CHRONIQUE PAR ...
Silverbard
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
14/20
LINE UP
-John Haughm
(chant+guitare)
-Don Anderson
(guitare)
-Jason William Walton
(basse)
-Aesop Dekker
(batterie)
TRACKLIST
1) Birth and Death of the Pillars of Creation
2) (Serpens Caput)
3) The Astral Dialogue
4) Dark Matter Gods
5) Celestial Effigy
6) Cor Serpentis (The Sphere)
7) Vales Beyond Dimension
8) Plateau of the Ages
9) (Serpens Cauda)
DISCOGRAPHIE
Agalloch fait partie de ces groupes qui aiment se faire désirer. Espaçant leurs sorties de trois à quatre longues années, il est impossible de maintenir la tension de l'attente si longtemps. Si bien qu'on en finit par oublier l'éventualité d'une nouveauté et l'arrivée effective de matériel vierge survient finalement comme une mini-surprise. D'autant que The Serpent & The Sphere paraît en mai, alors qu'on attend plus généralement l'automne et le début de l'hiver pour laisser s'exprimer toute le mysticisme du combo de l'Oregon. Mais fort heureusement, on peut compter sur le mauvais temps et la pluie pour faire illusion...
Agalloch est un des rares groupes éminemment respecté et faisant l'unanimité parmi les amateurs de musique triste et mélancolique venant ou pas du metal extrême. Parvenant à développer un son si chaleureux et une ambiance si apaisante au travers d'une musique aux teintes relativement froides et brutales, le quatuor de Portland a jusqu'à présent rarement déçu ses fans avec des livraisons variées mais de grande qualité. Et avant de se lancer dans l'écoute de ce nouvel album, la même question est sur toutes les lèvres, évidemment celle de l'orientation stylistique. Chaque opus jusqu'à présent a été marqué par des choix assez prononcés que ce soit tant en termes de production que d'ambiance. Et aussi cliché que cela soit à dire, The Serpent & The Sphere apparaît comme l'album de la synthèse. En cela, les premières écoutes sont extrêmement décevantes car tout semble avoir été déjà entendu. On reconnaît immédiatement la patte Agalloch, la voix de John Haughm tantôt avec ce chant black raclé, tantôt murmurée, et cette guitare acoustique omniprésente créatrice d'atmosphères si forestières. Mais tout ce qui faisait la magie et l'intensité d'Agalloch semble atténuée et émotionnellement, le fan sera déconcerté de ne pas retrouver ces frissons auxquels il avait pris l'habitude. Par exemple "The Astral Dialogue" ou "Celestial Effigy", quoique très bien exécutées, se présentent comme une caricature d'Ashes Against The Grain avec un tempo accéléré et des effets black plus marqués (double pédale, blast beats). Certes, ces titres sont très agréables et développent de magnifiques atmosphères mais ne retiennent au final peu l'attention, voire ennuient par moment la faute à des structures trop simples, quasi formatées ce qui est étonnant venant d'Agalloch.
Pourtant tout commence avec "Birth And Death Of The Pillars Of Creation" qui évoque immédiatement "In The Shadow Of Our Pale Companion" en reprenant les mêmes sonorités dark folk avec des chœurs saisissants. Bien qu'affichant également la dizaine de minutes au compteur, la structure est toutefois bien différente des précédents openers. Bien plus calme, le morceau ne décolle jamais vraiment et demeure très frustrant de prime abord avant de se révéler au fil des écoutes. Excessivement doom, le thème principal lancinant éclot avec le temps pour laisser transparaitre une incroyable beauté, à l'image du magnifique solo final. Dans la même lignée, "Dark Matter Gods" est quant à lui très intéressant dans sa composition avec des renversements d'ambiances et de structures qui rappellent les meilleurs titres du groupe, jusqu'au magnifique solo final (là encore !). Mais c'est surtout l'instrumental "Plateau Of The Ages" qui est véritablement le morceau phare de l'album, en plus d'être le plus long. Agalloch y affirme plus que jamais des influences post-rock évoquant naturellement Cult Of Luna. La progression est magistrale, chaque partie s'articule de façon spontanée et sans à-coup. La chanson commence par un long crescendo tout en delay, suivi d'un passage sludge atmosphérique avec une pluie de tremoli. Aux trois-quarts du titre, le solo de guitare survient comme une apothéose dans des sonorités larmoyantes très doom/death. Enfin le final annonce le retour des tremoli et fait un clin d'œil très appuyé à toute la scène blackgaze emmenée par Alcest. Un mot de "Vales Beyond Dimension" qui est le seul morceau vraiment surprenant de l'album (bien que peut-être le plus inconsistant et ennuyeux par ailleurs) avec à nouveau une empreinte death/doom palpable (on croirait entendre du Paradise Lost sur les soli !).
Avant de conclure, il faut signaler la présence de trois pistes acoustiques de trois minutes chacune, qui se révèlent bien plus intéressantes qu'elles n'y paraissent. Simples mais très belles, elles tentent d'assurer une cohérence à cet album qui en manque cruellement et forcent à écouter la galette dans l'ordre et en entier. Difficile de juger cet album inégal qui varie du juste bon à l'excellent. L'album peine mais tend à affirmer sa personnalité au fil des écoutes, restant cependant nettement dans l'ombre de ses prédécesseurs, ce qui est demeure la principale déception de cet opus. Ce qui est d'autant plus dommage, c'est qu'il faudra attendre encore longtemps pour avoir la suite !