production désuète qui viendra gâcher cela : pour le coup, elle est parfaite pour la musique pratiquée, avec des guitares granuleuses mais puissantes dans les graves, rondes et légèrement stridentes dans les aigües, et une basse bien audible également. Malgré cette donnée qui rend cet album bien plus accessible qu’un Măiastru Sfetnic, OM reste largement assez riche pour demander quelques écoutes attentives afin d’en avoir bien fait le tour. La construction intelligente des morceaux était évoquée plus haut : les changements sont assez fréquents, sans pour autant passer du coq à l’âne dans un titre, et les idées sont relativement peu réutilisées, donnant des compositions plantureuses, à tel point que l’on se prend à découvrir ou redécouvrir des choses lorsqu’on le ressort après un peu de temps.
Au final, OM peut être résumé à ça : l’association de moments de grâce à l’ajout de sonorités un peu novatrices dans un black metal, déjà peu respectueux des carcans, avec les instruments traditionnels. Aussi cliché cela soit-il (enfin, on reste dans la thématique), il sera l’un de vos meilleurs amis pour les balades en forêt, mais dans une forêt après la pluie alors, car cet album retranscrit parfaitement cette ambiance : celle d’un bosquet brumeux des Carpates où gambaderaient un ou deux Dracula.